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10/12/2020 | FRANCE | N°19LY01678

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 10 décembre 2020, 19LY01678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à lui verser la somme de 57 477,39 euros qu'il a versée à M. A... B..., la somme de 700 euros au titre des frais d'expertise ainsi que celle de 8 621,60 euros correspondan

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à lui verser la somme de 57 477,39 euros qu'il a versée à M. A... B..., la somme de 700 euros au titre des frais d'expertise ainsi que celle de 8 621,60 euros correspondant à la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, assorties des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2017, eux-mêmes capitalisés, et de mettre solidairement à la charge du CHU de Clermont-Ferrand et de la SHAM, outre les entiers dépens, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2017, eux-mêmes capitalisés.

L'Union nationale des mutualités neutres (UNMN) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, dans la même instance, dans le dernier état de ses écritures, de condamner solidairement le CHU de Clermont-Ferrand et la SHAM à lui verser la somme de 103 886,07 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date des décaissements ou, à défaut, à compter du 8 novembre 2018, eux-mêmes capitalisés et de mettre solidairement à la charge du CHU de Clermont-Ferrand et de la SHAM, outre les entiers dépens, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2015, eux-mêmes capitalisés.

Par un jugement n° 1700332 du 6 mars 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de l'ONIAM et les conclusions de l'UNMN.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 30 avril 2019 sous le numéro 19LY01678, et un mémoire, enregistré le 13 septembre 2019, l'UNMN, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700332 du 6 mars 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de condamner solidairement le CHU de Clermont-Ferrand et son assureur, la SHAM, à lui verser la somme de 103 886,07 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date des décaissements, subsidiairement à compter du 10 août 2017, date de l'enregistrement de son premier mémoire devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge solidaire du CHU de Clermont-Ferrand et de la SHAM, outre les entiers dépens, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2015, date de la demande préalable adressée à la SHAM.

Elle soutient que :

- l'amputation subie par M. B... est la conséquence d'un retard dans sa prise en charge au sein du CHU de Clermont-Ferrand et d'une succession de dysfonctionnements dans cet établissement, constitutifs d'une faute ;

- le délai entre la survenue de l'ischémie aigüe de M. B... et l'intervention chirurgicale de revascularisation, réalisée trop tardivement, est à l'origine pour le patient d'une perte de chance certaine d'éviter l'amputation, évaluée à 50 % ;

- elle a exposé des débours au profit de son assuré, M. B..., dans les droits duquel elle est subrogée en vertu du deuxième paragraphe de l'article 136 de la loi belge du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, à hauteur de la somme totale de 103 886,07 euros dont elle a droit au remboursement.

Par des mémoires enregistrés le 12 novembre 2019, le 23 juillet 2020 et le 24 juillet 2020, l'ONIAM, représenté par Me D..., conclut à l'annulation du jugement n° 1700332 du 6 mars 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, à la condamnation solidaire du CHU de Clermont-Ferrand et de la SHAM à lui verser la somme de 57 477,39 euros qu'il a versée à M. A... B..., la somme de 700 euros au titre des frais d'expertise engagés devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de la région Auvergne ainsi que la somme de 8 621,60 euros correspondant à la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, assorties des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2017, date de sa réclamation préalable, et de la capitalisation de ces intérêts, et à ce qu'il soit mis solidairement à la charge du CHU de Clermont-Ferrand et de la SHAM, outre les entiers dépens, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2017, eux-mêmes capitalisés.

Il soutient que :

- si, au jour de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, aucune décision du CHU de Clermont-Ferrand n'était intervenue à la suite de sa réclamation préalable, une décision implicite est née deux mois après le courrier du 7 février 2017, soit le 7 avril 2017, de sorte sa demande n'était pas irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative telles qu'elles ont été précisées par l'avis n° 426472 du Conseil d'Etat du 27 mars 2019 ; en outre, la position de refus d'indemnisation de la SHAM et du CHU de Clermont-Ferrand avait été exprimée par un courrier du 27 décembre 2013 et une décision implicite refusant de faire droit à la demande de régularisation amiable présentée par l'ONIAM le 12 octobre 2015 ;

- M. B... souffrait non pas d'une oblitération artérielle mais d'une ischémie aigüe du membre inférieur droit ; le retard dans la prise en charge de cette ischémie aiguë par le CHU de Clermont-Ferrand est constitutif d'une faute ;

- alors même que l'amputation du membre inférieur droit de M. B... était une évolution possible de son état de santé en l'absence de faute, le retard de prise en charge lui a fait perdre une chance d'éviter l'amputation, ainsi que le relève le rapport d'expertise médicale ; ainsi, le lien de causalité entre la faute et l'amputation rendue inévitable est établi ; la perte de chance d'éviter l'amputation en lien avec la faute commise, compte tenu de ce risque en l'absence de faute et de l'état antérieur du patient, doit être évaluée à 50 % ;

- il a indemnisé M. B..., par un protocole transactionnel du 22 juillet 2015, à hauteur de 1 297,60 euros au titre des dépenses de santé actuelles, de 8 901,81 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne, de 244,09 euros au titre des dépenses de santé futures, de 900 euros au titre des frais de véhicule adapté, de 17 181,89 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne, de 2 739 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 2 800 euros au titre des souffrances endurées, de 19 513 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 2 150 euros au titre du préjudice d'agrément et de 1 750 euros au titre du préjudice esthétique permanent ; il a droit ainsi au remboursement de la somme globale de 57 477,39 euros au titre des sommes versées à M. B... ;

- il a droit à la somme de 700 euros au titre du remboursement des frais d'expertise amiable ;

- il y a lieu de fixer à 15 % le taux de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, laquelle s'établit ainsi à la somme de 8 621,60 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2020, le CHU de Clermont-Ferrand et la SHAM, représentés par Me E..., concluent au rejet de la requête de l'UNMN et au rejet des conclusions de l'ONIAM.

Ils soutiennent que :

- l'avis n° 426472 du Conseil d'Etat du 27 mars 2019 étant postérieur au jugement attaqué, ils s'en remettent à justice quant au bien-fondé du moyen retenu par le tribunal administratif et tiré de l'irrecevabilité de la demande de première instance de l'ONIAM ;

- à son arrivée au CHU de Clermont-Ferrand, le patient ne présentait pas une ischémie aigüe, comme le relève à tort l'expert, mais une oblitération artérielle, qui ne présente pas le même degré d'urgence, de sorte qu'une artériographie n'avait pas à être réalisée immédiatement ; le délai de deux mois écoulé entre la prise en charge de M. B... au CHU de Clermont-Ferrand et l'amputation établit qu'aucun retard de prise en charge ne peut être retenu à l'encontre de l'établissement ;

- en admettant même que la thrombectomie ait été pratiquée avec retard, ce retard est sans lien avec l'amputation que M. B... a dû subir le 6 novembre 2011 ; si le délai de prise en charge avait été à l'origine d'une perte de chance, l'amputation aurait été rendue nécessaire dans un délai rapide, de quarante-huit heures en cas d'ischémie aigüe, et non pas deux mois plus tard ; ainsi, il n'y a pas de lien de causalité entre le délai de prise en charge du patient et l'amputation pratiquée près de deux mois plus tard ;

- à supposer que le délai d'intervention ait été à l'origine d'une perte de chance pour M. B... d'échapper à l'amputation, seule une faible part des sommes exposées par l'UNMN au profit du patient pourrait être mise à la charge du CHU de Clermont-Ferrand ;

- compte tenu de l'âge du patient et de son état antérieur, les états de frais produits par l'UNMN ne permettent pas d'identifier les frais et soins réclamés ni le lien avec l'amputation du patient.

II. Par une requête enregistrée le 30 avril 2019, sous le numéro 19LY01679, et des mémoires enregistrés les 23 juillet et 24 juillet 2020, l'ONIAM, représenté par Me D..., présente à la cour des conclusions identiques à celles qu'il lui a présentées dans l'instance 19LY01678.

Il soutient des moyens identiques à ceux qu'il a soulevés dans l'instance 19LY01678.

Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2019, l'UNMN, représentée par Me C..., présente à la cour des conclusions identiques à celles qu'elle lui a présentées dans l'instance 19LY01678.

Elle soutient des moyens identiques à ceux qu'elle a soulevés dans l'instance 19LY01678.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2020, le CHU de Clermont-Ferrand et la SHAM, représentés par Me E..., présentent à la cour des conclusions identiques à celles qu'ils lui ont présentées dans l'instance 19LY01678.

Ils soutiennent des moyens identiques à ceux qu'ils ont soulevés dans l'instance 19LY01678.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi belge du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le dimanche 11 septembre 2011, aux alentours de 2 heures du matin, M. B..., alors âgé de 84 ans, a ressenti brutalement des douleurs à la jambe droite, avec le constat d'un pied blanc et froid. Il s'est rendu au service des urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand où il a été admis à 4h12. Une artériographie, réalisée le lendemain, à midi, a fait apparaître une thrombose du pontage fémoro-poplité droit qui a nécessité la réalisation le jour même, à 16h30, d'une intervention chirurgicale de revascularisation. Le 4 novembre 2011, alors qu'il était suivi au centre hospitalier de Verviers (Belgique) où il avait été rapatrié le 20 septembre 2011, M. B... a été victime d'un choc septique. Une nécrose de la loge antérieure de la jambe droite ayant été constatée, il a subi, le 5 novembre 2011, une amputation au niveau de la cuisse droite. L'intéressé a saisi le 30 mai 2013 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) d'Auvergne, qui, après avoir prescrit une expertise rendue le 9 août 2013, a estimé, par un avis du 7 novembre 2013, que le dommage était imputable à un retard, constitutif d'une faute, dans la prise en charge de M. B... au sein du CHU de Clermont-Ferrand ayant causé une perte de chance, évaluée à 50 %, d'éviter l'amputation et qu'il revenait en conséquence à l'assureur de cet établissement d'indemniser l'intéressé. La société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) ayant refusé de faire une proposition d'indemnisation, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), qui s'est substitué à celle-ci à la demande de M. B..., a conclu le 22 juillet 2015 avec l'intéressé, un protocole d'indemnisation transactionnelle pour un montant total de 57 477,39 euros. Subrogé à l'issue de cette transaction dans les droits de la victime à concurrence de la somme totale qu'il lui a versée, l'ONIAM a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner solidairement le CHU de Clermont-Ferrand et la SHAM à lui rembourser la somme en cause, à lui verser une pénalité correspondant à 15 % de cette même somme, soit 8 621,60 euros, ainsi que les frais de l'expertise diligentée à la demande de la CRCI d'Auvergne. L'Union nationale des mutualités neutres (UNMN), en sa qualité de société d'assurance obligatoire de droit belge auquel la victime était affiliée, a présenté des conclusions tendant au remboursement de ses débours. Par un jugement du 6 mars 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, d'une part, rejeté la demande de l'ONIAM comme irrecevable et, d'autre part, rejeté les conclusions de l'UNMN au motif qu'il n'était pas établi que les manquements imputables au CHU de Clermont-Ferrand auraient fait perdre à M. B... une chance d'échapper à l'amputation. Par deux requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre, l'UNMN et l'ONIAM relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction résultant du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision.

3. Il résulte de l'instruction que l'ONIAM a présenté une demande indemnitaire par un courrier du 6 février 2017, réceptionné par le CHU de Clermont-Ferrand le 9 février suivant. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, alors même que la demande préalable de l'ONIAM a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 15 février 2017, une décision implicite de rejet de cette demande indemnitaire était née le 6 mars 2019, date à laquelle le tribunal administratif a statué. La demande indemnitaire ayant été régularisée en cours d'instance, les premiers juges ne pouvaient la rejeter au motif qu'elle était irrecevable faute d'avoir été précédée d'une décision de l'administration dans les conditions prévues par l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de l'ONIAM et de statuer sur celles-ci par la voie de l'évocation.

Sur l'action subrogatoire de l'ONIAM :

4. L'article L. 1142-1 du code de la santé publique prévoit que les conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins sont réparées par le professionnel ou l'établissement de santé dont la responsabilité est engagée. Les articles L. 1142-4 à L. 1142-8 et R. 1142-13 à R. 1142-18 de ce code organisent une procédure de règlement amiable confiée aux CRCI. En vertu des dispositions de l'article L. 1142-14 du même code, si la CRCI, saisie par la victime ou ses ayants droit, estime que la responsabilité du professionnel ou de l'établissement de santé est engagée, l'assureur qui garantit la responsabilité civile de celui-ci adresse aux intéressés une offre d'indemnisation. Aux termes de l'article L. 1142-15 : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, (...) l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur. (...) L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. (...) L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l'article L. 426-1 du même code. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. Lorsque l'office transige avec la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article, cette transaction est opposable à l'assureur ou, le cas échéant, au fonds institué au même article L. 426-1 du code des assurances ou au responsable des dommages sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis ".

5. En application de ces dispositions, il incombe au juge, saisi d'une action de l'ONIAM subrogé, à l'issue d'une transaction, dans les droits d'une victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées, de déterminer si la responsabilité du professionnel ou de l'établissement de santé est engagée et, dans l'affirmative, d'évaluer les préjudices subis afin de fixer le montant des indemnités dues à l'office. Lorsqu'il procède à cette évaluation, le juge n'est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l'ONIAM et la victime.

Sur la responsabilité du CHU de Clermont-Ferrand :

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par la CRCI d'Auvergne, qu'à son admission aux urgences du CHU de Clermont-Ferrand deux heures environ après avoir ressenti des douleurs dans la jambe droite, M. B... a été examiné par l'interne de garde qui a constaté une absence de pouls pédieux ainsi qu'une baisse de la sensibilité et de la motricité du pied droit, lequel était froid et pâle. Après avoir informé le chirurgien vasculaire de garde et dans l'attente des consignes de celui-ci, l'interne de garde a prescrit à l'intéressé un traitement composé d'un anticoagulant et d'antalgiques. Il résulte également de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert, chirurgien viscéral et vasculaire, mandaté par la CRCI d'Auvergne, que le tableau clinique posé initialement par l'interne de garde et communiqué au chirurgien vasculaire de garde, était révélateur, avec certitude, d'une ischémie aigüe du membre inférieur droit et non d'une simple oblitération artérielle, comme le soutiennent le CHU de Clermont-Ferrand et la SHAM en se fondant sur un courrier du 1er octobre 2013 du chirurgien alors de garde, lequel au demeurant n'avait pas procédé à l'examen du patient lors de son admission aux urgences. En outre, le patient avait avisé le personnel hospitalier de ses antécédents artéritiques des membres inférieurs, en particulier de ce qu'il avait déjà subi un pontage veineux fémoro-poplité gauche en novembre 2007, un pontage prothétique fémoro-poplité droit en 2010 ainsi qu'une intervention de revascularisation le 19 août 2010 à la suite d'une ischémie aigüe de la jambe droite. Malgré l'état clinique décrit par l'interne, M. B... n'a été examiné par le chirurgien vasculaire de garde que dans l'après-midi du dimanche 11 septembre 2011, entre 16 heures et 17 heures, soit plus de dix heures après son admission au CHU de Clermont-Ferrand. Ce praticien ayant constaté un réchauffement et une recoloration du membre sous l'effet du traitement anticoagulant, a estimé que la réalisation d'une artériographie pouvait être différée au lendemain. Alors que l'état de santé du patient s'est dégradé dans la nuit du dimanche 11 au lundi 12 septembre et qu'il présentait un déficit sensitivo-moteur complet de la jambe droite malgré l'administration d'anticoagulants, une artériographie sur la table d'opération n'a été réalisée que le lundi 12 septembre à 12 heures, la prise en charge de M. B... étant jusqu'alors considérée par le CHU de Clermont-Ferrand comme relevant d'une " urgence relative ". Cet examen d'imagerie médicale a fait apparaître une thrombose du pontage fémoro-poplité droit du patient qui a conduit à la réalisation d'une revascularisation par angioplastie à 16h30, soit plus de trente-six heures après l'admission aux urgences de l'intéressé, alors que l'expert relève qu'une ischémie aiguë, qui provoque un arrêt circulatoire, nécessite l'exécution impérative d'un geste chirurgical dans un délai rapide, la tolérance tissulaire étant de deux heures pour les nerfs et de six heures pour les muscles, même si la peau, plus tolérante, peut faussement rassurer le praticien à l'examen clinique. Il résulte de l'expertise ordonnée par la CRCI d'Auvergne que, si un examen écho-doppler n'était pas techniquement réalisable le dimanche au CHU de Clermont-Ferrand, les règles de l'art imposaient, eu égard à l'état de santé de M. B... lors de son admission, que soit pratiquée en urgence et dès le dimanche matin une artériographie, soit en salle de radiologie, soit, à défaut, par le chirurgien au bloc opératoire, même si la qualité technique est moins bonne, aux fins d'évaluer la nécessité de réaliser une revascularisation dès lors qu'un bref délai de prise en charge est impératif. Dans ces conditions, les erreurs dans la prise en charge de M. B... résultant du retard pris dans l'examen clinique du patient par le chirurgien vasculaire de garde, puis dans la réalisation d'une artériographie et d'un geste chirurgical, présentent le caractère de fautes médicales de nature à engager la responsabilité du CHU de Clermont-Ferrand.

7. En second lieu, d'une part, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. D'autre part, lorsqu'une pathologie prise en charge dans des conditions fautives a entraîné une détérioration de l'état du patient ou son décès, c'est seulement lorsqu'il peut être affirmé de manière certaine qu'une prise en charge adéquate n'aurait pas permis d'éviter ces conséquences que l'existence d'une perte de chance ouvrant droit à réparation peut être écartée.

8. Il est constant que l'évolution immédiate de l'état de santé du patient après l'intervention de revascularisation du 12 septembre 2011 a été marquée par une décompensation cardiaque réagissant favorablement au traitement médical et un aspect propre et coloré des aponévrotomies de décharge des trois loges musculaires qui avaient été réalisées lors de cette intervention, ce qui a permis l'autorisation du transfert de l'intéressé au centre hospitalier de Verviers le 20 septembre suivant. Toutefois, l'expert précise qu'est survenue, par la suite, une surinfection de ces aponévrotomies de la jambe droite, à l'origine, le 4 novembre 2011, d'un choc septique sévère, puis d'une nécrose de la loge antérieure de la jambe droite, qui a conduit le lendemain à son amputation.

9. Si le CHU de Clermont-Ferrand et son assureur font valoir que le lien entre le retard fautif de prise en charge du patient et l'amputation de la jambe droite de M. B... n'est pas établi dès lors que la nécrose à l'origine de l'amputation n'est pas survenue dans les suites immédiates de l'intervention du 12 septembre 2011 et que l'amputation n'a été pratiquée qu'après un délai de cinquante-quatre jours, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas de l'expertise ni d'aucun élément d'ordre médical produit, que ce délai permet, à lui seul, d'écarter tout lien entre la faute commise et le dommage. Au contraire, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la nécrose musculaire observée était de nature évolutive et que, même si elle a été ralentie par la thrombectomie et les aponévrotomies des loges musculaires réalisées lors du geste du 12 septembre 2011, cette nécrose évolutive est apparue dans les suites précoces de l'intervention, dont elle était la conséquence certaine et inévitable en raison du dépassement du délai de tolérance tissulaire entre la survenue de l'ischémie aigüe et la reperméabilisation artérielle. Ainsi, la faute commise en ne procédant pas rapidement à une intervention de revascularisation a compromis les chances de M. B... d'éviter l'amputation de sa jambe droite.

10. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la réalisation plus précoce d'un examen artériel puis d'une revascularisation n'aurait pas permis, de façon certaine, d'éviter l'amputation dès lors que, selon les données statistiques reprises par l'expert, la survenue d'une ischémie aiguë, même traitée chirurgicalement dans un délai de moins de six heures, s'accompagne d'une amputation dans 20 % des cas. En outre, comme le font valoir le CHU de Clermont-Ferrand et son assureur, et ainsi que l'a également relevé l'expert, le succès d'une intervention était également pour partie compromis par les antécédents du patient, lequel présentait une artérite sénile des membres inférieurs ayant déjà fait l'objet de plusieurs interventions au cours des années précédentes. Compte tenu notamment des indications données par l'expert, l'état antérieur de M. B... peut être regardé comme ayant concouru à l'amputation à hauteur de 30 %. Au vu de l'ensemble de ces éléments et eu égard, dans les circonstances propres à l'espèce, à l'incertitude relative du succès d'une intervention de revascularisation si celle-ci avait été pratiquée dans le délai exigé par les règles de l'art, la perte de chance subie par M. B... d'éviter l'amputation de sa jambe droite doit être évaluée à 50 %. Par suite, il y a lieu de condamner solidairement le CHU de Clermont-Ferrand et la SHAM à réparer la moitié des dommages résultant de l'amputation pratiquée le 5 novembre 2011.

Sur le préjudice indemnisable :

En ce qui concerne les droits de l'UNMN :

11. Aux termes de l'article 85 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale : " 1. Si une personne bénéficie de prestations en vertu de la législation d'un Etat membre pour un dommage résultant de faits survenus dans un autre Etat membre, les droits éventuels de l'institution débitrice à l'encontre du tiers tenu à la réparation du dommage sont réglés de la manière suivante : a) lorsque l'institution débitrice est subrogée, en vertu de la législation qu'elle applique, dans les droits que le bénéficiaire détient à l'égard du tiers, cette subrogation est reconnue par chaque Etat membre ; b) lorsque l'institution débitrice a un droit direct à l'égard du tiers, chaque Etat membre reconnaît ce droit ".

12. Il résulte du paragraphe 2 de l'article 136 de la loi belge du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, applicable au présent litige en vertu des dispositions du règlement européen citées au point précédent, que l'UNMN, organisme assureur de droit belge, est subrogé dans les droits de son affilié " à concurrence du montant des prestations octroyées, pour la totalité des sommes qui sont dues en vertu d'une législation belge, d'une législation étrangère ou du droit commun et qui réparent partiellement ou totalement le dommage " et bénéficie ainsi d'une subrogation préférentielle par rapport son affilié.

13. D'une part, l'UNMN produit sept relevés détaillant l'ensemble des dépenses de santé qu'elle a exposées au profit de M. B... à raison des soins rendus nécessaires par la surinfection des aponévrotomies puis l'amputation de sa jambe et dont le montant s'élève à la somme totale de 103 886,08 euros. Cet organisme social a en outre présenté une attestation d'imputabilité établie le 23 octobre 2018 par un médecin conseil certifiant que l'ensemble de ces débours sont en relation " directe et exclusive " avec la faute commise par le CHU de Clermont-Ferrand. Les circonstances alléguées par le CHU de Clermont-Ferrand et la SHAM selon lesquelles M. B... était âgé et souffrait d'une artérite préexistante, ne sont pas de nature à remettre en cause l'imputabilité à la seule faute des débours dont fait état l'UNMN.

14. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment du décompte produit à l'instance par l'ONIAM, que des frais journaliers, des dépenses de consultations et des frais pharmaceutiques en lien direct avec la faute que l'hôpital a commise sont restées à la charge de M. B..., avant la consolidation de son état de santé fixée au 2 juillet 2013, pour un montant total de 1 510,13 euros. L'ONIAM a indemnisé M. B... à ce titre à hauteur de la somme de 1 297,60 euros. En outre, M. B... a justifié de dépenses de santé postérieurement à la date de consolidation de son état, consistant en des séances de kinésithérapie, dont le montant resté à sa charge s'est élevé à la somme de 26,16 euros. Le montant des frais de médicaments, dont le traitement devait être poursuivi, resté à la charge de l'intéressé s'est élevé, au cours de l'année 2013, à la somme annuelle de 54,95 euros. Le décès de M. B... étant survenu le 5 novembre 2018, ces frais de médicaments peuvent être évalués à cinq fois 54,95 euros soit 274,75 euros, et les dépenses de santé en lien avec l'amputation et restées à sa charge postérieurement à la consolidation de son état se sont élevées à la somme de 300,91 euros. Les dépenses de santé restées à la charge de M. B... s'élèvent ainsi à la somme totale de 1811,04 euros.

15. L'indemnité susceptible d'être mise à la charge du CHU de Clermont-Ferrand et de la SHAM au titre des dépenses de santé doit, compte tenu du partage de responsabilité énoncé au point 10, être fixé à 50 % des sommes constituant ce poste de préjudice et énoncées aux points 13 et 14, soit 52 848,56 euros. Cette somme devant être attribuée par préférence à l'organisme de sécurité sociale belge conformément aux dispositions de l'article 136 de la loi belge du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, il y a lieu d'attribuer l'intégralité de la somme de 52 848,56 euros à l'UNMN.

En ce qui concerne les préjudices subis par M. B... pris en charge par l'ONIAM :

Quant aux préjudices patrimoniaux :

16. En premier lieu, M. B..., à raison de l'amputation de sa jambe droite, a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne évaluée par l'expert à deux heures par jour, sept jours sur sept. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que M. B... a séjourné dans un service de réadaptation fonctionnelle jusqu'au 25 février 2012, date à laquelle il a rejoint son domicile. Le coût d'une telle assistance, compte tenu de la moyenne du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales en Belgique entre 2012 et 2018, dont il n'apparaît pas qu'il soit sensiblement différent du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales en France, doit être fixé au taux horaire de 13,45 euros, porté à 15,19 euros afin de tenir compte des majorations de rémunération liées aux congés payés et au travail les dimanches et jours fériés. Compte tenu de ce taux horaire, d'un nombre total de 2 444 jours écoulés entre le 26 février 2012 et le 5 novembre 2018, date à laquelle est survenu le décès de M. B..., et donc d'un nombre 4 888 heures d'assistance entre ces deux dates, les frais échus au titre de l'assistance par une tierce personne s'établissent à la somme de 74 248,72 euros. Dès lors, compte tenu du taux de perte de chance, il y a lieu de faire droit à la demande présentée par l'ONIAM à ce titre à hauteur de la somme de 37 124,36 euros.

17. En deuxième lieu, il résulte des devis produits que le handicap de M. B... a rendu nécessaire l'adaptation du véhicule dont il disposait à la date de son amputation, entraînant un surcoût de 1 800 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, il y a lieu de faire droit à la demande de l'ONIAM à hauteur de la somme de 900 euros.

18. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 15 que, compte tenu de la priorité accordée par la loi belge à l'organisme de sécurité sociale, l'ONIAM n'est pas fondé à réclamer à être remboursé des sommes qu'il a versées à M. B... au titre des dépenses de santé restées à la charge de celui-ci.

Quant aux préjudices extrapatrimoniaux :

19. En premier lieu, il résulte des conclusions de l'expert que M. B... a subi un déficit fonctionnel temporaire total pendant la période de son hospitalisation, du 11 septembre 2011 au 25 février 2012, soit durant une période de 167 jours, puis de 40 % ensuite, jusqu'au 2 juillet 2013, soit durant une période de 492 jours. Toutefois, l'ischémie aigüe pour laquelle M. B... a été hospitalisé le 11 septembre 2011 au CHU de Clermont-Ferrand justifiait, par elle-même, eu égard en particulier à l'âge du patient et à ses antécédents artériels, une hospitalisation dont la durée peut être évaluée, en l'espèce, à quinze jours qu'il y a lieu de déduire de la période totale d'hospitalisation courant du 11 septembre 2011 au 25 février 2012. Dès lors, en tenant compte d'un taux journalier de 15,06 euros dont il n'est pas soutenu qu'il serait exagéré, le préjudice indemnisable à l'ONIAM et tenant au déficit fonctionnel temporaire subi par M. B... en lien direct avec la faute commise par le CHU de Clermont-Ferrand, doit être évalué, compte tenu du taux de perte de chance de 50 %, à la somme de 2 626,47 euros.

20. En deuxième lieu, les souffrances endurées par M. B... du fait de son amputation ont été estimées par le rapport d'expertise à 4 sur une échelle de 7. Le préjudice subi à ce titre peut être évalué, compte tenu du taux de perte de chance retenu, à la somme de 2 800 euros réclamée par l'ONIAM.

21. En troisième lieu, M. B..., né en 1927, a souffert, après consolidation, d'un déficit fonctionnel permanent lié à l'amputation de sa jambe de 40 %. Compte tenu à la fois de l'âge du patient à la date de consolidation de son état de santé et du taux de perte de chance retenu, il y a lieu d'accorder à l'ONIAM à ce titre la somme de 19 513 euros, qui n'est pas exagérée.

22. En quatrième lieu, le préjudice d'agrément subi par M. B... du fait de son amputation, qui a été dans l'impossibilité de poursuivre ses activités de loisirs, peut être évalué, en tenant compte du taux de perte de chance, à la somme de 2 150 euros.

23. En cinquième lieu, le préjudice esthétique permanent de M. B..., lié à l'amputation de la jambe droite et qui a été estimé par l'expert à 3 sur une échelle de 7, peut être évalué, en tenant compte du taux de perte de chance, à la somme de 1 750 euros.

24. Il résulte de ce qui précède et eu égard au montant global des conclusions indemnitaires présentées par l'ONIAM, que le CHU de Clermont-Ferrand et la SHAM doivent être condamnés solidairement à verser à l'ONIAM la somme de 57 477,39 euros.

En ce qui concerne les frais d'expertise exposés devant la CRCI d'Auvergne :

25. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l'article L. 426-1 du même code. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise ".

26. L'ONIAM justifie avoir supporté les frais de l'expertise diligentée dans le cadre de la procédure de règlement amiable devant la CRCI pour un montant de 700 euros. Ces frais, qui ne sont pas contestés par le CHU de Clermont-Ferrand et son assureur, ne font pas partie du préjudice patrimonial subi par M. B... mais constituent des dépenses que l'ONIAM a directement exposées. Dès lors, l'ONIAM est fondé à demander à être remboursé de l'intégralité de cette somme en application des dispositions précitées du quatrième alinéa l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Il y a lieu de mettre la somme de 700 euros à la charge solidaire du CHU de Clermont-Ferrand et de son assureur.

Sur la pénalité prévue par les dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique :

27. Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. ".

28. Il résulte de l'instruction que la SHAM a refusé de faire une offre d'indemnisation à M. B... alors que la CRCI d'Auvergne, en se fondant sur le rapport d'expertise, avait conclu à la responsabilité du CHU de Clermont-Ferrand à hauteur de 50 %. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le CHU de Clermont-Ferrand et la SHAM à verser à l'ONIAM une pénalité correspondant à 7 % de l'indemnité allouée au point 24 du présent arrêt, soit la somme de 4 023,42 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation :

29. L'UNMN a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 52 848,56 euros seulement à compter de la date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif de ses conclusions tendant au versement d'une indemnité, soit le 8 novembre 2018. La capitalisation des intérêts a été demandée le 8 novembre 2018. A cette date, il n'était pas dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, seulement à compter du 8 novembre 2019 et à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date.

30. L'ONIAM a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 57 477,39 euros et sur la somme de 700 euros à compter du 9 février 2017, date de réception par le CHU de Clermont-Ferrand de sa demande préalable. L'Office a demandé la capitalisation des intérêts le 15 février 2017, date à laquelle il a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Il y a lieu de faire droit à cette dernière demande à compter du 9 février 2018, date de la première échéance annuelle à compter de la date de réception de la réclamation préalable, ainsi qu'à chaque échéance annuelle suivante.

31. En revanche, les intérêts moratoires ont pour objet de compenser le retard au paiement d'une dette. Par suite, l'amende prévue au point 28, qui ne sera exigible qu'à la date de notification au CHU de Clermont-Ferrand et à la SHAM du présent arrêt, ne peut, en l'absence de retard de paiement, être majorée des intérêts demandés, ni des intérêts des intérêts.

Sur les frais liés au litige :

32. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du CHU de Clermont-Ferrand et de la SHAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'UNMN et non compris dans les dépens et une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'ONIAM au même titre.

33. L'UNMN et l'ONIAM demandent que ces sommes soient majorées des intérêts de droit. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il appartient au juge de déterminer la somme que la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, est condamnée à payer à l'autre partie ou, le cas échéant, pour des raisons tirées de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée, de dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. De ce fait, si la somme allouée à ce titre est productive d'intérêts à compter de l'intervention de la décision juridictionnelle qui l'accorde dans les conditions fixées par l'article 1231-7 du code civil, elle ne peut, eu égard à sa nature, ouvrir droit au paiement d'intérêts moratoires à une date antérieure à cette décision. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander que la somme qui leur est accordée par le présent arrêt soit majorée des intérêts de droit à compter de la date à laquelle ils ont présenté une demande préalable.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700332 du 6 mars 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : Le CHU de Clermont-Ferrand et la SHAM sont condamnés solidairement à verser à l'UNMN une somme de 52 848,56 euros au titre des débours qu'elle a exposés. Cette somme portera intérêts à compter du 8 novembre 2018. Les intérêts échus le 8 novembre 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le CHU de Clermont-Ferrand et la SHAM sont condamnés solidairement à verser à l'ONIAM une somme de 57 477,39 euros en réparation des sommes versées à M. B... et des frais d'expertise exposés par l'ONIAM devant la CRCI d'Auvergne. Cette somme portera intérêts à compter du 9 février 2017. Les intérêts échus le 9 février 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le CHU de Clermont-Ferrand et la SHAM verseront solidairement à l'ONIAM une pénalité de 4 023,42 euros en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.

Article 5 : Le CHU de Clermont-Ferrand et la SHAM verseront solidairement à l'UNMN et à l'ONIAM une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union nationale des mutualités neutres, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à la société Ethias.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

2

N° 19LY01678,19LY01679...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01678
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux - Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public - Diagnostic.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice - Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : NOLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-10;19ly01678 ?
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