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11/02/2021 | FRANCE | N°20LY02226

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 11 février 2021, 20LY02226


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 1902544, Mme A... F... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2019 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer un certificat de résidence algérien

portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 1902544, Mme A... F... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2019 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1902544 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

II - Par une requête, enregistrée sous le n° 1902545 M. D... G... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2019 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1902545 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée le 7 août 2020 sous le n° 20LY02226, Mme A... F..., épouse G..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902544 du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 novembre 2019 de la préfète de l'Allier la concernant ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.

Elle soutient que :

- les décisions méconnaissent le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent aussi l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation..

Par un mémoire, enregistré le 21 octobre 2020, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les décisions ne méconnaissent pas le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors le couple s'est maintenu irrégulièrement en France pendant près de trois ans avant de solliciter la délivrance d'un titre de séjour ; le couple fait l'objet de refus de titre assortis d'obligations de quitter le territoire français ; Mme G... a résidé en Algérie jusqu'à l'âge de 30 ans et y a construit sa vie et y a toute sa famille ; rien ne démontre que les enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Algérie ;

- les décisions ne méconnaissent pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que les parents sont tous les deux sous le coup de décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français et les décisions n'ont pas pour effet de séparer les enfants de leurs parents ; il n'est pas établi que les enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Algérie.

II - Par une requête, enregistrée le 7 août 2020 sous le n° 20LY02227, M. D... G..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902545 du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 novembre 2019 de la préfète de l'Allier le concernant ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.

Il soutient que :

- les décisions méconnaissent le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent aussi l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 21 octobre 2020, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les décisions ne méconnaissent pas le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors le couple s'est maintenu irrégulièrement en France pendant près de trois ans avant de solliciter la délivrance d'un titre de séjour ; le couple fait l'objet de refus de titre assortis d'obligations de quitter le territoire français ; M. G... a résidé en Algérie jusqu'à l'âge de 37 ans et y a construit sa vie et y a toute sa famille ; rien ne démontre que les enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Algérie ;

- les décisions ne méconnaissent pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que les parents sont tous les deux sous le coup de décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français et les décisions n'ont pas pour effet de séparer les enfants de leurs parents ; il n'est pas établi que les enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Algérie.

Mme et M. G... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 30 septembre 2020.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Mme et M. G....

Considérant ce qui suit :

1. Mme et M. G..., ressortissants algériens nés respectivement le 6 mars 1986 et le 1er avril 1979, sont entrés en France sous couvert de visas de court séjour le 6 juillet 2016 avec leur fille, née le 2 mars 2013. Un second enfant est né de leur union le 27 juillet 2016. Le 17 septembre 2019, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par deux arrêtés du 22 novembre 2019, la préfète de l'Allier a rejeté leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme et M. G... relèvent appel des jugements du 30 juin 2020 par lesquels le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes. Ces deux requêtes présentant à juger des questions communes, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la légalité des refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier et des observations présentées par les requérants à l'audience que Mme et M. G... sont entrés en France le 6 juillet 2016, pour des raisons médicales concernant leur fils né en France le 27 juillet 2016. M. G..., qui s'exprime très aisément en langue française, est adhérent à la Croix rouge française, unité locale de Moulins, et assure, depuis le 2 décembre 2017, la direction du secourisme de l'unité locale après avoir obtenu un certificat de compétence de secourisme PSE 1. Son épouse, titulaire d'un diplôme d'ingénieur agronome spécialité " Protection des végétaux, a pour objectif, ainsi qu'en atteste un courrier du 3 janvier 2019 du directeur du centre de formation professionnelle et de promotion agricole de l'Allier, d'intégrer un brevet de technicien supérieur en productions animales en vue de trouver un emploi. Mme G..., qui maitrise parfaitement la langue française, s'est engagée, depuis septembre 2018, pour animer en tant que bénévole des ateliers de français dispensés par les Restaurants du coeur et relais du coeur de Moulins. Elle a participé également au salon des familles organisé par le centre communal d'action sociale de Moulins et à la journée de la parentalité organisée par l'Union départementale des associations familiales de l'Allier le 20 février 2019 et est présidente de l'association Café des familles E.... Par suite, M. et Mme G... établissent leur très forte implication dans la vie locale et leur très bonne intégration sociale en France. Ainsi, compte tenu des circonstances très particulières de l'espèce, les décisions refusant à M. et Mme G... leuradmission au séjour doivent être regardées comme méconnaissant l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme G... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes. Ils sont, dès lors, fondés à demander tant l'annulation de ce jugement que des décisions du 22 novembre 2019 de la préfète de l'Allier portant refus de délivrance de titre de séjour. Par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination sont dépourvues de base légale et doivent, dès lors, être annulées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

6. Le présent arrêt, qui annule les décisions de refus de titre de séjour de la préfète de l'Allier et les décisions subséquentes d'obligation de quitter le territoire français et de fixation du pays de renvoi, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que la préfète délivre les titres sollicités à M. et Mme G... au titre de leur vie privée et familiale. Il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose aux demandes de M. et Mme G... des décisions de refus. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de l'Allier de délivrer à M. et Mme G... un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

DECIDE :

Article 1er : Les jugements n° 1902544 et n°1902545 du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand sont annulés.

Article 2 : Les arrêtés du 22 novembre 2019 de la préfète de l'Allier sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de l'Allier de délivrer à M. et Mme G... un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G..., M. D... G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme C..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

2

N° 20LY02226...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02226
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : BUCCI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-11;20ly02226 ?
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