Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme G... E... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 et des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1601835 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 mars 2019 et le 30 juillet 2020, M. et Mme E..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 janvier 2019 ;
2°) de prononcer la décharge de ces compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 et des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration ne pouvait remettre en cause l'exonération d'impôt sur le revenu dont ils ont bénéficié en application de l'article 44 sexies du code général des impôts à raison des résultats de l'EURL Ecosun Technlogy en se fondant sur le IV de cet article, dès lors que ces dispositions ne leur sont pas applicables ;
- le montant maximal des aides de minimis défini par le règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis, auquel renvoie le IV de l'article 44 sexies, doit être appliqué, s'agissant d'une société de personnes, au niveau de chaque associé et non au niveau de la société ;
- les majorations qui leur ont été appliquées sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts sont insuffisamment motivées.
Par un mémoire enregistré le 23 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... D..., présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme H..., rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E... est le gérant et l'associé unique de l'EURL Ecosun Technology, société créée le 1er avril 2009, qui n'a pas opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés et qui exerce une activité de fourniture d'installations de production d'énergie photovoltaïque. A l'issue d'une vérification de comptabilité de l'EURL Ecosun Technology portant sur la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2012, l'administration a remis en cause le bénéfice du régime d'exonération d'impôt sur le revenu sous lequel s'était placé la société sur le fondement du I de l'article 44 sexies du code général des impôts, au motif que l'allégement fiscal correspondant à cette exonération excédait au titre des exercices clos en 2011 et 2012 le montant maximal des aides de minimis prévu par le IV. de cet article, et a en conséquence fixé les bénéfices imposables de la société aux sommes de 1 066 388 euros et 836 367 euros au titre, respectivement, de ces deux exercices. M. et Mme E..., en leur qualité d'associés d'une société de personnes relevant de l'article 8 du code général des impôts imposés à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ont, en conséquence, été assujettis à des compléments d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, au titre des années 2011 et 2012, assortis des majorations prévues par l'article 1758 A du code général des impôts. Ils relèvent appel du jugement du 22 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et majorations.
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. D'une part, aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts, dans sa version applicable aux années en litige : " I. Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés (...) jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. (...) IV. Pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2000, le bénéfice exonéré ne peut en aucun cas excéder 225 000 euros par période de trente-six mois. Ces dispositions s'appliquent aux exercices clos jusqu'au 31 décembre 2006. Pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2007, le bénéfice de l'exonération est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis. ". Aux termes de l'article 1er du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis : " 1. Le présent règlement s'applique aux aides octroyées aux entreprises de tous les secteurs (...) ". Aux termes de l'article 2 du même règlement : " 2. Le montant brut total des aides de minimis octroyées à une même entreprise ne peut excéder 200 000 EUR sur une période de trois exercices fiscaux. (...) Ces plafonds s'appliquent quels que soient la forme et l'objectif des aides de minimis (...). La période à prendre en considération est déterminée en se référant aux exercices fiscaux utilisés par l'entreprise dans l'État membre concerné. "
3. D'autre part, aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) Il en est de même, sous les mêmes conditions : (...) 4° De l'associé unique d'une société à responsabilité limitée lorsque cet associé est une personne physique ". Il résulte de ces dispositions que les bénéfices des sociétés de personnes sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés présents à la date de clôture de l'exercice, qui sont ainsi réputés avoir personnellement réalisé chacun une part de ces bénéfices à raison de leurs droits dans la société à cette date.
4. Il résulte des dispositions précitées de l'article 44 sexies du code général des impôts, qui excluent le bénéfice de l'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés à compter du 1er janvier 2007 si le montant de l'aide ainsi accordée excède 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux, que ces dispositions sont applicables à l'ensemble des entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats, qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 du code général des impôts et qui ont été créées à compter du 1er janvier 2000, y compris aux sociétés de personnes. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme E..., il ne résulte ni du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 ni d'aucune disposition que le plafond de l'aide ainsi défini devrait être apprécié, non au niveau de l'entreprise mais au niveau de chacun de ses associés. Il est constant que le montant de l'allégement fiscal dont l'EURL Ecosun Technology a bénéficié au titre des exercices clos en 2011 et 2012 excédait ce plafond. L'administration était, par suite, fondée à remettre en cause cet allégement fiscal et à assigner à M. et Mme E..., en leur qualité de membres d'une société de personnes personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leur droits dans la société, des compléments d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, au titre des années 2011 et 2012, sans que les requérants puissent utilement soutenir qu'ils ne constituent pas une entreprise au sens du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006.
Sur les majorations :
5. D'une part, aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue. "
6. D'autre part, il résulte de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, qui renvoie à l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, repris à l'article L. 2115 du code des relations entre le public et l'administration, que les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
7. Il résulte de l'examen de la proposition de rectification du 23 décembre 2013 adressée à M. et Mme E... que l'administration s'est bornée à indiquer, dans la partie intitulée " Majoration pour omission dans une déclaration ", sans autre précision, que : " En application de l'article 1758 A du code général des impôts, les inexactitudes ou les omissions relevées dans les déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, qui ont pour but de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration de 10% des droits supplémentaires ou de la créance indue ". Si ce document indique le montant de la majoration, dans la partie consacrée aux conséquences financières du contrôle, et mentionne le fondement légal de la sanction, il ne précise pas les considérations de fait, et en particulier l'existence et la nature exacte des infractions commises par le contribuable, qui justifient l'application de la pénalité fiscale. La lettre du 7 juillet 2014 par laquelle l'administration a répondu aux observations du contribuable ne comporte pas davantage la mention de ces circonstances de fait. Dès lors, M. et Mme E... sont fondés à soutenir que la majoration de 10 % ayant assorti les droits supplémentaires d'impôt sur le revenu mis à leur charge au titre des années 2011 et 2012 qui leur a été infligée sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales et, par suite, à en demander la décharge.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande de décharge des majorations qui leur ont été appliquées sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme E... dans l'instance en application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1 : M. et Mme E... sont déchargés des majorations qui leur ont été appliquées sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 mars 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme G... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme D..., présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 février 2021.
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N° 19LY01071