La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2021 | FRANCE | N°19LY02637

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 25 février 2021, 19LY02637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupama Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société Enedis à lui verser la somme de 723 491,54 euros en remboursement des indemnités qu'elle a versées, en sa qualité d'assureur des consorts B..., à M. C... A..., victime d'un accident d'électrocution survenu le 11 janvier 2012, et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône en réparation des conséquences dommageables de cet accident et de mettre à sa charge le versement d'une somme de 2 500 eur

os en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupama Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société Enedis à lui verser la somme de 723 491,54 euros en remboursement des indemnités qu'elle a versées, en sa qualité d'assureur des consorts B..., à M. C... A..., victime d'un accident d'électrocution survenu le 11 janvier 2012, et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône en réparation des conséquences dommageables de cet accident et de mettre à sa charge le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802549 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2019, la société Groupama Méditerranée, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1802549 du 11 juin 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner la société ENEDIS à lui verser la somme 723 491,54 euros qu'elle a garantie à la victime en sa qualité d'assureur des consorts B... déclarés responsables par jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 7 janvier 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la société ENEDIS une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. B... n'a pas commis de faute dès lors qu'il n'était pas tenu de faire une déclaration d'intention de commencement de travaux pour des opérations relevant de l'entretien de son jardin et non situées dans le voisinage de trois mètres de la ligne haute tension, qu'il n'a jamais été informé des procédures de sécurité d'un ouvrage public implanté sans droit ni titre sur sa propriété et que la société EDF n'a pas procédé à une surveillance suffisante de l'ouvrage public ;

- M. A... n'a pas commis de faute mais a seulement commis une erreur de manipulation.

Un mémoire, enregistré le 12 novembre 2020, présenté par la société Groupama Méditerranée n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur ;

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Chatron, avocat de la société Groupama Méditerranée.

Considérant ce qui suit :

1. Les époux B... sont propriétaires d'une maison sur une parcelle cadastrée A 3236, située sur le territoire de la commune de Laurac-en-Vivarais, sur laquelle ils soutiennent qu'un pylône électrique supportant une ligne haute tension de 20 000 volts, alors propriété de la société Electricité de France, a été implanté sans droit, ni titre en 1990. Le 11 janvier 2012, ils ont fait appel à leur voisin, M. A..., pour effectuer des travaux de taille et élagage d'arbres. Celui-ci a été électrocuté alors qu'il tentait de couper une branche de sapin dépassant sur la rue avec un échenilloir à proximité immédiate de la ligne haute tension. Deux expertises judiciaires ont été diligentées pour déterminer les causes de l'accident et évaluer les préjudices de la victime. Par un jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 7 janvier 2016, les époux B... ont été déclarés responsables de l'accident et condamnés in solidum avec leur assureur, la société Groupama Méditerranée, à indemniser M. A... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche mais le tribunal a décliné sa compétence pour apprécier l'éventuelle responsabilité d'ERDF, devenue société Enedis. La société Groupama Méditerranée déclare avoir versé par voie amiable la somme de 302 886,85 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche et celle de 414 983,04 euros à M. A.... Après avoir présenté une réclamation préalable du 16 février 2018 à la société Enedis, qui l'a expressément rejetée par un courrier du 9 mars suivant, la société Groupama Méditerranée a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à la condamnation de la société Enedis à lui verser la somme de 723 491,54 euros. Par un jugement du 11 juin 2019, dont la société Groupama Méditerranée relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. La société Enedis doit être tenue pour responsable, même en l'absence de faute, des dommages causés aux tiers par le fait des ouvrages publics dont elle est concessionnaire. Elle ne peut être exonérée de la responsabilité qui lui incombe que si ces dommages sont imputables à une faute de la victime ou à une force majeure. Lorsque l'assureur de l'auteur d'un dommage, subrogé dans les droits de la victime qu'il a indemnisée, agit contre un co-auteur, les fautes de la victime lui sont opposables.

3. D'une part, la société Groupama Méditerranée conteste que son assuré, M. B..., était tenu de procéder à une déclaration d'intention de commencement de travaux en application de l'article 7 du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution, dès lors que les travaux effectués par M. A... relevaient d'une activité de jardinage et non d'une opération d'élagage, comme l'a estimé l'expert judiciaire, et que lesdits travaux ont été exécutés à plus de trois mètres de la ligne haute tension. Toutefois, l'annexe III du décret précité vise les travaux effectués au voisinage des installations électriques aériennes lorsqu'elles sont effectuées à une distance de sécurité inférieure ou égale à 3 mètres pour les lignes aériennes dont la tension nominale est inférieure à 50 000 volts sans considération de la nature desdits travaux. Il est également précisé que ces travaux doivent être considérés comme exécutés à proximité d'une installation électrique aérienne, et notamment d'une ligne aérienne, si l'élagage ou l'abattage concerne des arbres dont la distance à l'installation électrique aérienne est inférieure à leur hauteur augmentée de la distance de sécurité. Or il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le tronc du sapin que M. A... entendait élaguer d'une hauteur d'au moins 1,9 mètres, se situe à environ 1,7 mètres de l'aplomb de la ligne électrique. Par suite, l'opération d'élagage du sapin faisait bien partie des travaux soumis aux obligations prévues par le décret précité, et notamment celle de la déclaration d'intention de commencement de travaux qui concerne les particuliers.

4. D'autre part, la société Groupama Méditerranée fait valoir que la ligne électrique a été implantée sans droit, ni titre, sur la parcelles des consorts B..., lesquels n'ont pas été informés des procédures de sécurité à tenir au voisinage de cette ligne haute tension. Toutefois, la circonstance, à la supposer établie, qu'un pylône situé côté sud-ouest de la parcelle a été déplacé en 1990, vraisemblablement suite à une opération d'alignement de la voierie, et a entrainé un déplacement de la ligne haute tension à l'intérieur de la propriété des époux B... n'est pas de nature à écarter l'application du décret du 14 octobre 1991, ni à instituer une obligation d'information particulière des propriétaires concernés sur les dangers liés au voisinage d'une ligne haute tension. Si la requérante reproche à la société ERDF de ne pas avoir satisfait à son obligation de surveillance de la ligne électrique, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que celle-ci avait procédé à une évaluation du sapin et avait fait procéder en 2009 à un élagage de cet arbre.

5. Enfin, si la requérante soutient que M. A... n'a fait preuve que d'une maladresse dans la manipulation de l'échenilloir, il résulte de l'instruction qu'étant voisin des consorts B..., il avait une parfaite connaissance de l'existence et du positionnement de la ligne haute tension, notamment par rapport au sapin qu'il entendait élaguer, qu'il a fait usage d'une échelle métallique et d'un échenilloir doté d'une rallonge télescopique également métallique, qu'il est monté sur l'échelle appuyée contre le tronc du sapin, dos à la ligne électrique, et a déployé complètement l'échenilloir dont la tête s'est ainsi retrouvée à moins de vingt centimètres de la ligne haute tension située à 7,65 mètres du sol, provoquant un arc électrique à l'origine de l'électrocution et des brûlures subies. Dans ces conditions, le tribunal administratif de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation en retenant que l'accident survenu le 11 janvier 2012 est exclusivement imputable à l'imprudence fautive de M. A..., et accessoirement celle de M. B..., qui est de nature à exonérer en totalité la société Enedis de sa responsabilité.

6. Il découle de ce qui précède que la société Groupama Méditerranée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Enedis, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Groupama Méditerranée et non compris dans ses dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Groupama Méditerranée est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Groupama Méditerranée et à la société Enedis.

Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.

N° 19LY02637 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02637
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-04-01 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Causes d'exonération. Faute de la victime.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP MARGALL - D'ALBENAS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-25;19ly02637 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award