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18/03/2021 | FRANCE | N°19LY02043

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 18 mars 2021, 19LY02043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SASU Haute tension services Bourgogne a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 12 408 euros constaté au titre du mois d'avril 2018.

Par un jugement n° 1802359 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 juin 2019 et le 10 mars 2020, la SASU Haute tension services Bourgogne, représentée par Me H..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 2 avril 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SASU Haute tension services Bourgogne a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 12 408 euros constaté au titre du mois d'avril 2018.

Par un jugement n° 1802359 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 juin 2019 et le 10 mars 2020, la SASU Haute tension services Bourgogne, représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 2 avril 2019 ;

2°) de lui accorder le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée sollicité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le rapporteur public n'a porté à la connaissance des parties le sens des conclusions qu'il envisageait de prononcer que vingt-quatre heures avant la tenue de l'audience ;

- la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition du véhicule Dodge Ram Crew Sport n'était pas exclue du droit à déduction par le 6° du 2 de IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, dès lors que ce véhicule est un véhicule utilitaire et ne peut s'apparenter à un véhicule destiné au transport de personnes ;

- elle peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une part, des réponses ministérielles n° 54 973 à M. E..., député, publiée au Journal officiel du 8 mars 2005, n° 26 914 à M. D..., député, publiée au Journal officiel du 22 mars 2005, n° 58 198 à M. F..., député, publiée au Journal officiel du 1er juin 2010 et n° 74 835 à M. G..., député, publiée au Journal officiel du 25 mai 2010, qui énoncent que : " Il peut néanmoins être indiqué, titre de règle pratique, que les véhicules 4x4 de type pick-up pourvus d'une simple cabine, c'est-à-dire ne comportant que deux sièges ou une banquette, ou comprenant une simple cabine approfondie dans laquelle sont placés, outre les sièges ou la banquette avant, des strapontins destinés à faire l'objet d'un usage occasionnel, ne relèvent pas de l'exclusion du 6° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au CGI. Dans ces situations, les véhicules présentent un caractère utilitaire dans la mesure où leur volume de chargement demeure important. En revanche, les autres véhicules 4 x 4 du type pick-up, qui comportent quatre à cinq places assises hors strapontin, entrent dans le champ d'application de l'exclusion. ", et, d'autre part, du paragraphe 40 de l'instruction publiée au bulletin officiel des finances publiques le 7 octobre 2015 sous la référence BOI-TFP-TVS-10-20, qui énonce que : " Si les véhicules concernés sont équipés d'une plate-forme arrière ne transportant pas les voyageurs et les marchandises dans un compartiment unique (tel un véhicule de type 4x4 pick-up, à cabine simple ou à double cabine), ils ne répondent pas à cette définition de véhicules à usages multiples au sens de la directive 2007/46 CE du 5 septembre 2007 et sont alors exclus du champ d'application de la taxe sur les véhicules de société. ".

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 décembre 2019 et le 14 août 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme J..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SASU Haute tension services Bourgogne, qui exerce à Malay-le-Grand (Yonne) une activité d'installation de câbles haute tension, a sollicité, le 24 mai 2018, le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 15 525 euros dégagé au titre du mois d'avril 2018. Par une décision du 12 juillet 2018, l'administration fiscale a rejeté sa demande portant sur la taxe, d'un montant de 12 048 euros, grevant l'acquisition, le 1er décembre 2017, auprès de la SAS American Car City d'un véhicule de marque Chrysler modèle Dodge Ram Crew Sport d'un montant de 74 448 euros, sur le fondement du 6° du 2 du IV de l'article 206 à l'annexe II au code général des impôts, et a ainsi limité le remboursement sollicité à la somme de 3 051 euros. La SASU Haute tension services Bourgogne relève appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant au remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 12 048 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de les mettre en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 7611 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et, notamment du relevé de l'application Sagace produit par la SASU Haute tension services Bourgogne, que le sens des conclusions du rapporteur public devant le tribunal administratif de Dijon sur l'affaire en litige a été porté à la connaissance des parties le 12 mars 2019 à 9 heures 30, soit vingt-quatre heures avant l'audience qui a eu lieu le 13 mars 2019 à 9 heures 30. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le rapporteur public l'a ainsi informée, dans un délai raisonnable avant l'audience, du sens de ses conclusions, alors même que l'avis d'audience mentionnait que l'application serait renseignée " dans un délai de l'ordre de deux jours avant l'audience ". En outre, la circonstance que son mandataire n'est pas domicilié à Dijon ne suffit pas, à elle seule, à démontrer qu'il aurait rencontré des difficultés pour accéder à l'application Sagace afin de prendre connaissance des informations qui y avaient été portées la veille de l'audience. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité, faute que les parties aient été informées du sens des conclusions dans un délai raisonnable avant l'audience doit, par suite, être écarté.

Sur l'application de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. ". L'article 205 de l'annexe II à ce code prévoit que la taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. Aux termes de l'article 206 de l'annexe II à ce code : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. (...) IV. (...) 2. 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) 6° Pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, à l'exception de ceux : a. Destinés à être revendus à l'état neuf ; b. Donnés en location ; c. Comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et utilisés par des entreprises pour amener leur personnel sur les lieux du travail ; d. Affectés de façon exclusive à l'enseignement de la conduite ; e. De type tout terrain affectés exclusivement à l'exploitation des remontées mécaniques et des domaines skiables, dans des conditions fixées par décret ; f. Acquis par les entreprises de transports publics de voyageurs et affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports ". Pour apprécier si un véhicule ou un engin a été conçu pour le transport des personnes ou pour un usage mixte au sens de ces dispositions, il y a lieu non pas de se référer aux conditions d'utilisation du véhicule mais de rechercher, compte tenu de ses caractéristiques lors de l'acquisition, l'usage auquel il est normalement destiné.

5. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des mentions du certificat d'immatriculation, du constat d'huissier et des photographies produites par la SASU Haute tension services Bourgogne, ainsi que du descriptif du véhicule extrait du site internet du vendeur, la SAS American Car City, produit par l'administration, que le véhicule Dodge Ram Crew Sport acquis par la société requérante consiste en un véhicule à quatre roues motrices de type " pick-up ", pourvu d'une plate-forme ouverte à l'arrière et d'une cabine dotée de deux fois deux portes latérales, comportant à l'avant deux sièges fixes et à l'arrière trois sièges à dossiers fixes dont l'assise peut être relevée. Si le certificat d'immatriculation fait état du genre " CTTE ", soit " camionnette ", au sens de l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules, ce certificat mentionne également que le véhicule comporte cinq places assises. Dans de telles conditions, et compte tenu de ses finitions, de son confort et de son équipement, ce véhicule, qui est destiné à la fois à un usage utilitaire et au transport de personnes, doit être regardé comme un véhicule à usage mixte au sens du 6° du 2. du IV. de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts. Par suite, la SASU Haute tension services Bourgogne n'est pas fondée à se prévaloir, sur le terrain de la loi fiscale, de l'exception à l'exclusion du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par ces dispositions.

Sur l'interprétation de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ". Les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales permettent aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations.

7. En premier lieu, la SASU Haute tension services Bourgogne se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des réponses ministérielles n° 54 973, 26 914, 58 198 et 74 835 à MM. E..., D..., F... et G..., députés, publiées, respectivement, au Journal officiel des 8 mars 2005, 22 mars 2005, 1er juin 2010 et 25 mai 2010, qui énoncent que : " Il peut néanmoins être indiqué, à titre de règle pratique, que les véhicules 4x4 de type pick-up pourvus d'une simple cabine, c'est-à-dire ne comportant que deux sièges ou une banquette, ou comprenant une simple cabine approfondie dans laquelle sont placés, outre les sièges ou la banquette avant, des strapontins destinés à faire l'objet d'un usage occasionnel, ne relèvent pas de l'exclusion du 6° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au CGI. Dans ces situations, les véhicules présentent un caractère utilitaire dans la mesure où leur volume de chargement demeure important. En revanche, les autres véhicules 4x4 du type pick-up, qui comportent quatre à cinq places assises hors strapontin, entrent dans le champ d'application de l'exclusion. " Il résulte toutefois de l'instruction que si l'assise des sièges arrière du véhicule en litige est susceptible d'être relevée, ainsi qu'il a été mentionné au point 5, elle ne peut l'être qu'à la suite d'une manipulation, si bien que ces sièges, dont l'assise ne se redresse pas automatiquement, et qui présentent une emprise importante et un niveau de confort élevé, ne peuvent être regardés comme des strapontins destinés à faire l'objet d'un usage occasionnel. Dans ces conditions, le véhicule en cause, qui comporte cinq places assises hors strapontin, n'entre pas dans le champ de l'exception à l'exclusion du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par les réponses ministérielles précitées.

8. En second lieu, si la société requérante se prévaut du paragraphe 40 de l'instruction publiée au bulletin officiel des finances publiques le 7 octobre 2015 sous la référence BOI-TFP-TVS-10-20, qui énonce que : " Si les véhicules concernés sont équipés d'une plate-forme arrière ne transportant pas les voyageurs et les marchandises dans un compartiment unique (tel un véhicule de type 4x4 pick-up, à cabine simple ou à double cabine), ils ne répondent pas à cette définition de véhicules à usages multiples au sens de la directive 2007/46 CE du 5 septembre 2007 et sont alors exclus du champ d'application de la taxe sur les véhicules de société. ", cette instruction ne donne pas de la loi une interprétation différente de celle dont il a été fait application dans le présent arrêt.

9. Il résulte de ce qui précède que la SASU Haute tension services Bourgogne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SASU Haute tension services Bourgogne est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Haute tension services Bourgogne et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme C..., présidente-assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 18 mars 2021.

2

N° 19LY02043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02043
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-08-03-06 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Remboursements de TVA.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : LABETOULE ANGÉLIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-18;19ly02043 ?
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