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21/01/2021 | FRANCE | N°18LY04414

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 21 janvier 2021, 18LY04414


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Mirval a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et en 2011, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1604088 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Greno

ble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Mirval a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et en 2011, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1604088 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 décembre 2018, la SARL Mirval, représentée par Me A... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 octobre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes ; subsidiairement, d'ordonner à l'administration de procéder à vérification complémentaire ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 986 823,66 euros au titre de son préjudice financier et de 1 000 000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant aux préjudices subis par elle-même et sa gérante, Mme E... ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 35 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.

La SARL Mirval soutient que :

- la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales a été méconnue dès lors que l'administration n'a pas tenu compte des différents cas de force majeure dont a été victime la SARL et n'a pris en compte que très partiellement les documents qu'elle avait pu sauvegarder et les résultats reconstitués par un cabinet d'experts-comptables ; la façon dont le contrôle s'est déroulé conduit à considérer qu'elle a fait l'objet d'une taxation d'office ;

- l'emport de données comptables sur une simple clé USB ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales dont il résulte que l'emport doit se faire sur un CD non réinscriptible ;

- en refusant de prendre en compte l'existence d'un emprunt Trafeu, l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;

- l'acharnement de l'administration à mettre en recouvrement les sommes dues malgré les garanties présentées par sa gérante l'ont placée dans une situation dramatique et ne justifie que davantage la décharge des impositions ;

- les garanties demandées étant disproportionnées et l'absence de prise en compte des éléments probants qu'elle a produit doivent conduire à la décharge des impositions en litige, les créances de l'administration fiscale étant sérieusement contestables ;

- compte tenu de l'ensemble des démarches effectuées par la requérante pour reconstituer sa comptabilité détruite par un incendie, des coupures d'électricité, des vols et résultant de la démission de ses salariés, sa mauvaise foi ne peut être retenue ;

- elle a subi des préjudices liés aux conditions de recouvrement des impositions en litige ; elle a dû exposer des frais pour reconstituer sa comptabilité ;

- elle a subi un préjudice moral lié au préjudice subi par sa gérante.

Par deux mémoires enregistrés le 7 juin 2019 et le 5 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

Sur le contentieux d'assiette :

- la charge de la preuve pèse sur la société car elle n'a pas répondu à la proposition de rectification qui lui a été adressée ;

- la requérante n'établit pas que le contrôle qui s'est déroulé dans ses locaux n'a pas permis la tenue d'un débat oral et contradictoire ;

- l'incendie dont la requérante fait état en 2012 n'a pas affecté ses locaux et elle n'établit pas que les coupures de courant qui en sont résulté auraient eu une quelconque incidence sur la tenue de sa comptabilité, a fortiori pour les exercices clos en 2010 et 2011, pour lesquels elle n'a souscrit aucune déclaration de résultat ; elle n'a produit aucune déclaration de sinistre ni aucune trace de démarches auprès de son assureur ; de la même façon, l'existence d'un vol du matériel informatique n'est pas établie ;

- le vérificateur lui a laissé du temps et diverses occasions pour présenter des éléments relatifs à sa comptabilité ; contrairement à ce que la société soutient, elle n'a pas tenu à disposition du service toutes les pièces justificatives ;

- les bilans, compte de résultats et la liasse fiscales établis a posteriori par un expert-comptable et produits seulement au stade de la réclamation préalable ne sont assortis d'aucune pièce justificative et ne font pas foi en eux-mêmes ; elle ne produit toujours aucun élément probant ;

- la société n'a produit aucun justificatif de ses dettes ; le résultat de l'exercice 2010 n'a pas été établi d'office, l'administration ayant retenu le chiffre d'affaires mentionné par la société dans sa déclaration n° 2065 et ayant seulement refusé de prendre en compte les dettes non justifiées ;

- s'agissant de l'exercice clos en 2012, la société n'a souscrit aucune déclaration à l'impôt sur les sociétés, la procédure de taxation d'office a donc été mise en oeuvre ; le chiffre d'affaires apparaissant sur un fichier fourni par la société a été retenu et le vérificateur a pris en compte des charges dont la requérante ne démontre pas qu'elles seraient insuffisantes ;

- la majoration pour manquement délibéré appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée est justifiée du fait de l'importance des insuffisances de déclaration sur toute la période concernée, de l'existence de pratiques comptables irrégulières, de ce qu'il s'agit de la réitération de manquements déjà constatés lors des deux contrôles précédents ;

- la majoration pour manquement délibéré appliquée au rappel d'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2010 et découlant de la remise en cause des dettes injustifiées, est fondée du fait de l'importance du montant en cause et de l'existence d'une rectification similaire lors du précédent contrôle dont a fait l'objet la société ;

Sur le contentieux du recouvrement et l'action en responsabilité :

- l'administration n'a commis aucune faute dans l'établissement de l'impôt ni dans le recouvrement des créances résultant de la vérification de comptabilité ; l'absence de réponse explicite à une réclamation préalable ne constitue pas une faute ;

- les préjudices allégués ne sont pas justifiés et aucun lien de causalité n'est établi ;

- les conclusions tendant à l'indemnisation d'un préjudice sont irrecevables ;

- l'administration a exécuté la décision de justice la condamnant à verser à la SARL Mirval la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- la requérante ne peut demander l'indemnisation d'un préjudice moral que sa gérante aurait subi.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme H..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Mirval, qui a une activité de miroiterie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2010 et 2011 à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, assorties de pénalités, dont elle demande la décharge. Elle a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant, tout à la fois, à la décharge de ces impositions complémentaires, à l'annulation des garanties qu'elle a offerte pour leur paiement et à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de son préjudice financier et de son préjudice moral. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige et ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

2. A l'appui de ses conclusions, la SARL Mirval soulève les mêmes moyens que ceux soulevés devant le tribunal administratif et tirés de ce que la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales a été méconnue dès lors que l'administration n'a pas tenu compte des différents cas de force majeure dont elle a été victime et n'a pris en compte que très partiellement les documents qu'elle avait pu sauvegarder et les résultats reconstitués par un cabinet d'experts-comptables, de ce que la façon dont le contrôle s'est déroulé conduit à considérer qu'elle a fait l'objet d'une taxation d'office, de ce que l'emport de données comptables sur une clé USB ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, de ce que l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, de ce que l'acharnement de l'administration à mettre en recouvrement les sommes dues malgré les garanties présentées par sa gérante et l'absence de prise en compte des éléments probants qu'elle a produit doivent conduire à la décharge des impositions en litige.

3. Ces moyens doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal administratif et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

En ce qui concerne les pénalités pour manquement délibéré :

4. Les cotisations supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés de l'exercice 2010 ont été assorties des pénalités de 40 % pour manquement délibéré prévues à l'article 1729 du code général des impôts. En se fondant, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, sur les importantes insuffisances de déclaration de la taxe collectée relevées sur l'ensemble de la période vérifiée qui représentent plus de 50 % de la taxe collectée, trouvant, par ailleurs, leur origine dans des pratiques comptables irrégulières et sur la circonstance que ces manquements avaient déjà été relevés lors d'une précédente vérification de comptabilité ayant porté sur des exercices antérieurs et, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, sur le fait qu'à aucun moment de la procédure, la société n'a été en mesure de produire les justificatifs des dettes qu'elle a inscrites au passif de son bilan, l'administration établit, dans les circonstances de l'espèce, le bien-fondé desdites pénalités. A cet égard, est sans incidence la circonstance que la requérante ait, postérieurement à la vérification de comptabilité, tâché de reconstituer sa comptabilité.

Sur les conclusions aux fins de condamnation de l'Etat :

5. A l'appui de ses conclusions aux fins de condamnation de l'Etat, la SARL Mirval soulève les mêmes moyens que ceux soulevés devant le tribunal administratif, tirés de ce que de ce qu'elle a subi des préjudices liés aux conditions de recouvrement des impositions en litige et à l'obligation d'exposer des frais pour reconstituer sa comptabilité et de ce qu'elle a subi un préjudice moral lié au préjudice subi par sa gérante.

6. Ces moyens doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal administratif et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

7. Il résulte de ce qui précède que la SARL Mirval n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ainsi que, en tout état de cause, celles présentées au titre des dépens.

8. Enfin, il n'appartient pas au juge administratif d'enjoindre à l'administration fiscale de procéder à des opérations de vérification de la comptabilité d'une entreprise. Les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à une vérification complémentaire doivent, en tout état de cause, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Mirval est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Mirval et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme D... présidente-assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2021.

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N° 18LY04414

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04414
Date de la décision : 21/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : BEN SALEM

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-21;18ly04414 ?
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