La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2021 | FRANCE | N°20LY02818

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 mars 2021, 20LY02818


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 27 avril 2020 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à défaut, de lui déliv

rer une autorisation provisoire de séjour et de travail et de supprimer son inscript...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 27 avril 2020 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail et de supprimer son inscription au système d'informations Schengen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2002766 du 9 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 septembre 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002766 du 9 juillet 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées du préfet de l'Isère du 27 avril 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, de procéder à la suppression de son inscription au fichier système d'informations Schengen et réexaminer sa situation, dans un délai de huit jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- il est fondé, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé par le préfet de l'Isère le 31 mars 2018 ;

- en application des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il entre dans le champ de la délivrance d'un certificat de résidence de plein droit en justifiant d'une présence habituelle en France depuis plus de dix ans ;

- son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur l'interdiction de retour pour une durée de trois ans :

- cette mesure est disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2020, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés et que, si M. C... venait à justifier de son entrée régulière sur le territoire français, par la production d'une copie plus lisible de son passeport, la mesure d'éloignement pouvait être fondée sur le 7° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de la menace pour l'ordre public que représente le requérant.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 22 octobre 1971, relève appel du jugement du 9 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 avril 2020 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et a fixé le pays de destination.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énumèrent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un ressortissant étranger. Aux termes de ces dispositions : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant, au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1 du même code, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ".

3. La décision portant obligation de quitter le territoire français en litige est fondée sur le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, au motif que M. C... ne pouvait présenter les documents justifiant de son entrée régulière en France. Cette décision n'a dès lors pas pour base légale la décision du 31 décembre 2018 portant rejet de la demande de l'intéressé d'un titre de séjour. Par suite, M. C... ne saurait utilement exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 31 décembre 2018.

4. En deuxième lieu, indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi ou un accord international, prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.

5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".

6. M. C... soutient qu'à la date de l'arrêté attaqué, le 27 avril 2020, il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans, dès lors qu'il est entré sur le territoire national en 2000 et qu'il s'y est maintenu depuis lors. Toutefois, M. C... ne produit aucune pièce attestant de sa présence en France entre avril 2010 et septembre 2011 ainsi qu'au cours de l'année 2019. En outre, les pièces produites par le requérant au titre de l'année 2016, consistant en deux récépissés de demandes de titre de séjour et un avis d'impôt sur le revenu pour un montant nul, sont insuffisantes, eu égard à leur nature et leur faible nombre, pour justifier de sa résidence habituelle sur le territoire français au cours de cette année. Dans ces conditions, M. C... ne remplissait pas, à la date de la décision en litige, les conditions d'attribution de plein droit du certificat de résidence prévues par les stipulations précitées du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, ces stipulations ne faisaient pas obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. C... fait valoir que depuis son entrée sur le territoire français en 2000, il vit auprès de membres de sa fratrie avec lesquels il a développé des liens étroits et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche. Toutefois, comme il a été dit au point 6, M. C..., célibataire et sans enfant, n'établit pas résider habituellement en France depuis dix ans à la date de la décision contestée. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches privées et familiales en Algérie, où il a lui-même indiqué, en 2015, que vivaient ses parents ainsi que l'un de ses frères et deux de ses soeurs. Le requérant ne justifie d'aucune insertion professionnelle ou sociale particulière. En outre, M. C..., qui a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 31 décembre 2018, a été condamné, le 28 novembre 2012, par la cour d'appel de Grenoble à une peine d'emprisonnement de huit mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'exhibition sexuelle et d'entrée ou de séjour irrégulier en France. Par ailleurs, le préfet a relevé que M. C... avait été interpellé en 2011 pour des faits de violence, en 2012 pour des faits de destruction ou détérioration de bien d'autrui, en 2014 pour des faits de port d'armes blanches et dégradation ou détérioration de bien d'autrui, en 2016 pour des faits d'outrage à une personne chargée d'une mission de service public et en 2017 pour des faits de violence avec arme, outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion. Le requérant ne conteste pas la matérialité de l'ensemble de ces faits en se bornant à faire valoir la présomption d'innocence. Dans ces conditions, eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France, le préfet de l'Isère n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. C....

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :

9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

10. Comme il a été dit plus haut, M. C... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 31 décembre 2018 et qu'il n'a pas exécutée. S'il soutient séjourner en France depuis 2000, il n'en justifie pas. En outre, le requérant, célibataire et sans enfant, n'établit pas disposer en France d'attaches privées et familiales intenses, stables et anciennes. Enfin, au regard de sa condamnation pénale en 2012 et des nombreuses interpellations de police survenues entre 2011 et 2017, sa présence sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 25 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. Gayrard, président de la formation de jugement,

Mme A..., première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

2

N° 20LY02818


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02818
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. GAYRARD
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-30;20ly02818 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award