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07/01/2021 | FRANCE | N°20LY00089

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 07 janvier 2021, 20LY00089


Vu la procédure suivante :

I) Procédure contentieuse antérieure

M. B... F... et Mme C... G... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 3 octobre 2019 par lesquels le préfet de la Drôme leur a refusé le séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1907133-1907136 du 11 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a suspendu l'exécution des décisions en litige jusqu'à l'intervention de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur leurs demandes d'asile et a rejeté

le surplus de leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistr...

Vu la procédure suivante :

I) Procédure contentieuse antérieure

M. B... F... et Mme C... G... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 3 octobre 2019 par lesquels le préfet de la Drôme leur a refusé le séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1907133-1907136 du 11 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a suspendu l'exécution des décisions en litige jusqu'à l'intervention de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur leurs demandes d'asile et a rejeté le surplus de leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2020 sous le n° 20LY00089, M. F... et Mme G..., représentés par Me Combes, avocate, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 décembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 3 octobre 2019 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de leur délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer leur situation et, dans l'attente, leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, l'ensemble sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les décisions en litige, qui ont pour effet de les exposer à des risques en cas de retour dans leur pays d'origine, méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2020, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête en ce qu'elle a perdu son objet en cours d'instance.

Il fait valoir que :

- la Cour nationale du droit d'asile a rejeté les recours de M. F... et Mme G... par des décisions du 22 novembre 2019 ;

- de nouvelles décisions statuant sur la situation des intéressés sont intervenues le 2 janvier 2020.

M. F... et Mme G... ont été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2020.

II) Procédure contentieuse antérieure

M. B... F... et Mme C... G... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 2 janvier 2020 par lesquels le préfet de la Drôme leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000430 du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 mars 2020 sous le n° 20LY01218, M. F... et Mme G..., représentés par Me Combes, avocate, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 2 janvier 2020 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de leur délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer leur situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte et, dans l'attente, leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les décisions en litige, qui ont pour effet de les exposer à des risques, dont ils justifient, en cas de retour dans leur pays d'origine qui est dans l'incapacité d'assurer leur protection, méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2020, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête en ce qu'elle a perdu son objet en cours d'instance.

Il fait valoir que :

- la Cour nationale du droit d'asile a rejeté les recours de M. F... et Mme G... par des décisions du 22 novembre 2019 ;

- de nouvelles décisions statuant sur la situation des intéressés sont intervenues le 2 janvier 2020 ;

- ainsi que le relève le rejet de leurs demandes d'asile, les risques qu'ils allèguent ne sont pas établis ;

- M. F... et Mme G... ne produisent aucun élément nouveau qui serait de nature à faire réexaminer leur situation.

M. F... et Mme G... ont été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... F..., né le 28 décembre 1994, et son épouse Mme C... G..., née le 23 mai 1996, ressortissants géorgiens, sont entrés en France le 2 mars 2019 selon leurs déclarations. Ils ont présenté des demandes d'asile qui ont été rejetées le 30 juillet 2019 par des décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées le 22 novembre 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Avant l'intervention de ces dernières décisions, le préfet de la Drôme leur a refusé le séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par une première requête, M. F... et Mme G... relèvent appel du jugement du 11 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, s'il a suspendu l'exécution de ces mesures jusqu'à l'intervention de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, a rejeté leurs demandes en annulation. Par de nouvelles décisions en date du 2 janvier 2020, le préfet de la Drôme a fait obligation à M. F... et Mme G... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays d'origine pour destination. Par une seconde requête, M. F... et Mme G... demandent l'annulation du jugement du 3 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes dirigées contre ces décisions.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées présentent à juger les mêmes questions relatives à la situation d'un même couple d'étrangers au regard de leur droit au séjour en France. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense par le préfet de la Drôme à la requête n° 20LY00089 :

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que les conclusions de chacun des intéressés devant le tribunal administratif tendaient à l'annulation des arrêtés du 3 octobre 2019 en tant que par ces décisions le préfet de la Drôme leur a respectivement refusé le séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Les décisions du 2 janvier 2020, qui n'abrogent pas explicitement les arrêtés du 3 octobre 2019, ont pour objet d'obliger, d'une part M. F..., d'autre part Mme G..., à quitter le territoire dans un délai de trente jours, d'abroger et remplacer leurs attestations de demande d'asile, et pour effet de fixer leur pays d'origine pour destination de cette mesure si elle devait être exécutée d'office. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le préfet de la Drôme en défense, les arrêtés du 2 janvier 2020 n'ont pu avoir pour portée d'abroger les décisions du 3 octobre 2019 portant refus de séjour. Celles-ci, par suite, et notamment en exécution du jugement attaqué du 11 décembre 2019 en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes des intéressés, restent en vigueur à la date à laquelle il est statué sur la requête n° 20LY00089 de M. F... et Mme G... par le présent arrêt. Par ailleurs, si les décisions du 3 octobre 2019 portant obligation de quitter le territoire français ont vu leur exécution suspendue entre la date dudit jugement, en exécution de ce dernier, et celles des notifications des décisions de la Cour nationale du droit d'asile, soit le 3 décembre 2019 pour Mme D... et le 9 décembre 2019 pour M. F..., elles n'en ont pas moins emporté leurs effets de la date de leur notification jusqu'en tout état de cause à celle de la notification de l'arrêté du 2 janvier 2020 qui, à nouveau, leur a fait la même obligation assortie d'un nouveau délai de départ de trente jours. Dans ces conditions, l'ensemble des conclusions de la requête de M. F... et Mme G..., dirigée contre le jugement du 11 décembre 2019 en ce qu'il avait rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des refus de titres de séjour et des obligations de quitter le territoire français, n'ont pas perdu leur objet en cours d'instance. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer sur ces conclusions opposée en défense par le préfet de la Drôme ne peut qu'être écartée.

Sur la légalité des refus de séjour en litige :

4. L'unique moyen des requêtes, tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de risques qu'encourraient les intéressés en cas de retour dans leur pays d'origine, est en tout état de cause inopérant sur la légalité des décisions du 3 octobre 2019 en litige portant refus de séjour, qui n'ont pas pour effet, par elles-mêmes, d'éloigner M. F... et Mme G... vers la Géorgie. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire en litige :

5. Les arrêtés du 3 octobre 2019 dans leurs articles 2 et les arrêtés du 2 janvier 2020 dans leurs articles 1 font respectivement obligation à M. F... et Mme G... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Ces décisions, d'une part portant obligation de quitter le territoire français, d'autre part fixant un délai de départ volontaire, n'indiquent pas les pays vers lesquels doit être réalisée la mesure d'éloignement. Dès lors, l'unique moyen des requêtes, ainsi qu'il vient d'être dit au point 4, tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de risques qu'allèguent les intéressés en cas de retour en Géorgie, est en tout état de cause inopérant sur la légalité des obligations de quitter le territoire français en litige.

Sur le surplus des conclusions des requêtes :

6. Les requêtes, explicitement dirigées contre les jugements des 11 décembre 2019 et 3 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble et contre les arrêtés du préfet de la Drôme des 3 octobre 2019 et 2 janvier 2020 " portant refus d'octroi d'un droit au séjour à M. F... et Mme G... et obligation de quitter le territoire français ", demandent l'annulation de ces derniers, au motif de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " en ce qu'il a été refusé aux requérants l'octroi d'un droit au séjour et (les ont) obligé(s) à quitter le territoire français ". L'article 3 des arrêtés du 3 octobre 2019 et l'article 2 de l'arrêté du 2 janvier 2020 fixent, en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement, pour destination de celle-ci le pays dont les intéressés ont la nationalité ou tout pays dans lequel ils seraient légalement admissibles. Ainsi, il doit être tiré de cette formulation de leurs écritures contentieuses que M. F... et Mme G... ont pu entendre également contester, parmi les décisions contenues dans les arrêtés en litige, les décisions fixant le pays de destination, contre lesquelles le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est opérant.

7. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Cet article 3 énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

8. M. F... et Mme G..., dont les demandes d'asile ont été définitivement rejetées, n'apportent aucun élément nouveau de nature à établir la réalité et l'actualité des risques, auxquels la Cour nationale du droit d'asile n'a pas retenu qu'ils seraient exposés, qu'ils allèguent encourir, et notamment en raison d'une inaction des autorités géorgiennes à leur assurer une protection dans un conflit d'ordre privé, en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, ainsi que l'ont à bon droit apprécié les premiers juges dans les jugements attaqués, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. F... et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. F... et Mme G... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., à Mme C... G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Josserand-Jaillet, président de chambre,

M. Besse, président-assesseur,

Mme Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.

N° 20LY00089 20LY01218

fp

20LY00089, 20LY01218 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00089
Date de la décision : 07/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : COMBES DELPHINE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-07;20ly00089 ?
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