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17/12/2020 | FRANCE | N°19LY03425

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 17 décembre 2020, 19LY03425


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner Voies Navigables de France à lui verser à titre provisionnel la somme de 12 152 euros en réparation des préjudices subis et d'ordonner une nouvelle expertise confiée au docteur Bègue en raison de la consolidation de son état de santé.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner Voies Navigables de France à lui verser la somme de 2 9

58,52 euros en remboursement de ses débours, sous réserve d'autres paiements, augm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner Voies Navigables de France à lui verser à titre provisionnel la somme de 12 152 euros en réparation des préjudices subis et d'ordonner une nouvelle expertise confiée au docteur Bègue en raison de la consolidation de son état de santé.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner Voies Navigables de France à lui verser la somme de 2 958,52 euros en remboursement de ses débours, sous réserve d'autres paiements, augmentée des intérêts à compter du jugement.

Par un jugement n° 1802709 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de Mme B... et celles de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or et a mis les frais d'expertise à la charge de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 20 juillet 2020, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 juin 2019 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de condamner Voies Navigables de France à lui verser la somme totale de 12 688,27 euros à titre provisionnel en réparation des préjudices subis à l'occasion de sa chute survenue le 9 juin 2016 ;

3°) d'ordonner une nouvelle expertise confiée au docteur Begue à raison de la consolidation de son état de santé ;

4°) de mettre à la charge de Voies Navigables de France la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle avait la qualité d'usager de l'ouvrage public constitué par le canal et elle doit établir l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage et ses préjudices ;

- la matérialité de ses préjudices ainsi que le lien de causalité sont établis ;

- le quai ne faisait pas l'objet d'un entretien normal ; elle produit des attestations et un constat d'huissier de justice qui a constaté que le revêtement du quai est vétuste et dépourvu d'entretien, que le revêtement constitué de pavés n'est pas plat, que certains pavés sont descellés, qu'à l'endroit de sa chute, le dépassement du niveau de revêtement est mesuré à 5 cm ; ces caractéristiques constituent un risque particulier excédant les conditions normales d'usage des circulations piétonnes sur les berges ;

- la zone pavée est envahie par l'herbe, ce qui ne permet pas aux usagers d'appréhender la hauteur des pavés ;

- il ne peut être affirmé qu'elle connaissait les lieux et l'obstacle constitué par les pavés incriminés n'était pas visible compte tenu de la présence de mauvaises herbes ; par suite, elle n'a commis aucune imprudence ;

- elle sollicite à titre provisionnel la somme de 25 euros pour le déficit fonctionnel temporaire total, la somme de 536,27 euros pour les frais restés à sa charge, la somme de 4 500 euros pour l'incapacité permanente partielle fixée à 3 % par l'expert, la somme de 4 000 euros pour les souffrances endurées évaluées à 2,5 sur une échelle de 7 par l'expert, la somme de 500 euros pour le préjudice esthétique évalué à 0,5 sur une échelle de 7 par l'expert, la somme de 3 127 euros pour les soins de reconstruction dentaire ;

- si Voies Navigables de France considère que seules les blessures reportées dans le certificat médical initial établi par le centre hospitalier universitaire de Dijon doivent être prises en compte, elle a subi des lésions dentaires ; il ne peut être déduit de la convocation de la caisse primaire d'assurance maladie pour contrôler les soins réalisés par le dentiste qu'elle présentait, avant sa chute, un mauvais état dentaire ; l'expert n'a pas retenu d'état antérieur dès lors que si elle souffrait d'un syndrome du canal bilatéral, ce syndrome était ancien ; l'expert a retenu que la commotion vestibulaire était en lien avec la chute ;

- une nouvelle expertise doit être réalisée pour déterminer ses préjudices définitifs.

Par un mémoire, enregistré le 3 juillet 2020, l'établissement public Voies navigables de France, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, si la cour retenait sa responsabilité, à ce que les sommes provisionnelles sollicitées soient ramenées à de plus justes proportions et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucun élément du dossier ne permet d'identifier le pavé qui aurait provoqué la chute de la requérante ; le constat d'huissier réalisé le 7 février 2017 ne permet pas d'établir les circonstances exactes de la chute ; la circonstance que l'occupant d'une péniche indique, plus de trois années après les faits et alors qu'il n'était pas amarré à cet endroit au moment des faits, que des personnes auraient buté sur des pavés qui dépassaient n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation du tribunal administratif ;

- les chemins de halage du domaine public fluvial ne sont pas des voies ouvertes à la circulation publique conformément aux termes de l'article R. 4241-68 du code des transports et l'entretien normal doit s'apprécier au regard de ses missions et non en vue de la circulation piétonne ;

- la différence de niveau entre les pavés d'une voie ne relève pas en soi un défaut d'entretien normal ; les photographies du constat d'huissier montrent un revêtement relativement linéaire à l'exception de deux pavés isolés parfaitement visibles qui semblent légèrement plus hauts que les autres mais qui peuvent être aisément contournés ; il n'est pas établi que l'herbe masquait les caractéristiques des pavés ;

- la victime a commis une faute d'imprudence dès lors que les pavés étaient visibles et que l'obstacle était aisément contournable ; la victime avait connaissance des lieux ;

- s'agissant du traumatisme au poignet, Mme B... souffre d'un syndrome du canal carpien bilatéral pour lequel elle a subi deux interventions chirurgicales en 2003 et 2004 ; s'agissant des fractures dentaires, elles n'ont pas été relevées par les urgences le jour de l'accident et il ne résulte pas des pièces du dossier qu'elles auraient été causées par la chute de Mme B... ; s'agissant de la commotion vestibulaire, aucune élément ne permet de déterminer que ce préjudice serait une conséquence de la chute ; il en va de même de l'entorse cervicale ; l'expert a indiqué que l'incapacité permanente partielle de 3 % devra être ramenée à 1 % voire 0 % à l'issue des séances de kinésithérapie ; les sommes sollicitées à titre provisionnel seront ramenées à de plus justes proportions.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pourny, président de chambre,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant Voies navigables de France.

Considérant ce qui suit :

1. Le 9 juin 2016, vers 12h50, Mme B..., qui se promenait quai Nicolas Rollin le long du canal de Bourgogne à Dijon, a chuté sur un chemin de halage dont l'entretien incombe à Voies navigables de France. Elle a été transportée par les sapeurs-pompiers au centre hospitalier universitaire de Dijon où une contusion du poignet gauche sans fracture, une plaie de la paupière supérieure gauche et une dermabrasion de la pommette gauche ont été prises en charge. Imputant sa chute au revêtement en pavés du chemin, Mme B... a formé une réclamation préalable indemnitaire qui a été rejetée par l'assureur de Voies navigables de France. Elle a également saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande d'expertise. Par une ordonnance du 8 juin 2017, le président du tribunal administratif de Dijon a désigné le docteur Begue en qualité d'expert. Celui-ci a remis son rapport le 8 mars 2018. Mme B... relève appel du jugement du 28 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Voies Navigables de France à l'indemniser des préjudices résultant de sa chute.

Sur la responsabilité de Voies navigables de France :

2. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

3. Il résulte de l'instruction que Mme B... a chuté, le 9 juin 2016, vers 12h50, alors qu'elle se promenait le long du canal de Bourgogne à Dijon, quai Nicolas Rollin, dans sa partie pavée. Elle produit au soutien de ses allégations une attestation du service départemental d'incendie et de secours de la Côte d'Or qui indique être intervenu le 9 juin 2016 quai Nicolas Rollin sans apporter d'autre précision, une attestation d'une personne qui a secouru Mme B..., sans avoir été le témoin direct de son accident, indiquant qu' " il y avait des pavés tachés de sang avec une hauteur importante vers la femme " et une attestation du 29 août 2019 d'un habitant d'une péniche amarrée depuis 2017 quai Nicolas Rollin qui précise que des piétons butent sur les pavés mais qu'il n'a pas été le témoin de chutes. Toutefois, ces attestations, dans les termes où elles sont rédigées, ne permettent pas de déterminer les circonstances exactes ni la cause précise de cet accident. Si Mme B... fait valoir qu'elle a buté contre un pavé surélevé de 5 cm, ce pavé ne présentait pas une surélévation supérieure à 5 cm selon le constat de l'huissier de justice mandaté par Mme B... du 8 février 2017 et cette surélévation était, à l'heure de l'accident, visible malgré la présence de mauvaises herbes et n'excédait pas par sa nature et son importance les caractéristiques d'obstacles que les usagers doivent s'attendre à rencontrer sur un chemin de halage sans qu'une signalisation particulière soit nécessaire. Par suite, la surélévation du pavé ne saurait être regardée comme constitutive d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public engageant la responsabilité de Voies Navigables de France.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Voies Navigables de France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par Voies Navigables de France au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Voies Navigables de France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à Voies Navigables de France et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

2

N° 19LY03425


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03425
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres. Entretien normal.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP BERLAND - SEVIN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-17;19ly03425 ?
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