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30/03/2021 | FRANCE | N°20LY03136

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 mars 2021, 20LY03136


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de la Drôme, dans un délai de trente jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer

sa situation.

Par un jugement n° 2003280 du 28 septembre 2020, le tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de la Drôme, dans un délai de trente jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2003280 du 28 septembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble l'a admis à l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2020, M. D... C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 septembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 mars 2020 du préfet de la Drôme ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de réexaminer son dossier et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou de lui délivrer un titre de séjour lui permettant d'exercer en France une activité salariée dans les trente jours suivant la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- s'il a été versé au débat l'arrêté portant délégation de compétence au profit de M. F..., il n'a pas été justifié que le signataire avait compétence pour recevoir cette délégation ;

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

- le refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il réside en France depuis trois ans à la date de la décision contestée, que ses parents ainsi qu'une grande partie de sa famille vivent en France depuis longtemps ; son père est décédé le 27 octobre 2017 et l'état de santé de sa mère, Mme G... D... C..., nécessite sa présence à ses côtés ; sa mère bénéficie de son unique assistance dès lors que les autres membres de sa famille ne peuvent la prendre en charge ; il a signé un contrat de travail en qualité d'emploi familial ; par un jugement du 24 janvier 2020, le juge des tutelles près le tribunal judiciaire de Valence l'a désigné comme seul et unique tuteur légal de sa mère, en charge de la représenter et d'administrer ses biens et sa personne ; s'il devait retourner vivre en Algérie, il ne pourrait ni déférer aux convocations du juge des tutelles, ni rendre compte à ce dernier conformément aux termes de l'article 421 du code civil ;

- le préfet devait saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'il devait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

- ces décisions seront annulées compte tenu de l'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les motifs précédemment évoqués.

Par un mémoire, enregistré le 8 janvier 2021, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le signataire avait reçu délégation de signature à l'effet de signer l'arrêté contesté ;

- M. D... C... ne remplissant pas les conditions du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 pour se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, il n'avait pas à saisir la commission du titre de séjour ;

- la requête n'appelle pas d'autres observations que celles développées en première instance.

M. D... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D... C..., ressortissant algérien né le 13 mai 1980, est entré en France le 21 mars 2017 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 24 juillet 2018, il a sollicité une première fois la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 13 août 2018, dont la légalité a été confirmée par un jugement du 5 novembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble et par un arrêt du 15 avril 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon, le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Le 10 février 2020, il a à nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le même fondement que précédemment. Par un arrêté du 3 mars 2020, le préfet de la Drôme a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. M. D... C... relève appel du jugement du 28 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble l'a admis à l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2020.

Sur la légalité de l'arrêté du 3 mars 2020 :

En ce qui concerne le moyen commun :

2. Par un arrêté du 9 septembre 2019, publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, le préfet de la Drôme a donné délégation à M. F..., nommé secrétaire général de la préfecture par décret du 31 juillet 2018, " à l'effet de signer, au nom du préfet, tous actes et documents administratifs relevant des services de la préfecture (...) " à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre le refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). " et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. D... C..., célibataire et sans enfant, est entré en France le 21 mars 2017. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales et amicales en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans et ce alors que ses parents, l'un de ses frères et sa soeur, titulaires d'un titre de séjour de dix ans, résidaient déjà en France depuis de nombreuses années. M. D... C... se prévaut de l'état de santé de sa mère qui nécessite sa présence à ses côtés eu égard à sa perte d'autonomie et de l'impossibilité pour les autres membres de sa famille de la prendre en charge. Si un certificat médical du 12 novembre 2018 fait état de ce que la mère du requérant présente plusieurs pathologies chroniques nécessitant un suivi régulier et la présence des membres de sa famille pour ses déplacements vers les structures de soins et la gestion des tâches de la vie quotidienne et un jugement du 24 janvier 2020 du juge des tutelles du tribunal judiciaire de Valence a désigné M. D... C... en qualité de tuteur de sa mère compte tenu de la grave altération de ses facultés mentales, ce certificat médical et ce jugement du juge des tutelles ne suffissent pas à établir que la présence de M. D... C... serait indispensable aux côtés de sa mère et que celle-ci ne pourrait pas bénéficier d'un accompagnement adapté à son état de santé par ses autres enfants, dont l'un réside également avec elle, ou des structures médico-sociales qui pourraient être désignés en qualité de tuteur, le jugement de tutelle précisant d'ailleurs que l'UDAF de la Drôme est désigné en qualité de subrogé tuteur. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. D... C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. Il résulte des dispositions de l'article R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions visées par ce texte ou les stipulations de l'accord franco-algérien ayant le même objet. Ainsi, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. D... C... n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français :

6. M. D... C..., n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

7. M. D... C... se prévaut, au soutien des moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des mêmes arguments que ceux qui ont été précédemment exposés au point 4. Ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs.

En ce qui concerne le moyen dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi :

8. M. D... C..., n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et tendant à l'application de l'article L. 7611 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme .

Délibéré après l'audience du 25 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. Gayrard, président de la formation de jugement,

Mme B..., première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

2

N° 20LY03136


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03136
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. GAYRARD
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-30;20ly03136 ?
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