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10/12/2020 | FRANCE | N°19LY00693

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 19LY00693


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 juillet 2016 par lequel le maire de la commune de Neuvecelle a retiré le permis de construire une maison individuelle au lieudit " Au-dessus du Chêne " qu'il lui avait accordé le 13 avril 2016, et a refusé l'autorisation de construire sollicitée.

Par un jugement n° 1604840 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par

une requête, enregistrée le 20 février 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 17 jui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 juillet 2016 par lequel le maire de la commune de Neuvecelle a retiré le permis de construire une maison individuelle au lieudit " Au-dessus du Chêne " qu'il lui avait accordé le 13 avril 2016, et a refusé l'autorisation de construire sollicitée.

Par un jugement n° 1604840 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 février 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 17 juillet 2020, qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représentée par la SELARL E... et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2016 ;

3°) d'enjoindre au maire de Neuvecelle de lui délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la commune de Neuvecelle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une irrégularité en s'abstenant de relever d'office la tardiveté du recours gracieux préfectoral ;

- le tribunal, en se fondant sur l'instabilité de la partie haute du terrain en cas d'éventuel débordement torrentiel, a irrégulièrement procédé à une substitution de motif ;

- au regard de la situation, des caractéristiques et de l'implantation de la construction projetée, le risque n'est pas avéré ; le motif retenu par le tribunal est infondé, ce qui entache le jugement d'une irrégularité ;

- le retrait, notifié le 13 juillet 2016, alors que le délai expirait le 12 juillet comme l'a indiqué la commune, est tardif au regard de l'article L. 425-5 du code de l'urbanisme ;

- ce retrait est intervenu au terme d'une procédure irrégulière : la procédure contradictoire prévue par le code des relations entre le public et l'administration a été privée de tout effet dans la mesure où, d'une part, la décision de retirer le permis était déjà actée au 21 juin 2016, d'autre part, le délai imparti pour présenter ses observations était insuffisant compte tenu de la nécessité de consulter des documents complémentaires pour contester le motif de retrait ;

- l'arrêté de retrait vise un permis d'aménager et non un permis de construire ; cette ambiguïté sur la décision réellement retirée l'a privée d'une garantie ;

- l'arrêté attaqué procède d'une inexacte application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; le projet n'est pas situé en zone d'aléa fort de glissement de terrain et de crues torrentielles (G3 et T3) de la carte des aléas réalisée dans le cadre de l'élaboration du dossier communal synthétique, mais en en zone d'aléa faible de glissement de terrain (G1), pour lequel la direction départementale des territoires préconise de fournir au pétitionnaire " une information sur la nature et l'intensité de l'aléa " ; le maire ne pouvait opposer un refus de permis de construire alors qu'un permis de construire assorti de prescriptions pouvait être délivré ou une étude sollicitée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2020, la commune de Neuvecelle, représentée par la SELARL Lex Publica, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de la tardiveté du recours gracieux du préfet est inopérant ;

- les autres moyens sont infondés ;

- en tout état de cause, elle est fondée à solliciter en appel une substitution de motif fondée sur le risque de débordement sur le terrain d'assiette du projet du Ruisseau de Forchez, dans une zone d'aléa fort de crues torrentielles.

La clôture de l'instruction a été fixée au 17 juillet 2020 par une ordonnance du 18 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... C..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Jean Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me E... pour Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Neuvecelle du 8 juillet 2016 portant retrait et refus de permis de construire une maison individuelle au lieudit " Au-dessus du Chêne ".

Sur la régularité du jugement :

2. Pour rejeter la demande de Mme A..., les premiers juges ont retenu que, contrairement à ce qu'énonçait le maire de Neuvecelle dans l'arrêté attaqué, le projet de construction ne se situait pas dans la zone d'aléa fort de type glissement de terrain (G3) et débordement torrentiel (T3), mais que la configuration des lieux est de nature à favoriser, lors de l'éventuelle survenance d'un débordement torrentiel, l'instabilité de la partie haute de ce terrain, par l'érosion qu'elle pourra provoquer. Ce faisant, ainsi que le soutient la requérante, le tribunal administratif a irrégulièrement procédé à une substitution de motifs que la commune de Neuvecelle n'avait pas sollicitée dans ses écritures de première instance. Dès lors, Mme A... est fondée à soutenir que le jugement est irrégulier et à en demander l'annulation.

3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de se prononcer immédiatement sur la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 juillet 2016 :

4. En premier lieu, en vertu de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, un permis de construire, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date à laquelle il a été pris.

5. Il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de Neuvecelle a délivré à Mme A... un permis de construire une maison individuelle par un arrêté du 13 avril 2016. Sur recours gracieux du préfet de la Haute-Savoie, le maire a, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, retiré, pour le refuser, ce permis de construire par un arrêté du 8 juillet 2016, notifié à Mme A... le 13 juillet 2016, soit dans le délai de trois mois que prescrit l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme qui expirait le même jour à 24 heures.

6. En deuxième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration que, exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable qui implique que ces décisions n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par ces dispositions constitue une garantie pour le titulaire du permis que l'autorité administrative entend rapporter.

7. Il ressort des pièces du dossier que l'objet du courrier adressé à Mme A... le 21 juin 2016, en dépit de sa rédaction maladroite, était d'informer l'intéressée que le maire de Neuvecelle envisageait de procéder au retrait du permis de construire dont elle était titulaire et de lui permettre de faire valoir ses observations. Mme A... a adressé des observations écrites par l'intermédiaire de son conseil le 5 juillet suivant, sans faire état de quelque difficulté pour obtenir des documents complémentaires nécessaires à sa réponse. La requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'arrêté de retrait a été pris en méconnaissance du contradictoire faute d'avoir disposé d'un délai suffisant et raisonnable pour rechercher des informations et présenter ses observations.

8. En troisième lieu, si l'arrêté en litige porte l'en-tête " retrait d'un permis d'aménager ", une telle mention doit être regardée comme résultant d'une simple erreur matérielle qui n'a eu aucune incidence sur sa légalité en l'absence d'ambiguïté sur la décision retirée, contrairement à ce que soutient Mme A..., dans la mesure où tant les visas que l'article 1er de cet arrêté font référence au permis de construire PC074 200 16 A0005 délivré le 13 avril 2016.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations "

10. Le dossier communal synthétique établi conjointement par les services de l'Etat et la commune de Neuvecelle, relatif à l'information préventive des populations sur les risques majeurs, révèle que le ruisseau du Forchez peut être l'objet de débordements torrentiels en cas de fortes pluies et être à l'origine de phénomènes d'érosion et d'instabilité des berges. Il ressort suffisamment de la carte des aléas réalisée dans le cadre de l'élaboration de ce document que la parcelle cadastrée AE n° 557, terrain d'assiette du projet de construction, est située en zone d'aléa fort de glissement de terrain de type G3 et de débordement torrentiel de type T3. Selon le courriel de la Direction départementale des territoires (DDT) du 1er août 2017, la carte des aléas a été établie sur fonds de carte IGN au 1/10000 et ne peut être lue à une autre échelle. Alors que le sérieux de ces explications n'est pas remis en cause par la seule circonstance que ce document a été produit par la commune dans l'instance pour étayer son argumentation, Mme A... n'établit pas que, comme elle le soutient, ce niveau d'aléa fort ne concernerait pas le haut du terrain d'assiette du projet, classé en zone UC, où doit s'implanter le projet, mais seulement la partie résiduelle de ce terrain, classée en zone N et en espace boisé classé. Dans ces conditions, compte tenu du risque avéré d'atteinte à la sécurité publique du fait de la situation du projet de construction, et même s'il s'implante à 10 mètres linéaires du ruisseau et 7 mètres de dénivelé au-dessus de ce dernier, l'arrêté du maire de Neuvecelle du 8 juillet 2016 portant retrait et refus de permis de construire ne procède pas d'une inexacte application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme cité au point 9.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de substitution de motifs formée en cause d'appel, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre l'arrêté du maire de Neuvecelle du 8 juillet 2016, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A... ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que Mme A... demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la commune de Neuvecelle, qui n'est pas partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement d'une somme quelconque au titre des frais exposés par la commune de Neuvecelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de la Mme A... devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus de ses conclusions en appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Neuvecelle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Neuvecelle.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Daniel Josserand-Jaillet, président de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme D... C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

N° 19LY00693

fp

N° 19LY00693


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00693
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Octroi du permis - Permis tacite - Retrait.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CAB PERSEA - DE VILLARD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-10;19ly00693 ?
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