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07/01/2021 | FRANCE | N°19LY00635

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 07 janvier 2021, 19LY00635


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier Métropole Savoie à lui verser la somme de 123 667,31 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa prise en charge par ce centre hospitalier, alors dénommé centre hospitalier de Chambéry.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, représentée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condam

ner le centre hospitalier Métropole Savoie à lui rembourser la somme de 22 792,12 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier Métropole Savoie à lui verser la somme de 123 667,31 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa prise en charge par ce centre hospitalier, alors dénommé centre hospitalier de Chambéry.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, représentée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier Métropole Savoie à lui rembourser la somme de 22 792,12 euros au titre de ses débours et la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1602478 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier Métropole Savoie à verser à Mme F... la somme de 6 703 euros, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche les sommes de 13 675,30 euros en remboursement de ses débours et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, a mis les frais d'expertise à la charge du centre hospitalier Métropole Savoie et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 3 juillet 2020, Mme F..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 18 décembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a limité ses prétentions indemnitaires à la somme de 6 703 euros ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de condamner le centre hospitalier Métropole Savoie à lui verser la somme de 123 697,21 euros en réparation du préjudice subi à la suite de sa prise en charge ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Métropole Savoie la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il convient de mettre en cause sa mutuelle, ADREA Mutuelle, dès lors qu'elle a eu recours à des séances d'ostéopathie et à des séances de balnéothérapie prises en charge par cette mutuelle ;

- le centre hospitalier de Chambéry a commis des fautes engageant son entière responsabilité ; l'expert, le professeur Gouillat, a relevé que le diagnostic de hernie diaphragmatique était en pratique impossible à faire avec les examens d'imagerie réalisés (cliché thoracique, radiographie de l'abdomen sans préparation -ASP-, échographie) et, déjà en 2008, il était recommandé de les remplacer par un scanner ; le scanner devait être réalisé en urgence et n'a pas été réalisé dans ce cadre ; elle présentait des douleurs abdominales que la morphine ne suffisait pas à soulager ; la violence et la soudaineté des symptômes démontrent la particulière gravité de ceux-ci et auraient dû pousser le personnel médical à envisager tous les diagnostics ;

S'agissant des préjudices :

- sur les dépenses de santé actuelles, face à l'inefficacité des traitements traditionnels, elle a eu recours à un naturopathe, un homéopathe, un chiropracteur et un ostéopathe ; ces traitements se sont avérés nécessaires pour calmer et traiter les douleurs issues de la résection intestinale et des collections et séquelles abdominales et intestinales ; elle sollicite la somme de 7 945 euros ;

- sur les frais liés à l'assistance par une tierce personne, elle a bénéficié d'une aide-ménagère deux heures par semaine pendant trois semaines ; le tribunal administratif a fait droit à sa demande ; elle sollicite la somme de 96 euros ;

- sur l'incidence professionnelle, elle est violoncelliste et exerce la profession d'enseignante et de concertiste en participant à des concerts et à des orchestres ; elle a subi une résection intestinale entraînant des diarrhées inopinées et violentes qui lui interdisent toute participation à des manifestations ; elle n'a été en mesure de reprendre son activité d'enseignante qu'à temps partiel ; si elle n'était pas en activité au moment des faits, c'est qu'elle était en congé parental pour son troisième enfant ; ses diarrhées sont imprévisibles ; elle sollicite à ce titre la somme de 20 000 euros ;

- sur ses frais de santé futurs, elle souffre encore des suites opératoires qui la contraignent à consulter un ostéopathe, à faire usage de probiotiques pour améliorer son fonctionnement intestinal et digestif et de compléments alimentaires ; elle sollicite par suite l'octroi d'une rente à hauteur de 45 876, 21 euros ;

- elle a exposé des frais d'expertise à hauteur de 1 500 euros et des frais d'assistance et de conseil à hauteur de 450 euros ;

- les souffrances endurées seront évaluées à la somme de 4 000 euros tenant compte d'une réévaluation du préjudice apprécié de façon insuffisante par l'expert à 2 sur une échelle de 7 et de l'absence de règles ; son préjudice sexuel sera évalué à la somme de 10 000 euros ; le préjudice d'agrément sera évalué à 15 000 euros ; le déficit fonctionnel temporaire sera évalué à 1 426 euros conformément à ce qu'a retenu le tribunal administratif ; le déficit fonctionnel permanent sera évalué à 7 500 euros ; le préjudice psychologique distinct du déficit fonctionnel permanent sera évalué à 10 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 26 mars 2019, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, représentée par Me E..., conclut à la réformation du jugement du 18 décembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a limité ses prétentions indemnitaires à la somme de 13 675,30 euros et à la condamnation du centre hospitalier de Chambéry à lui rembourser la somme de 22 792,12 euros au titre des débours engagés pour son assurée et à lui verser la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Elle s'en remet à l'appréciation de la cour quant à l'application du taux de perte de chance.

Par un mémoire, enregistré le 20 mai 2020, le centre hospitalier de Chambéry, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu, conformément aux conclusions de l'expert, que le retard de 24 heures à réaliser le scanner abdomino-pelvien n'avait été à l'origine que d'une perte de chance de 60 % d'éviter une résection abdominale et les collections abdominales présentées ultérieurement ainsi que les séquelles intestinales actuelles ; il y a une perte de chance et non un préjudice entier à chaque fois qu'en l'absence de faute, le dommage aurait pu survenir, ce qui est le cas pour un retard de diagnostic lié à une carence médicale ; l'expert relève qu'à supposer que le scanner abdomino-pelvien ait été réalisé dès le 3 mars au soir, le dommage aurait néanmoins pu survenir ; un scanner réalisé dès l'admission aux urgences n'aurait que difficilement pu mettre en évidence la hernie diaphragmatique droite avec étranglement de plusieurs anses grêles et n'aurait pas conduit à une intervention plus précoce ;

- les débours de la caisse primaire d'assurance maladie sont calculés en retenant le taux de perte de chance ; lorsque les conclusions d'appel sont rejetées, la caisse n'est pas fondée à solliciter une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion allouée par les premiers juges ;

- le juge administratif est réticent à reconnaitre le lien de causalité entre les dépenses de santé liées à des pratiques médicales alternatives et la faute ; s'il indemnise les dépenses en lien avec des actes d'ostéopathie, il n'est pas établi que ces dépenses soient en lien avec les manquements qui lui sont reprochés ; les attestations produites ne permettent pas de chiffrer les dépenses engagées et les factures produites font seulement état de dépenses à hauteur de 1 665 euros ; s'agissant des dépenses de santé futures, l'expert ne fait pas état de la nécessité d'avoir recours à des traitements particuliers comme les séances d'ostéopathie ou l'usage de compléments alimentaires ; le lien de causalité entre ces dépenses et les manquements n'est pas établi ; Mme F... n'établit pas son préjudice d'incidence professionnelle et ce alors qu'elle n'exerçait aucune activité professionnelle au moment des faits et n'a repris une activité que plusieurs années après la date de consolidation de son état de santé ; les premiers juges ont mis à la charge du centre hospitalier la somme de 1 500 euros au titre des frais d'expertise ; le tribunal administratif n'a pas fait une évaluation insuffisante des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent ; le préjudice sexuel et le préjudice psychologique ont été réparés au titre du déficit fonctionnel permanent ; le préjudice d'agrément en lien avec les manquements qui lui sont reprochés n'est pas établi.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 mars 2008, vers 17h30, Mme A... F... s'est présentée aux urgences du centre hospitalier de Chambéry, désormais dénommé centre hospitalier Métropole Savoie, en raison d'une violente douleur abdominale et de vomissements. Un bilan radiographique, pulmonaire et abdominal, et échographique, a été réalisé. Les examens étant jugés normaux, la patiente a été transférée dans le service de chirurgie viscérale. Le 4 mars 2008, vers 22h00, le chef du service de chirurgie viscérale a constaté la persistance des souffrances abdominales et des vomissements de Mme F... et a demandé en urgence la réalisation d'un scanner thoraco-abdomino-pelvien qui a mis en évidence une hernie diaphragmatique droite avec étrangement de plusieurs anses grêles. Le soir même, à 23h00, Mme F... a subi une laparotomie de l'intestin grêle. Le 17 mars 2008, elle a été autorisée à regagner son domicile. Mais le lendemain, elle a été réadmise aux urgences du centre hospitalier sur l'indication de son gynécologue qui, à la suite d'une échographie, a constaté un épanchement très important intra-péritonéal. Le 19 mars 2008, elle a été autorisée à regagner son domicile compte tenu de son état stable. Le 21 mars 2008, devant la persistance des douleurs et d'un état fiévreux, Mme F... a été hospitalisée au centre hospitalier de Chambéry et un bilan a mis en évidence une organisation de l'épanchement péritonéal en collections pelviennes puis utérines. Le 25 mars 2008, une intervention chirurgicale a permis de drainer l'épanchement intra-péritonéal. Le 4 avril 2008, elle a été autorisée à regagner son domicile avec un traitement antibiotique intraveineux. Estimant avoir été victime d'une faute dans sa prise en charge, Mme F... a saisi son assureur, la MAIF, qui a sollicité l'avis médical du docteur Jacquemard. Elle a également sollicité l'organisation d'une expertise médicale auprès du tribunal administratif de Grenoble. Par une ordonnance du 27 septembre 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a désigné le professeur Gouillat, spécialiste en chirurgie digestive, en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 22 août 2013. Mme F... a formé une réclamation préalable indemnitaire qui a été rejetée implicitement. Elle relève appel du jugement du 18 décembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Grenoble n'a retenu qu'une perte de chance estimée à 60 % d'éviter une résection abdominale et les collections abdominales présentées ultérieurement ainsi que les séquelles intestinales actuelles en raison d'un retard du centre hospitalier de Chambéry à pratiquer le scanner ayant permis de détecter la hernie diaphragmatique et en tant qu'il a limité ses prétentions indemnitaires à la somme de 6 703 euros. Par la voie de l'appel incident, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, conclut à la réformation du jugement en tant que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait droit à la totalité de ses demandes indemnitaires.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Chambéry :

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) "

3. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme F... a été examinée par un interne de garde lors de son admission aux urgences du centre hospitalier de Chambéry le 3 mars 2008 vers 17h30. Si un bilan radiographique et échographique a été prescrit et n'a pas permis de déceler d'anomalie hormis une masse végétante dans le rectum qui a fait évoquer à l'interne de garde, sans que cela ne soit vérifié par un médecin sénior, un cancer du rectum nécessitant un bilan complémentaire, l'expert relève que " l'équipe médicale semble avoir perdu de vue le motif de la consultation en urgence : des douleurs épigastriques violentes mal calmées par la morphine qui ne cadrent pas avec le diagnostic de cancer du rectum et imposent des investigations spécifiques ". L'expert souligne encore que " le diagnostic de hernie diaphragmatique était en pratique impossible à faire avec les examens d'imagerie réalisés (cliché thoracique, radiographie de l'abdomen sans préparation -ASP-, échographie). L'intérêt de ces examens dans la prise en charge des douleurs abdominales est d'ailleurs contesté depuis déjà de nombreuses années et en 2008 il était déjà recommandé de les remplacer par un scanner " qui devait être réalisé en urgence. Par suite, l'absence de réalisation d'un scanner abdomino-pelvien dans la soirée du 3 mars 2008, qui constitue une méconnaissance des règles de l'art, a été à l'origine d'un retard dans l'établissement du diagnostic de hernie diaphragmatique et dans la prise en charge de Mme F... qui n'a été opérée que le lendemain vers 23h00, alors que, selon le rapport d'expertise, " si le scanner avait été réalisé dès l'arrivée au service d'urgence, conformément aux recommandations, il aurait montré, en plus lisible, une image correspondant à celle visible sur le cliché thoracique initiale, c'est-à-dire une anse grêle glissée derrière le foie et atteignant la coupole diaphragmatique pour la traverser légèrement ". Il s'ensuit que ce retard de diagnostic est de nature à caractériser une faute engageant la responsabilité du centre hospitalier de Chambéry.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne la perte de chance :

4. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

5. La requérante fait valoir que la faute commise par le centre hospitalier de Chambéry engage son entière responsabilité.

6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'expert a indiqué que si une intervention chirurgicale d'urgence avait pu être réalisée dans la nuit du 3 au 4 mars 2008, Mme F... aurait eu de " bonnes chances d'éviter la résection intestinale " et donc probablement les collections abdominales présentées ultérieurement et les séquelles intestinales actuelles et que si l'intervention avait été réalisée dans la matinée du 4 mars 2008, la patiente aurait eu moins de chance d'éviter cette résection. L'expert conclut que le retard fautif de diagnostic a entraîné une perte de chance d'éviter la résection intestinale, les collections abdominales et les séquelles intestinales actuelles de 60 %. Par suite, le manquement du centre hospitalier n'est à l'origine que d'une perte de chance d'éviter la résection intestinale et ses suites comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges.

7. Eu égard à ce qui a été dit, il sera fait une juste appréciation de la part du centre hospitalier de Chambéry en l'évaluant à 60 % des préjudices subis. Il s'ensuit que l'ampleur de la perte de chance étant de 60 %, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier Métropole Savoie la réparation de cette fraction du dommage corporel.

En ce qui concerne les préjudices :

8. Il résulte de l'instruction et notamment des conclusions de l'expertise du professeur Gouillat que la date de consolidation de l'état de santé de Mme F... a été fixée au 21 juillet 2008.

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

Quant aux dépenses de santé actuelles et futures :

9. Mme F... fait valoir qu'elle a été contrainte d'engager des dépenses de santé face à l'inefficacité des traitements traditionnels pour calmer et traiter les douleurs issues de la résection intestinale, des collections et des séquelles abdominales et intestinales et qu'elle a eu recours à un naturopathe, un homéopathe, un chiropracteur et un ostéopathe. Elle ajoute que pour améliorer son fonctionnement intestinal et digestif, elle consulte un ostéopathe et suit un traitement à base de probiotiques et de compléments alimentaires. En se bornant à produire une attestation d'une naturopathe faisant état de ce que Mme F... la consulte pour ses problèmes médicaux, une attestation d'une ostéopathe du 25 avril 2016 indiquant qu'elle a constaté " un important verrouillage ostéopathique du thorax et de la plèvre ", " de nombreuses dysfonctions articulaires thoraciques et costales " et au niveau viscéral, " de nombreux désordres ostéopathiques " ainsi que des troubles relevant de la psychothérapie, une liste d'achat entre le 1er janvier 2012 et le 31 juillet 2014 d'un traitement produit par le laboratoire Euro-Natura, un relevé des dates de consultation d'un chiropracteur à compter de 2009, un certificat d'un ostéopathe indiquant avoir reçu Mme F... le 26 septembre et le 9 décembre 2011, une liste de rendez-vous chez un masseur-kinésithérapeute, une facture de la société Longévie du 23 mars 2018 pour l'achat d'un traitement à hauteur de 145,09 euros et une facture d'achat de probiotiques pour la somme de 27,90 euros, Mme F... n'établit pas que ces frais de santé seraient en lien direct et certain avec le manquement reproché au centre hospitalier de Chambéry et ce alors que l'expert a indiqué que " les séquelles fonctionnelles, de nature intestinale, à type de diarrhées, imputables à la résection intestinale, sont très modérées et en tout cas bien contrôlées par un traitement médical simple qui pourrait d'ailleurs être optimisé en ayant recours aux chélateurs des sels biliaires ". Par suite, l'indemnisation de ces chefs de préjudice ne peut être accueilli.

10. La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme fait valoir qu'elle a exposé des frais hospitaliers pour un montant non contesté de 22 792,12 euros. En l'absence de condamnation du centre hospitalier de Chambéry à prendre en charge les frais de santé actuels allégués par Mme F... et compte tenu du taux de perte de chance retenu, il y a lieu de condamner le centre hospitalier Métropole Savoie à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 13 675,27 euros.

Quant aux frais d'assistance par une tierce personne :

11. Les premiers juges ont évalué les frais d'assistance par une tierce personne à la somme de 96 euros, soit compte tenu du taux de perte de chance, la somme de 57,60 euros, qui n'est contestée ni par Mme F... ni par le centre hospitalier Métropole Savoie.

Quant aux frais divers :

12. Les premiers juges ont évalué les frais correspondants aux honoraires du médecin-conseil, le docteur Jacquemard, de Mme F... à la somme de 450 euros. L'évaluation de ces frais n'est contestée ni par Mme F... ni par le centre hospitalier. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 450 euros.

13. Les frais de justice et les frais d'expertise, s'ils ont été exposés en conséquence directe d'une faute de l'administration, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de la faute imputable à l'administration. Toutefois, lorsque le demandeur a fait valoir devant le juge une demande fondée sur les articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative, le préjudice est intégralement réparé par la décision que prend le juge sur ce fondement. Il n'en va autrement que dans le cas où le demandeur ne pouvait légalement bénéficier de ces dispositions.

14. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, que Mme F... ayant pu bénéficier des dispositions des articles R. 761-1 du code de justice administrative, les frais exposés dans le cadre de l'expertise doivent faire l'objet d'une appréciation d'ensemble dans le cadre de ces dispositions qui exclut toute demande indemnitaire de ce chef de préjudice sur un autre fondement juridique.

Quant à l'incidence professionnelle :

15. Mme F... fait valoir qu'elle est violoncelliste et exerce la profession d'enseignante et de concertiste et que depuis la résection intestinale, elle est exposée à des diarrhées inopinées et violentes qui lui interdisent toute participation à des manifestations et qu'elle n'a été en mesure de reprendre son activité d'enseignante qu'à temps partiel. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'à la date de ce rapport, Mme F... était en recherche d'emploi depuis trois ans à l'issue de son congé parental et effectuait des remplacements. Par ailleurs, l'expert a précisé que " les séquelles intestinales restent compatibles avec l'exercice de la profession de violoncelliste notamment pour ce qui concerne l'enseignement de cette discipline ". Si l'expert relève que " toutefois, il sera sans doute nécessaire de prendre certaines précautions avant les concerts ", Mme F... n'établit pas qu'avant 2008 elle participait régulièrement à des concerts, en se bornant à produire un article de presse relatif à sa participation à un concert en mai 2006, ou était membre d'un orchestre. Dès lors, ce chef de préjudice ne peut être accueilli.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

16. Les premiers juges ont évalué à la somme de 1 426 euros le préjudice subi par Mme F... au titre de son déficit fonctionnel temporaire et ils lui ont alloué, compte tenu du taux de perte de chance retenu, la somme de 855,60 euros. Cette somme n'est contestée ni par la requérante ni par le centre hospitalier Métropole Savoie.

Quant au déficit fonctionnel permanent :

17. Les premiers juges ont évalué à la somme de 7 200 euros le préjudice subi par la requérante au titre de son déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert à 5% et ils lui ont alloué, compte tenu du taux de perte de chance retenu, la somme de 4 320 euros intégrant le retentissement psychologique. Cette évaluation du déficit fonctionnel permanent par les premiers juges, et ce alors que Mme F... n'apporte aucun élément nouveau en appel au soutien de ses prétentions indemnitaires, n'apparait pas insuffisante.

Quant au préjudice psychologique :

18. Il résulte de l'instruction que l'expert a précisé que l'évaluation du déficit fonctionnel permanent à 5% intégrait le retentissement psychologique. Par suite, Mme F... n'établissant pas l'existence d'un préjudice distinct du déficit fonctionnel permanent, la demande tendant à l'indemnisation du préjudice psychologique ne peut être accueillie.

Quant aux souffrances endurées :

19. Mme F... fait valoir que l'évaluation des souffrances endurées par l'expert à 2 sur une échelle de 7 est insuffisante et ne tient pas compte de l'intensité des souffrances endurées et des souffrances psychologiques résultant de l'aménorrhée dont elle est victime depuis l'intervention.

20. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'expert a évalué les souffrances endurées du fait de la collection pelvienne à 2 sur une échelle de 7. Cette évaluation des souffrances endurées n'apparait pas insuffisante et ce alors qu'il n'est pas établi que l'aménorrhée dont elle est victime serait en lien avec la résection intestinale. Par suite, l'appréciation de ce préjudice par les premiers juges à la somme de 2 000 euros, indemnisé à hauteur d'une somme de 1 200 euros compte tenu du taux de perte de chance retenu, n'apparaît pas insuffisante.

Quant au préjudice sexuel :

21. Mme F... fait valoir qu'elle a subi un préjudice sexuel compte tenu des épisodes de diarrhées intenses qu'elle a connus et de son mal au ventre pendant huit mois.

22. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'expert a indiqué que " La survenue d'un besoin urgent d'aller à la selle pendant les rapports sexuels pourrait être de nature, s'il survenait, à constituer un préjudice sexuel ". Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice postérieurement au 20 juillet 2008 correspondant à la fin de la période de déficit fonctionnel temporaire évalué à 30 %, en l'évaluant à la somme de 1 000 euros, indemnisé, compte tenu du taux de perte de chance retenu, par une somme de 600 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

23. Mme F... fait valoir qu'elle subit un préjudice d'agrément en raison de ce que l'élévation de son rythme cardiaque ne lui permet plus de pratiquer la randonnée. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il n'est pas établi que l'élévation de son rythme cardiaque serait en lien avec les séquelles fonctionnelles intestinales telles que retenues par l'expert. Par suite, l'indemnisation de chef de préjudice ne peut être accueilli.

24. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de mettre en cause la mutuelle ADREA Mutuelle, que Mme F... est seulement fondée à demander que l'indemnité que le centre hospitalier Métropole Savoie a été condamné à lui verser soit portée de 6 703 euros à 7 483,20 euros. La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a limité le montant de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier Métropole Savoie à la somme de 13 675,30 euros.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

25. Dès lors que les conclusions tendant à la majoration des sommes qui lui sont dues au titre des prestations versées sont rejetées par le présent arrêt, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme ne peut prétendre à une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les frais d'expertise :

26. Il y a lieu de maintenir les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 500 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Grenoble à la charge de centre hospitalier de Chambéry.

Sur les frais liés au litige :

27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Chambéry une somme de 1 000 euros à verser à Mme F... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 6 703 euros que le centre hospitalier Métropole Savoie a été condamné à verser à Mme F... par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 décembre 2018 est portée à 7 483,20 euros.

Article 2 : Les frais d'expertise sont maintenus à la charge du centre hospitalier Métropole Savoie.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 décembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier Métropole Savoie versera à Mme F... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., au centre hospitalier Métropole Savoie, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme B..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.

2

N° 19LY00635


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00635
Date de la décision : 07/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute. Retards.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : LEGI RHONE ALPES JULLIEN PIOLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-07;19ly00635 ?
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