Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2010.
Par un jugement n° 1703733 du 12 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 11 septembre 2019, le 5 août 2020 et le 13 janvier 2021, M. A..., représenté par Me Lagneaux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 juillet 2019 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- la notification des bases d'imposition est insuffisamment motivée ;
- les détournements de fonds opérés ne relèvent pas d'une activité professionnelle et ne pouvaient être taxés sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts ;
- compte tenu des remboursements intervenus ou à intervenir, les sommes qu'il a captées peuvent recevoir la qualification d'emprunt ; il y a lieu en tout état de cause, de tenir compte, pour l'application de l'article 92 du code général des impôts, des sommes remboursées ;
- aucune décision pénale n'ayant été rendue, l'administration n'apporte pas la preuve de la réalité des sommes encaissées et conservées par lui ;
- l'administration ne pouvait appliquer le droit de reprise spécial de dix ans dès lors qu'il n'a exercé ni activité illicite ni activité occulte au sens du 2ème alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ;
- le service n'apporte pas la preuve de la réalité de sommes effectivement encaissées par lui.
Par des mémoires, enregistrés le 23 avril 2020, le 29 septembre 2020 et le 21 janvier 2021, le ministre de l'action et des comptes publics et le ministre de l'économie, des finances et de la relance, concluent au rejet de la requête.
Ils soutiennent que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code pénal ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui exerce la profession d'agent général d'assurances, a fait l'objet, avec sa conjointe, d'un contrôle sur pièces portant sur les années 2008, 2010, 2011 et 2012, à l'issue duquel l'administration fiscale, sur la base de renseignements obtenus par l'autorité judiciaire dans le cadre de l'exercice du droit de communication, a imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, en application de l'article 92 du code général des impôts, les sommes, évaluées d'office sur le fondement du 2° de l'article 73 du livre des procédures fiscales, que M. A... avaient détournées soit en établissant un faux contrat d'assurance-vie dont les fonds versés par le client étaient encaissés par lui, soit en enregistrant de fausses demandes de rachats partiels d'assurance-vie au nom et pour le compte d'assurés. M. A... relève appel du jugement du 12 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2008 et 2010.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ".
3. La notification du 31 mai 2016 portant évaluation d'office des bases d'imposition des années en litige indique que les sommes détournées sont rapportées au revenu imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le fondement du 1 de l'article 92 du code général des impôts, mentionne que les éléments ont été recueillis auprès de l'autorité judiciaire, et se réfère aux pièces utiles de la procédure pénale en précisant, pour chaque somme intégrée dans les bénéfices non commerciaux, le numéro de la pièce du dossier pénal, la date de l'opération, le nom des victimes et le montant du détournement en euros, avant de donner le montant total des redressements par année d'imposition. Ainsi, l'administration n'a pas méconnu les exigences de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales.
4. Par ailleurs, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir au soutien du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet acte, des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-50-20 § 120, qui relatives à la procédure d'imposition, ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale opposable à l'administration et n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'étendue du droit de reprise :
5. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. ".
6. Il résulte de l'instruction, et notamment des procès-verbaux de ses auditions par les services de la police judiciaire, que M. A... a reconnu avoir, en 2008, établi un faux contrat d'assurance-vie dont les fonds versés par le client, d'un montant de 117 717,38 euros, ont été encaissés par lui et avoir, en 2010, enregistré de fausses demandes de rachats partiels d'assurance-vie au nom et pour le compte d'assurés dans le but d'encaisser les chèques émis par la compagnie d'assurance qui l'emploie, pour un montant total de 67 189,11 euros. Ces faits étant susceptibles d'être qualifiés d'abus de confiance et de faux et usage de faux, infractions réprimées par les articles 314-1 et suivants et 441-1 et suivants du code pénal, ils ont le caractère d'une activité illicite au sens des dispositions du livre des procédures fiscales précitées et ce quand bien même ils ont été commis à l'occasion de l'exercice par M. A... de son activité d'agent général d'assurances. Dans ces conditions, et alors que l'appelant se borne à soutenir que son activité d'agent général d'assurances a fait l'objet d'une déclaration auprès d'un centre des formalités des entreprises et a donné lieu à une immatriculation au registre du commerce et des sociétés, le service était fondé à faire application du délai spécial de reprise de dix ans prévu par le deuxième alinéa précité de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales pour imposer les profits tirés de son activité illicite non déclarée.
En ce qui concerne la base légale de l'imposition :
7. Aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. ".
8. M. A... soutient que les détournements de fonds auxquels il reconnaît s'être livrés sont sans lien avec l'exercice d'une activité professionnelle non commerçante et ne peuvent recevoir la qualification de bénéfices non commerciaux au sens de l'article 92 du code général des impôts. Toutefois, en application de ces dispositions, les sommes détournées par M. A... en marge de son activité d'agent général d'assurances, qui constituent pour lui une source de profits et ne peuvent être rattachées à aucune autre catégorie de bénéfices, constituent des bénéfices non commerciaux devant être imposées dans cette catégorie.
En ce qui concerne le montant des bénéfices non commerciaux :
9. Les bénéfices non commerciaux tirés par M. A... de son activité occulte de détournement de fonds ayant été évalués d'office selon une procédure dont il ne conteste pas la régularité, il supporte, en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge.
10. En premier lieu, ainsi qu'il a déjà été dit, il résulte de l'instruction que l'administration s'est fondée sur les procès-verbaux d'auditions de M. A... obtenus par l'autorité judiciaire dans le cadre de l'exercice du droit de communication, aux termes desquels l'intéressé a reconnu la réalité des faits reprochés et le montant des sommes détournées. L'appelant n'est dès lors pas fondé à soutenir que le service n'apporte pas la preuve du montant des recettes non commerciales retenues dans ses bénéfices non commerciaux.
11. En second lieu, si M. A... demande que les sommes qu'il a remboursées soient déduites des recettes totales, il n'établit pas la réalité de ces remboursements au titre des années 2008 et 2010. Par suite, sans que M. A... puisse utilement se prévaloir de l'absence de condamnation pénale, il ne peut être regardé comme apportant la preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 avril 2021.
La rapporteure,
S. Lesieux Le président,
D. Pruvost
La greffière,
L. Francius
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 19LY03520