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30/03/2021 | FRANCE | N°18LY04735

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 mars 2021, 18LY04735


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CMA Transport Polska a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 7 octobre 2016 lui infligeant une sanction d'interdiction de réaliser des transports publics routiers de marchandises sous le régime du cabotage sur le territoire français pendant une durée de quatre mois à compter du 14 novembre 2016, sinon de réduire cette sanction et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 18 000 euros en application de l'article L. 7

61-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1609121 du 18 oc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CMA Transport Polska a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 7 octobre 2016 lui infligeant une sanction d'interdiction de réaliser des transports publics routiers de marchandises sous le régime du cabotage sur le territoire français pendant une durée de quatre mois à compter du 14 novembre 2016, sinon de réduire cette sanction et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 18 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1609121 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 21 décembre 2018, 28 juin 2019, 29 octobre 2019 et 24 janvier 2020, la société CMA Transport Polska, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1609121 du 18 octobre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 7 octobre 2016 ;

3°) de condamner le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser la somme de 18 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les poursuites préalables à la sanction infligée sont entachées d'irrégularité ;

- la commission régionale de sanctions administratives du 30 juin 2016 était irrégulièrement composée de par la présence d'un agent de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement et a ainsi méconnu l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs ;

- le déroulement de cette commission est entaché de vices de procédure tenant au quorum, aux modalités de vote, à la motivation de l'avis et à sa transmission ;

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté faute d'une communication préalable de l'avis de la commission avant le prononcé de la sanction ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- la décision est irrégulière en raison d'une erreur de qualification juridique sur la définition d'un transport de cabotage au sens de la convention de Genève du 19 mai 1956 et d'une circulaire du 21 juin 2010 relative à la mise en oeuvre de la réglementation concernant le cabotage routier des marchandises ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit quant à la qualification d'infraction grave à la législation communautaire au sens de l'article 13 du règlement CE n°1072/2009 du 30 août 2009 et de l'article L. 3452-5-1 du code des transports et à la violation du principe de présomption d'innocence consacré par l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 48-1 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne tenant à l'absence de condamnation pénale ;

- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- elle doit bénéficier du droit à l'erreur issu de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018.

Par deux mémoires enregistrés les 28 juin et 10 septembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête :

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 24 janvier 2020.

Un mémoire, enregistré le 22 janvier 2020 et présenté par le ministre de la transition écologique, n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Deux mémoires, enregistrés les 24 janvier 2020 et 15 février 2021 et présentés par la société CMA Transport Polska, n'ont pas été communiqués en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 et de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l'accès au marché du transport international de marchandises par route ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code des transports ;

- la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance ;

- le décret n° 99-752 du 30 août 1999 relatif aux transports routiers de marchandises ;

- le décret n° 2013-448 du 30 mai 2013 relatif à la commission nationale des sanctions administratives et aux commissions régionales des sanctions administratives dans le domaine du transport routier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, rapporteur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vert, avocat de la société CMA Transport Polska.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 février 2021, de la société CMA Transport Polska.

Considérant ce qui suit :

1. La société CMA Transport Polska, société de droit polonais, exerce une activité de transport routier international sous licence communautaire et a fait l'objet, de mai 2011 à février 2016, de quatorze procès-verbaux d'infractions à la réglementation du transport routier. Après avoir recueilli l'avis de la commission régionale des sanctions administratives dans le domaine du transport routier Rhône-Alpes réunie le 30 juin 2016, par décision du 7 octobre 2016, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a décidé d'infliger à la société CMA Transport Polska la sanction d'interdiction de cabotage pendant une durée de quatre mois à compter du 14 novembre 2016. La société CMA Transport Polska relève appel du jugement du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision précitée.

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

2. En premier lieu, lorsque la commission régionale des sanctions administratives est appelée à connaître, en vertu de l'article 18-1 du décret n° 99-752 du 30 août 1999 relatif aux transports routiers de marchandises, de l'éventualité d'infliger une sanction administrative, elle ne dispose d'aucun pouvoir de décision et se borne à émettre un avis au préfet de région, seule autorité compétente pour prononcer une sanction administrative. Par suite, n'étant pas un tribunal au sens de l'article 6- 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen tiré de la méconnaissance de cette stipulation est inopérant. La requérante ne peut davantage soutenir utilement que le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs est méconnu dans le cadre de la procédure d'édiction de la sanction adoptée par le préfet.

3. En deuxième lieu, le principe d'impartialité n'impose pas qu'il soit procédé, au sein de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, à une séparation des fonctions de poursuite et de sanction. Par suite, un agent de cette direction, même agissant sous l'autorité du préfet de région, dûment commissionné et assermenté à cet effet, peut régulièrement dresser un procès-verbal d'infraction devant servir, le cas échéant, à fonder une décision de sanction édictée par le préfet.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 11 du décret n° 2013-448 du 30 mai 2013 : " I. _ La commission territoriale des sanctions administratives compétente est composée : (...) 2° De deux représentants de l'Etat compétents dans le domaine du contrôle des entreprises de transport ; (...) ". La présence d'un agent de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement en tant que représentant de l'Etat ne saurait, par elle seule, constituer un manquement au principe d'impartialité. La requérante n'apporte aucun commencement de preuve de nature à établir que cet agent aurait participé à l'instruction du dossier ou aurait pu avoir une influence sur le choix de la proposition de sanction. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la commission régionale des sanctions administratives aurait été irrégulièrement composée.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 15 du décret précité : " Les formations de la commission territoriale des sanctions administratives ne peuvent valablement délibérer que si la moitié au moins de leurs membres, dont les deux représentants de l'Etat, sont présents ou suppléés. (...). Les délibérations sont prises à la majorité des suffrages exprimés (...) ". Il résulte de la feuille d'émargement produite au dossier de première instance que la condition de quorum fixée par les dispositions précitées a été respectée. Dès lors, la commission était régulièrement composée et a pu valablement délibérer sur la situation de la société CMA Transport Polska. Aucun texte, ni principe général du droit, n'exigent que l'avis de la commission régionale de sanctions administratives indique les modalités et résultats du vote de la proposition de sanction. L'avis préalable à la décision de sanction, laquelle doit être motivée, n'a pas à être également motivé. Enfin, les conditions de transmission de l'avis au préfet prévues à l'article 18 du décret précité sont sans incidence sur la régularité de la décision attaquée. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le déroulement de la procédure devant la commission régionale des sanctions administratives serait entaché d'irrégularités.

6. En cinquième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, aucun texte, ni principe général du droit, et notamment pas le principe du respect des droits de la défense, ne font obligation au préfet de région de communiquer l'avis de la commission régionale des sanctions administratives à l'entreprise de transport concerné avant qu'il édicte sa décision. Le moyen ne peut qu'être écarté.

7. En dernier lieu, l'autorité qui prononce une sanction a l'obligation de préciser elle-même dans sa décision les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de la personne intéressée, de sorte que cette dernière puisse à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée connaître les motifs de la sanction qui la frappe. Si la requérante soutient qu'elle n'a pas été mise à même de connaitre les raisons de la qualification de délit ou de contravention des faits reprochés, la décision attaquée indique dans sa troisième page les infractions relevées à l'encontre de la société CMA Transport Polska avec la nature des faits reprochés et leur qualification pénale alors qu'il n'est pas contesté que le rapport de présentation devant la commission régionale des sanction administratives, plus précis quant aux circonstances propres à chaque infraction constatée, était annexé à cette décision. Dans ces conditions, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.

Sur la légalité interne :

8. L'article 8 du règlement CE n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l'accès au marché du transport international de marchandises par route prévoit qu'un transporteur non résident d'un pays membre de l'Union Européenne est admis à y effectuer des transports dits de cabotage, c'est-à-dire sur le seul territoire de cet Etat, dans les conditions suivantes : ces transports doivent être effectués au cours d'une période maximale de sept jours et dans la limite de trois transports consécutifs à un transport international en provenance d'un autre Etat membre ou d'un pays tiers à destination de l'Etat membre d'accueil, au moyen du même véhicule ou s'agissant d'ensemble routier, au moyen du véhicule à moteur. Le transport de cabotage n'est réputé conforme au règlement que si le transporteur peut produire des preuves attestant clairement le transport international à destination de l'Etat membre d'accueil ainsi que chaque transport de cabotage qu'il a effectué par la suite. L'article 2 de ce règlement précise notamment qu'un transport international consiste en un déplacement en charge d'un véhicule dont le point de départ et le point d'arrivée se trouvent dans deux Etats membres différents, le véhicule s'entendant comme un véhicule à moteur immatriculé dans un État membre ou un ensemble de véhicules couplés dont au moins le véhicule à moteur est immatriculé dans un État membre, utilisés exclusivement pour le transport de marchandises. L'article 13 du même règlement autorise les Etats membres à prendre des sanctions administratives, sans préjudice de poursuites pénales, contre le transporteur non résident qui a commis sur le territoire de cet Etat à l'occasion d'un transport de cabotage, des infractions au présent règlement ou à la législation nationale ou communautaire dans le domaine des transports routiers, pouvant aller, en cas d'infraction grave, à une interdiction temporaire des transports de cabotage sur le territoire de l'Etat membre d'accueil où l'infraction a été commise. L'article 15 indique que les Etats membres déterminent le régime de sanctions applicables qui doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. L'article 18-1 du décret n° 99-752 du 30 août 1999 relatif aux transports routiers de marchandises, alors applicable, auquel renvoyait l'article L. 3452-5-1 du code des transports, disposait que : " Une entreprise de transport non résidente qui a commis en France, à l'occasion d'un transport de cabotage, une infraction grave au règlement (CE) n° 1072/2009 précité ou à la législation communautaire dans le domaine des transports routiers, peut faire l'objet d'une interdiction de réaliser des transports de cabotage sur le territoire national. Le préfet de région qui prononce l'interdiction est celui de la région dans laquelle l'infraction a été relevée. La durée de cette interdiction ne peut excéder un an. La décision du préfet de région est prise après avis de la commission régionale des sanctions administratives mentionnée à l'article L. 3452-3 du code des transports. "

9. Dans sa décision du 7 octobre 2016 infligeant à la société CMA Transport Polska la sanction d'interdiction de cabotage sur le territoire français pendant une durée de quatre mois à compter du 14 novembre 2016, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a indiqué qu'à l'occasion de dix contrôles routiers de 2011 à 2016, il a été constaté que cette entreprise avait commis des manquements graves et répétés à la réglementation relative au cabotage et à la réglementation des transports à l'occasion de transports de cabotage constituant neufs délits pour transports intérieur sans respecter les conditions prévues par l'article L. 3421-4 du code des transports en termes de nombre et de durée, deux délits pour absence de transport international préalable au transport de cabotage, deux contraventions pour absence de lettres de voiture, un délit pour absence de signalisation de transport de marchandise dangereuse assorti de trois contraventions concernant les mêmes faits. Le préfet a considéré que la gravité des délits relevés à l'encontre de la requérante, à savoir des manquements répétés aux conditions en matière de cabotage et des infractions liées au transport de marchandises dangereuses, justifiait la sanction d'interdiction temporaire de cabotage prise à l'encontre de la société CMA Transport Polska.

10. En premier lieu, la requérante soutient qu'une erreur de qualification juridique des faits a été commise lors du constat de certaines infractions portant sur des hypothèses de cabotage irrégulier ayant fait l'objet de huit des quatorze procès-verbaux d'infractions sur lesquels s'est fondé le préfet de région. La requérante soutient en effet que le préfet a considéré à tort que le transport international préalable aux opérations de cabotage s'achevait lors du déchargement d'un semi-remorque dans un port français et que le transport consécutif par attelage à un tracteur constituait un premier transport de cabotage alors qu'il n'y a aucun déchargement de marchandise dans cette opération.

11. D'abord, la requérante ne peut utilement invoquer les stipulations de la convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international par route qui n'a vocation qu'à régir les relations contractuelles des parties à un contrat de transport international et ce alors que tant le règlement CE n° 1072/2009 du 21 octobre 2009 que le code des transports, seuls textes applicables, n'en font aucune référence. La requérante ne peut davantage se fonder sur les termes d'une circulaire du 21 juin 2010 relative à la mise en oeuvre de la réglementation concernant le cabotage routier de marchandise qui ne revêt aucun caractère réglementaire.

12. Ensuite, il ressort des termes du règlement CE n° 1072/2009 du 21 octobre 2009 rappelés au point 8 que la fin du transport international préalable consiste en une livraison, et non au déchargement de la marchandise, et que le transport d'un semi-remorque par voie maritime destiné à être ensuite attelé à un tracteur ne constitue pas un transport international routier au sens des dispositions du règlement, celui-ci devant être assuré par un véhicule en charge ou, à tout le moins, par un véhicule à moteur à vide. Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, l'opération consistant en l'attelage dans un port français d'un semi-remorque, ayant transité par voie maritime depuis un autre pays membre ou un pays tiers, à un tracteur, quel que soit sa provenance, pour constituer un ensemble routier destiné à un transport au sein du territoire français constitue bien le début d'un premier transport de cabotage au sens du règlement précité. Inversement, lorsque le semi-remorque est dételé du tracteur dans un port français en vue d'être embarqué à bord d'un bateau avec pour destination un autre pays membre ou un pays tiers, le transport qui précède constitue également un transport de cabotage au sens des mêmes dispositions.

13. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la lettre de voiture internationale ou nationale ne caractérise pas nécessairement l'existence d'un transport international ou de cabotage, selon le cas, mais ils constituent seulement des documents permettant de le présumer au sens de l'article 8 du règlement précité. La requérante ne conteste pas que les transports concernés n'étaient pas éligibles au régime spécifique du transport combiné découlant de la directive CE n° 92/106 du 7 décembre 1992, compte tenu notamment de l'absence d'intervention d'un transport ferroviaire ou de la limitation en distance entre le port et le lieu de déchargement de la marchandise.

14. Il découle des points 10 à 13 que le moyen fondé sur une erreur de qualification juridique des faits commise par le préfet de région doit être écarté.

15. En deuxième lieu, la requérante soutient que le préfet aurait commis une erreur de droit en considérant que les faits reprochés caractérisent une faute grave au sens de l'article 13 du règlement précité dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet de condamnations pénales et que les infractions, outre d'être partiellement non constituées, sont de faible gravité.

16. D'une part, compte tenu de l'indépendance des procédures pénales et administratives, d'ailleurs rappelée par l'article 13 du règlement déjà cité, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit, ni méconnu le principe de présomption d'innocence, notamment consacré comme principe de valeur constitutionnel et conventionnel par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou encore la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, en se fondant sur des faits qualifiés pénalement alors même qu'aucune poursuite ou condamnation pénale n'aurait été initiée ou prononcée à la date de sa décision. La circonstance, à la supposer établie, que certains faits susceptibles de condamnations pénales soient prescrits n'interdit pas au préfet de les prendre en compte pour fonder sa décision de sanction administrative dès lors qu'aucun texte ne prévoit de prescription en la matière.

17. D'autre part, comme indiqué au point 9, la société CMA Transport Polska a commis au cours de la période 2011 - 2016 des faits constitutifs de délits ou de contraventions concernant le transport de marchandise dangereuse et des manquements répétés aux règles encadrant les transports de cabotage par les transporteurs non résidents du pays membre d'accueil, soit par un dépassement du nombre de transports, soit par un dépassement de la durée de réalisation de ces transports, soit par l'absence de production de lettres de voiture, soit encore en l'absence de preuve d'un transport international routier préalable. Si la requérante fait valoir que l'article 2 du règlement précité retient qu'une infraction est grave si elle peut conduire à la perte d'honorabilité conformément à l'article 6 du règlement CE n° 1071/2009 du 30 août 2009 ou au retrait temporaire ou permanent d'une licence communautaire, ce dernier article vise notamment le cas d'une sanction pour avoir gravement enfreint les réglementations communautaires concernant notamment la sécurité du transport de marchandises dangereuses par route. Par suite, sur le seul constat du délit d'absence de signalisation de marchandise dangereuse relevé par un procès-verbal d'infraction du 29 octobre 2014 accompagné de contraventions concernant le stationnement du véhicule, infractions non contestées par la société requérante, celle-ci pouvait être regardée comme ayant commis une infraction grave au sens des dispositions des articles 2 et 13 du règlement n° 1072/2009 du 30 août 2009. En outre, l'article R. 3116-3 du code des transports subordonne la faculté de retrait temporaire d'une licence communautaire en France à la commission d'au moins une contravention de la cinquième classe alors que la requérante a commis un total de douze délits et des contraventions de 4° et 5° classe.

18. Il découle des points 15 à 17 que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté dans toutes ses branches. Pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la sanction infligée serait disproportionnée.

19. Si la requérante soutient que la sanction d'interdiction de cabotage édictée par les autorités françaises vise en fait à protéger le marché français d'une concurrence étrangère, les termes qu'elle cite de la décision attaquée et d'une circulaire du 4 mai 2012 ne sont pas de nature à établir le détournement de pouvoir allégué.

20. Enfin, la société CMA Transport Polska ne peut utilement se prévaloir du " droit à l'erreur " institué par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 dès lors que ce droit a été reconnu postérieurement à la décision attaquée et qu'en tout état de cause, l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration exclut la possibilité de se prévaloir d'un droit à l'erreur en matière de sanctions prononcées par les autorités de régulation à l'égard des professionnels soumis à leur contrôle.

21. Il découle de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet de région, que la société CMA Transport Polska n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société CMA Transport Polska est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société CMA Polska Transport et au ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 25 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. Gayrard, président rapporteur,

Mme A..., première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 30 mars 2021.

N° 18LY04735 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04735
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

65-02-02 Transports. Transports routiers.


Composition du Tribunal
Président : M. GAYRARD
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP J. AGUERA et ASSOCIES - LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-30;18ly04735 ?
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