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01/04/2021 | FRANCE | N°19LY04680

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 01 avril 2021, 19LY04680


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1704130 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2019, M. et Mme D..., représentés par Me E...,

demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) avant-dire droit, d'ordonner une experti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1704130 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2019, M. et Mme D..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) avant-dire droit, d'ordonner une expertise afin d'évaluer la valeur vénale de leur bien immobilier ;

3°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités correspondantes, le cas échéant à hauteur de la minoration qui devrait ressortir du rapport d'expertise ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme D... soutiennent que :

- parmi les termes de comparaison utilisés par l'administration, deux confirment la normalité du prix auquel ils ont acquis leur appartement ;

- ils n'ont pu bénéficier de la garantie offerte par la saisine de la commission de conciliation et le tribunal n'a pas fait droit à leur demande d'expertise, de sorte qu'ils sont dans l'impossibilité de rapporter la preuve de la normalité du prix payé, alors pourtant que la charge de la preuve d'un prix minoré pèse sur l'administration ; ils produisent néanmoins une étude de notaires révélant l'existence de ventes effectuées sur une base, prix au m², équivalente ;

- la désignation d'un expert est seule de nature à permettre le dénouement du contentieux ; le tribunal ayant omis de répondre à leur demande, ils n'ont d'autre choix que de la réitérer à titre subsidiaire ;

- l'administration n'apporte pas la preuve de l'intention d'octroyer comme de recevoir une libéralité.

Par un mémoire, enregistré le 21 août 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D... ont acquis le 30 novembre 2010 un appartement de type 4 avec balcon et garage en sous-sol en état futur d'achèvement sur le territoire de la commune de Vetraz-Monthoux (74100). La SARL Capita Partners, qui a réalisé les opérations de construction-vente de l'immeuble où est situé cet appartement, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 à l'issue de laquelle l'administration a considéré, notamment, qu'elle avait cédé cet appartement à un prix minoré et a regardé le revenu résultant de l'insuffisance de prix constaté comme constituant un avantage occulte consenti à M. et Mme D... au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts. Sur le fondement de cette rectification, elle leur a notifié des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2011, assortis d'une majoration de 40 % pour manquement délibéré sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts. Par une décision du 19 mai 2017, l'administration a prononcé, à hauteur de 2 873 euros, le dégrèvement des contributions sociales assises sur la part majorée de 25 % de l'assiette de ces prélèvements. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires restant à leur charge ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif a rejeté la demande de M. et Mme D... et écarté les moyens relatifs au bien-fondé des impositions mises à leur charge en retenant, en particulier, que l'administration fiscale établissait l'existence d'un écart significatif entre le prix de cession et la valeur vénale du bien qu'ils ont acquis auprès de la SARL Capita Partners. Il a ainsi implicitement mais nécessairement rejeté leurs conclusions, présentées au demeurant à titre subsidiaire, tendant à la désignation d'un expert judiciaire en vue de déterminer la valeur vénale de leur appartement. Il s'ensuit que le jugement attaqué n'est pas irrégulier.

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".

4. En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111 c du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que pour apprécier la valeur vénale du bien acquis par M. et Mme D..., l'administration fiscale a déterminé son prix de vente par tantième qu'elle a comparé au prix de vente moyen par tantième de six appartements de type 2 à 4, commercialisés par la SARL Capita Partners au sein du même programme immobilier et vendus durant la même période, en novembre et décembre 2010. Certains appartements, comme celui acquis par les appelants, ayant été livrés bruts sans finition, alors que d'autres ont été livrés finis, elle a appliqué au prix de vente de ces derniers une décote de 7 ou 13 %, puis a rapporté le prix moyen par tantième ainsi calculé aux tantièmes attribués à l'appartement litigieux. Elle a alors constaté un écart significatif de l'ordre de 56 169 euros, soit 19 %, entre le prix de vente déclaré de 233 920 euros et celui estimé par elle.

6. M. et Mme D... font valoir que le prix d'achat de leur appartement, de 378 euros au tantième, est justifié au regard du prix au tantième de deux appartements de type 3, ayant servi de termes de comparaison à l'administration. Il résulte cependant de l'instruction que l'administration a aussi retenu quatre autres termes de comparaison faisant apparaître des prix de cession au tantième nettement supérieurs à celui du lot acquis par les appelants, dont l'un en particulier correspondant à un appartement de type 4, situé au 3ème étage avec terrasse, d'une superficie équivalente à celle de l'appartement de M. et Mme D..., faisant apparaître un prix au tantième de 537 euros, soit 1,4206 fois plus que l'appartement en litige. En outre, il ressort de la recherche faite par une étude notariale produite par les intéressés, portant sur le prix de vente au m² des appartements individuels dans le voisinage de l'appartement litigieux entre 2009 et 2013, que la cession de biens immobiliers équivalents au leur s'est faite dans des conditions plus onéreuses. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Grenoble, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, l'administration établit l'existence d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur réelle du bien concerné sans que cet écart ne soit justifié par une contrepartie.

7. En second lieu, dans le cas où le vendeur et l'acquéreur sont liés par une relation d'intérêts, l'intention d'octroyer et de recevoir est présumée. Eu égard à la relation d'intérêts existant entre M. D..., gérant de la SARL Capita Partners, et cette société, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe d'une intention commune de libéralité constitutive d'une distribution occulte au profit de M. et Mme D....

8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme D... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme B..., première conseillère,

Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er avril 2021.

2

N° 19LY04680


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04680
Date de la décision : 01/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : RIERA-TRYSTRAM-AZEMA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-01;19ly04680 ?
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