Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le titre de recette n° 009.032057.510009.2016.10 émis à son encontre par la gendarmerie nationale, le 28 janvier 2016, pour paiement d'une somme de 15 399,83 euros correspondant au service d'ordre lors du " Superbike " de 2015, ensemble la mise en demeure du 28 novembre 2016 tendant au paiement de cette même somme assortie d'une majoration de 1 540 euros, et de la décharger du paiement de la somme de 16 939,83 euros.
Par un jugement n° 1702485 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 avril 2019 et le 31 août 2020, l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susmentionné n° 1702485 du 12 février 2019 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler le titre de recette susmentionné ;
3°) de la décharger du paiement de la somme de 15 399,83 euros à titre principal et de la somme de 1 540 euros à titre de majoration ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le titre de recettes contesté n'est pas suffisamment motivé en violation des dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012, les bases de liquidation de la créance n'étant pas suffisamment précises et compréhensibles ;
- il est infondé dès lors qu'il n'est pas prouvé que la manifestation en cause avait effectivement nécessité la mise en place de service d'ordre qui aurait excédé les obligations normales de la puissance publique pour assurer le maintien de l'ordre public ;
- le jugement contesté est entaché d'une erreur de fait dès lors que la manifestation en cause ne poursuit pas un but lucratif au sens de l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure et que l'élément selon lequel la manifestation en cause attirerait chaque année plusieurs dizaines de milliers de spectateurs ne figure pas au dossier ;
- le jugement contesté est entaché d'une erreur de droit dès lors que le caractère lucratif d'une manifestation sportive n'a pas pour conséquence d'entraîner une obligation systématique de remboursement des sommes engagées pour assurer le service public de l'ordre, le seul critère à prendre en compte étant celui du dépassement des obligations normales de la puissance publique, et que la circonstance que la manifestation en cause attirerait chaque année plusieurs dizaines de milliers de spectateurs ne suffit pas à considérer que les dépenses supplémentaires devaient être engagées pour assurer le service public de l'ordre et de la sécurité.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 août 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le moyen tiré de l'erreur de droit résultant de ce que le caractère lucratif d'une manifestation sportive emportait l'obligation de remboursement des services d'ordre est inopérant dès lors que les juges de première instance se sont bornés à déterminer les caractéristiques factuelles de l'évènement en cause, notamment son ampleur eu égard au nombre important de spectateurs qu'il attire, sans faire de son caractère lucratif une condition légale à l'application des dispositions de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure ;
- les autres moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 16 septembre 2020 par une ordonnance du 1er septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code du sport ;
- le décret n° 97-199 du 5 mars 1997 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- l'arrêté interministériel du 28 octobre 2010 fixant le montant des remboursements de certaines dépenses supportées par les forces de police et de gendarmerie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteur public ;
- les observations de Me A... pour l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre ;
Une note en délibéré, enregistrée le 20 novembre 2020, a été produite pour l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre organise chaque année une épreuve du championnat du monde moto " Superbike " sur le circuit de Nevers Magny-Cours. Pour l'épreuve de l'année 2015, qui s'est déroulée du 2 au 4 octobre, la gendarmerie nationale lui a adressé une facture en date du 27 novembre 2015 pour un montant de 15 399,83 euros relative au service d'ordre assuré lors de la manifestation. Par courrier du 4 janvier 2016, le président du Moto-club a informé le chef de la dépense militaire que, n'ayant pas sollicité la mise à disposition d'un service d'ordre et n'ayant pas signé de convention en ce sens au préalable, il ne réglerait pas cette facture. Le 28 novembre 2016, l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre a été mise en demeure de payer la somme de 15 399,83 euros assortie d'une majoration de 1 540 euros. L'association précitée a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 28 janvier 2016, ainsi que la mise en demeure de payer la somme de 15 399,83 euros assortie d'une majoration de 1 540 euros, et de prononcer la décharge des sommes correspondantes. Par un jugement n° 1702485 du 12 février 2019, dont l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre relève appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une créance ne peut être mise en recouvrement sans indiquer, soit dans le titre exécutoire lui-même, soit par référence précise à un document joint à celui-ci ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge des redevables.
3. Il résulte de l'instruction que le titre de perception contesté émis le 28 janvier 2016 mentionne que la créance a pour objet une facturation sur ordre de la direction générale de la gendarmerie nationale et fait état de la facture n° 15 331-B du 27 novembre 2015, d'une lettre de relance du 28 décembre 2015 et de la facture impayée pour un montant de 15 399,83 euros. Cette facture, qui est également mentionnée dans la lettre de relance du 28 décembre 2015 et la mise en demeure de payer du 28 novembre 2016, a été reçue par l'association requérante le 30 novembre 2015, ce qui est également attesté par son courrier de contestation du 4 janvier 2016. Ladite facture mentionnait les bases et les éléments de calcul de la créance litigieuse. Par suite, l'association appelante n'est pas fondée à soutenir que le titre de perception contesté méconnait les dispositions précitées de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012.
4. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure : " Les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif peuvent être tenus d'y assurer un service d'ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie. Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d'ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l'ordre sont tenues de rembourser à l'Etat les dépenses supplémentaires qu'il a supportées dans leur intérêt. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. ". L'article 1er du décret du 5 mars 1997 relatif au remboursement de certaines dépenses supportées par les forces de police et de gendarmerie prévoit : " Donnent lieu à remboursement à l'Etat les prestations suivantes exécutées par les forces de police et de gendarmerie dans les services d'ordre lorsqu'ils ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de sécurité et d'ordre publics : 1° L'affectation et la mise à disposition d'agents ; 2° Le déplacement, l'emploi et la mise à disposition de véhicules, de matériels ou d'équipements ; 3° Les prestations d'escortes. ". Selon l'article 4 du même décret : " Les modalités d'exécution techniques et financières du concours apporté par les forces de police et de gendarmerie sont préalablement déterminées par une convention conclue entre le représentant de l'Etat et les bénéficiaires de ces prestations. (...) ".
5. Il résulte des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure que l'obligation de remboursement des dépenses relatives aux services d'ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l'ordre, n'est pas subordonnée au caractère lucratif des manifestations pour lesquelles sont mis en place ces services. Par suite, le moyen tiré de ce que, contrairement aux motifs du jugement, l'association ne poursuit pas par l'organisation de la manifestation litigieuse un but lucratif, est inopérant.
6. En troisième lieu, le jugement contesté n'a pas fait, à son point 9, du caractère lucratif de la manifestation une obligation systématique de remboursement des prestations exécutées par les forces de police et de gendarmerie dans les services d'ordre, ni de la circonstance que la manifestation en cause attirerait chaque année plusieurs dizaines de milliers de spectateurs une circonstance suffisante pour considérer que des dépenses supplémentaires devaient être engagées pour assurer le service public de l'ordre et de la sécurité, mais seulement un critère permettant de déterminer que la manifestation en cause nécessite la mise en place de services de maintien de l'ordre dépassant les obligations normales incombant à la puissance publique en cette matière. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement contesté est entaché d'une erreur de droit.
7. En quatrième lieu, les premiers juges n'ont pas entendu faire peser sur l'association requérante la charge de prouver que la manifestation en cause avait effectivement nécessité la mise en place de prestations particulières qui auraient excédé les obligations normales de la puissance publique pour assurer le maintien de l'ordre public mais ont seulement mentionné les aspects leur permettant d'apprécier contradictoirement les éléments factuels dont ils disposaient. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement contesté est entaché d'une erreur de droit.
8. En cinquième et dernier lieu, les missions susceptibles de faire l'objet d'un remboursement sont les missions de service d'ordre, exécutées à l'occasion de l'événement, qui sont en lien avec la gestion ou la sécurisation des flux de population ou de circulation et la prévention des troubles à l'ordre public et directement imputables à l'événement.
9. En l'espèce, il résulte de l'instruction, en particulier d'une fiche de renseignement en date du 28 septembre 2015 et d'un article de presse publié le 30 septembre 2018 sur le site internet du journal du Centre (www.lejdc.fr), que chaque année l'affluence des spectateurs du Superbike est élevée. Ainsi, 74 514 spectateurs ont assisté à l'édition de 2014, 75 000 spectateurs répartis sur trois jours étaient attendus pour l'édition de 2015, et 61 434 spectateurs ont effectivement assisté au Superbike de 2015. Selon les propos du président du directoire du circuit de Nevers Magny-Cours relatés dans un article publié le 1er octobre 2015 sur le site internet de " La Montagne ", " le Superbike (SBK) attire 70 000 à 75 000 spectateurs sur trois jours et qu'il convient d'y ajouter entre 7 000 à 8 000 personnes ", qu'il s'agisse des personnalités invitées, des membres des équipes, des médias, des prestataires, et du personnel chargé de l'organisation. Le commandant du groupement de gendarmerie de la Nièvre a, le 6 août 2015, émis un avis favorable à cette manifestation pour l'année 2015 sous réserve de la signature d'une convention entre les organisateurs de la manifestation et la gendarmerie, en indiquant qu'en raison d'un afflux massif de spectateurs, il existait un risque de trouble à l'ordre et un risque de gêne à la circulation. La commission départementale de sécurité routière a, lors de sa séance du 3 septembre 2015, fait également état de la nécessité d'une convention avec la gendarmerie pour le maintien de l'ordre à proximité du circuit et la sécurité publique. Le 25 septembre 2015, le préfet de la Nièvre a indiqué que les années précédentes, l'engagement des forces de gendarmerie nécessaires pour garantir la sécurité publique et les flux de circulation aux abords du circuit, notamment sur les axes A77 et D58 permettant l'accès et le départ des spectateurs, lui a semblé parfaitement pertinent et adapté aux exigences de sécurité complémentaires. Il a estimé à cette occasion que la mise en service d'un poste provisoire de gendarmerie implanté sur les dépendance du circuit ainsi que les postes fixes implantés sur les ronds-points du CD 58 ont permis de prévenir la commission de faits délictueux, notamment d'atteintes aux biens ou aux personnes, et de prévenir les risques liés aux conduites dangereuses. C'est pourquoi il a demandé au président de l'association requérante de signer une convention préalable à l'engagement des forces de l'ordre. Le projet de convention prévoyait, suivant les préconisations d'une fiche de renseignement du 28 septembre 2015 des services de gendarmerie, la mobilisation de 99 personnels militaires, 31 véhicules de service, et 19 motos. Cette fiche fait apparaître que plusieurs infractions ont été constatées, dont 137 au code de la route. A l'occasion du Superbike 2015, le préfet de la Nièvre a, par un arrêté du 30 septembre 2015, réglementé la circulation et le stationnement des véhicules, en imposant des restrictions de circulation et de stationnement.
10. Ainsi, et comme le fait valoir le ministre de l'intérieur en défense, le nombre de spectateurs généré par la manifestation sportive litigieuse impliquait nécessairement un important déploiement des forces de l'ordre pour gérer et sécuriser les flux de population et de circulation et prévenir les troubles à l'ordre public, aux abords du circuit. Il convenait à cette fin de sécuriser les accès au circuit pour tenir compte d'un afflux de véhicules hors de proportion avec la circulation habituelle dans le secteur, nécessitant la mise ne place d'importances restrictions de circulation. Les éléments produits par l'appelante, en particulier un tableau faisant état de 17 218 spectateurs en accès grand public et 10 401 accueillis sur le parking permettant un hébergement sous tentes pour l'édition 2015 du Superbike et un autre document visé par France Billet mentionnant également 17 218 spectateurs pour cette même édition, dont 14 768 billets vendus et 2 450 invitations, ne permettent pas d'apporter une contestation sérieuse de l'ampleur de l'affluence. L'article de presse précité indique par ailleurs que l'accès à l'enceinte générale est gratuite pour les enfants de moins de 16 ans et ce alors que l'enceinte sportive du circuit de Nevers-Magny-Cours peut accueillir 139 112 spectateurs comme indiqué à l'annexe n° 4 de l'arrêté préfectoral d'homologation, et il n'est pas établi que France Billet serait la seule billetterie autorisée pour la manifestation litigieuse. Le procès-verbal de constat d'huissier de justice du 3 octobre 2015 fait état de l'absence visible de forces de police et de gendarmerie aux niveau des voies publiques et des parkings desservant la commune de Magny-Cours et situés aux abords du circuit, à l'exception de cinq ou six motos et d'une camionnette de la gendarmerie au niveau du rond-point Ouest de l'autoroute côté circuit. Il a cependant été réalisé sur une courte période, entre 10h15 et 11h00, et ne saurait dans ces conditions apporter une contestation sérieuse de la réalité du déploiement des forces de l'ordre pour cette manifestation, alors qu'aux heures des constatations, le circuit de Magny-Cours n'accueille pas de course mais des essais libres. Il en va de même du procès-verbal de constat du 30 septembre 2017, dressé en tout état de cause postérieurement à l'épreuve de l'année 2015, et de la circonstance que le circuit de Magny-Cours, situé à 1 km de la commune éponyme serait desservi directement à partir de l'autoroute. L'association requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le titre de perception contesté est infondé.
11. Il résulte de ce qui précède que l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
12. Ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre.
Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
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N° 19LY01517