La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2021 | FRANCE | N°20LY02718

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 mars 2021, 20LY02718


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 1 200 euros au titre de l'artic

le L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'arti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1909532 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2020, M. A..., représenté par la SELARL BS2A B... et Sabatier avocats associés, agissant par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1909532 du 16 juillet 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " commerçant " ou de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article 14 de la directive n° 2003/109/CE, qui n'ont pas été transposées et sont d'effet direct en droit interne, sont applicables cumulativement avec les stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; dès lors qu'il dispose d'un titre de séjour en qualité de " résident de longue durée - UE " délivré par les autorités italiennes, la condition de visa de long séjour ne pouvait lui être opposée ; il justifie d'une inscription au registre du commerce et des sociétés, a présenté sa demande de titre de séjour dans les trois mois de son entrée sur le territoire français et dispose d'une assurance maladie ; le préfet n'avait ainsi pas à vérifier si son activité économique était viable ;

- il résulte de la conciliation des dispositions de la directive n° 2003/109/CE et des stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 entre elles qu'il est dispensé à la fois de l'obligation de présenter un visa de long séjour et de justifier de la viabilité économique de son projet ;

- le préfet a commis une erreur de fait en estimant qu'il ne justifiait pas de ressources suffisantes ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la directive n° 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les observations de Me B..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 28 mars 1984, relève appel du jugement du 16 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant ".

2. D'une part, aux termes de l'article 1er de la directive n° 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée : " La présente directive établit: (...) b) les conditions de séjour dans des États membres autres que celui qui a octroyé le statut de longue durée pour les ressortissants de pays tiers qui bénéficient de ce statut ". Aux termes de l'article 3 de cette directive : " 1. La présente directive s'applique aux ressortissants de pays tiers qui résident légalement sur le territoire d'un État membre. (...) 3. La présente directive s'applique sans préjudice des dispositions plus favorables: (...) b) des accords bilatéraux déjà conclus entre un État membre et un pays tiers avant la date d'entrée en vigueur de la présente directive ; (...) ". Selon l'article 14 de cette directive : " 1. Un résident de longue durée acquiert le droit de séjourner sur le territoire d'États membres autres que celui qui lui a accordé son statut de résident de longue durée, pour une période dépassant trois mois, pour autant que les conditions fixées dans le présent chapitre soient remplies. 2. Un résident de longue durée peut séjourner dans un deuxième État membre pour l'un des motifs suivants : a) exercer une activité économique à titre salarié ou indépendant (...). 3. Lorsqu'il s'agit d'une activité économique à titre salarié ou indépendant visée au paragraphe 2, point a), les États membres peuvent examiner la situation de leur marché du travail et appliquer leurs procédures nationales concernant les exigences relatives au pourvoi d'un poste ou à l'exercice de telles activités. (...) ". Aux termes de l'article 15 de la même directive : " 1. Dans les plus brefs délais et au plus tard trois mois après son entrée sur le territoire du deuxième État membre, le résident de longue durée dépose une demande de permis de séjour auprès des autorités compétentes de cet État membre. (...) 2. Les États membres peuvent exiger de la personne concernée de fournir la preuve qu'elle dispose : a) de ressources stables et régulières, suffisantes pour son entretien et celui des membres de sa famille, sans recourir à l'aide sociale de l'État membre concerné. Pour chacune des catégories visées à l'article 14, paragraphe 2, les États membres évaluent ces ressources par rapport à leur nature et à leur régularité et peuvent tenir compte du niveau minimal des salaires et pensions ; b) d'une assurance maladie couvrant, sur son territoire, tous les risques normalement couverts pour ses propres ressortissants dans l'État membre concerné (...). ". Enfin, aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour la transposition de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée : (...) 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10. Pour l'application du présent article, sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". Aux termes de l'article 7 du même accord : " (...) c. Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ". Selon l'article 9 de ce même accord : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole (...), les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ".

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A..., titulaire d'un titre de résident de longue durée-UE délivré par les autorités italiennes le 30 mai 2016 et en cours de validité, a présenté une demande de titre de séjour en France, en qualité de commerçant, en se prévalant des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 combinées avec les dispositions citées au point 2 de la directive n° 2003/109/CE du 25 novembre 2003. Il ressort des écritures en défense présentées devant le tribunal que, pour opposer un refus implicite à cette demande, le préfet du Rhône s'est fondé sur la circonstance que M. A... ne justifiait pas disposer de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins, telles que prévues à l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En premier lieu, les dispositions de l'article 14 de la directive du 25 novembre 2003, citées au point 2, ayant été complètement transposées par l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... ne peut, contrairement à ce qu'il soutient, utilement invoquer directement ces dispositions de la directive pour contester le refus de titre de séjour litigieux.

6. En deuxième lieu, l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile exempte, dans certaines conditions, l'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE de l'obligation de disposer d'un visa de longue durée. Cette exemption est subordonnée au dépôt effectif, par l'étranger titulaire de cette carte et qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins ainsi que d'une assurance maladie, d'une demande de titre de séjour dans les trois mois qui suivent son entrée sur le territoire français. Les dispositions de cet article sont applicables aux ressortissants algériens titulaires d'une carte de résident de longue durée délivrée par un autre Etat membre et dont la situation, à cet égard, n'est pas régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

7. S'il est constant que M. A... ne disposait pas du visa de long séjour exigé, pour la délivrance du certificat de résidence prévu à l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, par l'article 9 du même accord, il était titulaire, ainsi qu'il a été dit au point 4, d'un titre de résident de longue durée-UE délivré par les autorités italiennes. Dès lors, il entrait dans le champ d'application de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen invoqué par le requérant tiré de ce que le préfet du Rhône a commis une erreur de droit en exigeant qu'il justifie de la condition de ressources posée par cet article, doit être écarté.

8. En troisième lieu, si M. A..., qui indique être entré sur le territoire français le 12 décembre 2018, fait valoir qu'il a déposé sa demande de titre de séjour le 14 décembre suivant, soit moins de trois mois après son entrée sur le territoire français, il ne justifie pas, à supposer même qu'il bénéficie d'une assurance maladie, ni même ne soutient, qu'à la date à laquelle l'administration a refusé de lui accorder un titre de séjour par la décision implicite de rejet contestée née du silence gardé pendant quatre mois sur sa demande, il disposait de ressources stables et suffisantes, telles qu'exigées par l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance alléguée par M. A... que l'activité professionnelle de commerçant qu'il envisageait d'exercer était susceptible de lui procurer, dans l'avenir, des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance, est sans incidence sur le respect de la condition posée par l'article L. 313-4-1, laquelle s'apprécie à la date de la décision attaquée. Dès lors, le préfet n'a pas commis d'erreur de fait en estimant que M. A... ne remplissait pas la condition de ressources prévue à cet article.

9. En dernier lieu, les circonstances que M. A... bénéficie d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes et qu'il justifie d'une opportunité professionnelle en France consistant dans la reprise d'une activité de restauration rapide ne caractérisent pas une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision de refus de titre de séjour sur sa situation personnelle.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. Gayrard, président de la formation de jugement,

Mme C..., première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

2

N° 20LY02718


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02718
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. GAYRARD
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-30;20ly02718 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award