Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les deux arrêtés du 4 mars 2020 par lesquels le préfet de la Côte-d'Or l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de la Côte-d'Or et d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai.
Par un jugement n° 2000648 du 12 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a admis M. B... à l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 avril 2020, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 12 mars 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon ;
3°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 4 mars 2020 du préfet de la Côte-d'Or ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ou, à défaut, de procéder à un réexamen de sa situation dans le même délai en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision méconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'il ne ressort pas du procès-verbal d'audition qu'il aurait été interrogé et invité à présenter ses observations sur une possible mesure d'éloignement ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie se trouver dans une situation exceptionnelle ; il est en concubinage avec une ressortissante française, Mme C... ; ils ont le projet de se marier ;
Sur la légalité de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle a été prise sans un examen sérieux de sa situation ;
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il se trouve dans une situation exceptionnelle ; il justifie vivre en situation de concubinage avec Mme C... et il a un projet de mariage ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est privée de toute base légale compte tenu de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
Sur la légalité de l'assignation à résidence :
- cette décision est privée de toute base légale compte tenu de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un mémoire, enregistré le 16 octobre 2020, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est suffisamment motivée en fait et en droit ;
- le moyen tiré de ce qu'il n'a pas pu faire valoir ses observations manque en fait ;
- la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît ni le 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'intéressé est entré en France il y a seulement sept mois ; il a vécu 32 ans en Algérie où il dispose d'attaches familiales ; M. B... ne prouve pas l'ancienneté et la stabilité de sa relation avec Mme C... ;
Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :
- la décision est suffisamment motivée en fait et en droit ;
- il a procédé à un examen complet de la situation de l'intéressé ;
- la décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les motifs précédemment énoncés ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi et de la décision d'assignation à résidence :
- l'exception d'illégalité sera écartée compte tenu de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français.
M. B... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 17 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 23 avril 1987, déclare être entré en France le 28 juillet 2019. Le 4 mars 2020, à la suite de la convocation de M. B... par les services de la police aux frontières de Chenôve (dans le département de la Côte-d'Or) dans le cadre d'une enquête judiciaire sur son projet de mariage avec une ressortissante française, Mme C..., le préfet de la Côte-d'Or lui a, d'une part, fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a, d'autre part, assigné à résidence dans le département de la Côte-d'Or sur le territoire de la commune de Talant pour une durée de 45 jours. M. B... relève appel du jugement du 12 mars 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 4 mars 2020.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Le président du bureau d'aide juridictionnelle a, par une décision du 17 juin 2020, statué sur la demande de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, les conclusions présentées par l'intéressé aux fins d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont dépourvues d'objet.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
3. L'obligation de quitter le territoire français, qui vise les textes dont il est fait application et énonce de manière précise et circonstanciée les différents motifs de fait tenant à la situation particulière de M. B... sur lesquels elle est fondée, est suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision doit être écarté.
4. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) ".
5. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (C 166/13 du 5 novembre 2014) rendue sur renvoi préjudiciel d'une juridiction administrative française, le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour.
6. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'audition signé par M. B... qu'il a été entendu par les services de police le 4 mars 2020 dans le cadre d'une procédure de vérification du droit de circulation et de séjour en ce qui concerne son identité, sa nationalité, son niveau d'études, ses conditions de logement, ses attaches dans son pays d'origine et en France, les raisons et conditions de son entrée sur le territoire français ainsi que sur sa situation administrative. Dans ce cadre, il a notamment fait état de ce qu'il avait quitté l'Algérie pour " vivre avec son actuelle compagne ". Par ailleurs, il a été informé de ce qu'il pouvait faire l'objet d'une décision d'éloignement assortie, éventuellement, d'une assignation à résidence. M. B... a eu, ainsi, la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaitrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne et qui est notamment énoncé à l'article 41 de la Charge des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise.
8. M. B... fait valoir qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française et qu'ils ont le projet de se marier. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré et s'est maintenu irrégulièrement en France. Il ne pouvait donc ignorer la précarité de sa situation administrative en France. S'il se prévaut de sa relation de concubinage avec une ressortissante française, il n'établit pas, à la date de la décision litigieuse, l'intensité et la stabilité de la communauté de vie avec sa compagne. L'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où résident ses parents et ses frères et soeurs. Par suite, le préfet de la Côte-d'Or n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Le préfet n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a commis aucune erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé.
9. M. B..., ressortissant algérien, dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien, ne peut utilement soutenir qu'il devait se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
10. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".
11. Pour refuser d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire, le préfet s'est fondé sur les dispositions citées au point précédent en précisant que le risque de fuite est avéré, l'intéressé n'ayant pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Ainsi la décision est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire doit être écarté.
12. Il ne ressort ni des termes de la décision en litige ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Côte-d'Or n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. B....
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :
13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
14. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8, et alors que M. B... ne peut se prévaloir des dispositions du 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'il a été dit au point 9, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
15. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français a privé de base légale la décision fixant le pays de destination.
16. Le requérant ne peut, par ailleurs, se prévaloir de l'illégalité de l'interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination dès lors que l'interdiction de retour sur le territoire français ne constitue pas la base légale de la décision fixant le pays de destination.
Sur la légalité de l'assignation à résidence :
17. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français a privé de base légale l'assignation à résidence.
18. Le requérant ne peut, par ailleurs, se prévaloir de l'illégalité de l'interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de l'assignation à résidence dès lors que l'interdiction de retour sur le territoire français ne constitue pas la base légale de l'assignation à résidence.
19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. B....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera à M. A... B... à et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
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N° 20LY01283