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10/12/2020 | FRANCE | N°20LY00728

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 20LY00728


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2019 par lequel le préfet de la Drôme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.

Par un jugement n° 1908203 du 21 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête

, enregistrée le 21 février 2020, Mme E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2019 par lequel le préfet de la Drôme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.

Par un jugement n° 1908203 du 21 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 février 2020, Mme E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 janvier 2020 ainsi que les décisions du préfet de la Drôme du 26 novembre 2019 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que le jugement est irrégulier en ce que le magistrat désigné a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'était pas inopérant et que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire méconnaît cette disposition.

Par un mémoire enregistré le 4 novembre 2020, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il indique s'en référer à ses écritures de première instance.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 22 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante arménienne née le 18 mars 1966, est entrée irrégulièrement en France en mai 2019. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le préfet de la Drôme lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination vers lequel elle pourra être éloignée d'office par arrêté du 26 novembre 2019. Mme E... relève appel du jugement du 21 janvier 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du préfet de la Drôme.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de sa demande, Mme E... soutenait notamment que la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaissait l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le jugement attaqué ne se prononçant pas sur le bien-fondé de ce moyen, Mme E... est fondée à soutenir qu'il est entaché d'irrégularité sur ce point et doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Grenoble dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de l'arrêté du 26 novembre 2019 :

3. En premier lieu, l'arrêté du 26 novembre 2019 a été signé par M. Patrick Vieillescazes, secrétaire général de la préfecture de la Drôme, qui, par arrêté du 9 septembre 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs, a reçu délégation à l'effet de signer, notamment, tous arrêtés et décisions à l'exception d'actes limitativement énumérés parmi lesquels ne figurent pas les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des actes en cause manque en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I (...) de l'article L.723-2. ". Aux termes de l'article L. 723-2 du même code : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... est originaire d'Arménie, pays considéré comme pays d'origine sûr au sens et pour l'application des dispositions précitées au point 4. Dès lors, à compter de la notification régulière du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, intervenue en l'espèce le 5 novembre 2019, l'intéressée pouvait faire l'objet d'une décision l'obligeant à quitter le territoire alors même qu'elle avait introduit un recours à l'encontre de cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet a pu, par une exacte application des dispositions précitées au point 4, édicter à son encontre l'obligation de quitter le territoire en litige.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme E... est entrée en France à l'âge de cinquante-trois ans, après avoir passé la majeure partie de son existence en Arménie, où elle n'établit pas l'impossibilité d'y poursuivre sa vie privée et familiale. Elle est sans attaches privées ou familiales en France et n'établit pas que son suivi médical, entamé en France pendant l'examen de sa demande d'asile et qui consiste à traiter des douleurs lombaires dues à des troubles statiques et à un tassement des vertèbres, ne puisse se poursuivre en Arménie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet sur les conséquences de sa décision sur sa situation personnelle, doivent être écartés.

7. En quatrième lieu, Mme E... n'est pas fondée à exciper, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité, dont il vient d'être dit qu'elle n'est pas établie, de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

8. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Mme E..., qui soutient être en danger en cas de retour en Arménie du fait de son implication dans un détournement de marchandises organisé par un responsable de l'armée entre 2016 et 2018, ne produit toutefois aucun élément probant permettant d'établir la réalité de risques auxquels elle pourrait être personnellement et actuellement exposée en cas de retour dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché la décision fixant le pays de destination en cas d'exécution forcée de l'obligation de quitter le territoire, doivent être écartés.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme E... à fin d'annulation des décisions du préfet de la Drôme du 26 novembre 2019, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions visées ci-dessus doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1908203 du 21 janvier 2020 est annulé.

Article 2 : La demande ainsi que le surplus des conclusions présentées en appel par Mme E... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Daniel Josserand-Jaillet, président ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme D... C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

N° 20LY00728


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00728
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : GAY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-10;20ly00728 ?
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