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03/12/2020 | FRANCE | N°19LY00517

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 03 décembre 2020, 19LY00517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2012 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1606739 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrées le 8 février 2019, le 28 septembre 2019 et le 23 octobre 2019, M. D..., représenté par Me C..., d

emande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 décembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2012 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1606739 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrées le 8 février 2019, le 28 septembre 2019 et le 23 octobre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 décembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2012 et des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne cite pas la doctrine administrative sur laquelle le vérificateur s'est fondé, qu'elle n'explicite pas les motifs pour lesquels la SRL Nordydefisc NS n'est pas au nombre des associés admis par le IV de l'article 199 undecies C et qu'elle est entachée de contradictions ;

- les documents obtenus de tiers sur lesquels l'administration s'est fondée pour procéder aux redressements doivent lui être communiqués ;

- le IV de l'article 199 undecies C n'impose pas que l'intégralité du capital des sociétés civiles immobilières ayant réalisé l'investissement soit détenu par des personnes physiques mais uniquement par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts ;

- l'administration ne peut lui opposer les prévisions de l'instruction publiée le 1er juillet 2015 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-IR-RICI-380-20150701, dès lors qu'elles n'étaient pas applicables à la date du fait générateur de l'imposition en litige ;

- l'administration devait s'assurer que la SRL Nordydefisc NS, associée des SCI Cuba et Curaçao, n'était pas une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ;

- l'article 199 undecies C, qui prévoit que le produit de la souscription doit être intégralement investi dans les dix-huit mois suivant l'investissement, n'impose pas que l'investissement soit achevé dans ce délai ;

- ces dispositions n'ont pas été méconnues, dès lors que les SCI Cuba et Curaçao ont acquis un terrain, respectivement, le 9 décembre 2013 et le 19 décembre 2013 et qu'elles ont engagé des travaux de voirie et réseaux divers en 2013, pour des montants équivalent à 100 % du produit de la souscription.

Par des mémoires enregistrés le 15 juillet 2019 et le 8 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme G..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a acquis, le 30 novembre 2012, respectivement, 13 540 parts et 30 223 parts, d'une valeur unitaire d'un euro, de la SCI Curaçao et de la SCI Cuba, sociétés relevant de l'article 8 du code général des impôts qui ont pour objet la location de logements, et a bénéficié en conséquence de réductions d'impôt sur le revenu, au titre de l'année 2012, d'un montant de, respectivement, 16 654 euros et 37 174 euros, sur le fondement de l'article 199 undecies C du code général des impôts. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause ces réductions d'impôt, au motif, d'une part, que les associés de la SCI Curaçao et de la SCI Cuba ne remplissaient pas les conditions prévues au IV de l'article 199 undecies C, et, d'autre part, que le produit de la souscription au capital des sociétés n'avait pas été investi dans un délai de dix-huit mois suivant la clôture de la souscription. M. D... a, en conséquence, été assujetti à un complément d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012, assorti de l'intérêt de retard et de la majoration prévue par l'article 1758 A du code général des impôts. Il relève appel du jugement du 13 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs.

3. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 21 décembre 2015 adressée à M. D... mentionne l'impôt concerné, l'année d'imposition et la base imposable. Après avoir reproduit les dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts, elle rappelle que, dans le cas où l'investissement est réalisé par l'intermédiaire d'une société éligible, ces dispositions imposent que les parts ou actions soient exclusivement détenues par des personnes physiques domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts, dont la quote-part du revenu est soumise à l'impôt sur le revenu à leur nom, et expose les raisons pour lesquelles la SCI Curaçao et la SCI Cuba, dans le capital desquelles M. D... a souscrit, ne satisfont pas à cette condition, et, notamment, la circonstance qu'elles ont pour associée, outre sept personne physiques, une personne morale, la SRL Nordydefisc NS, imposée à l'impôt sur les sociétés. Enfin, elle précise les motifs pour lesquels elle estime que la condition tenant à l'investissement de 95 % du produit de la souscription des parts au capital des sociétés dans un délai de dix-huit mois suivant la clôture de la souscription n'est pas satisfaite, et, notamment, la circonstance que la SCI Curaçao et la SCI Cuba n'ont souscrit aucune déclaration de résultat ni de taxe sur la valeur ajoutée, ni produit aucun document justifiant le respect de cette condition, en dépit d'une demande qui leur a été adressée le 26 octobre 2015. Enfin, en mentionnant que la SRL Nordydefisc NS n'était pas au nombre des associés admis par le IV de l'article 199 undecies C, dès lors qu'il s'agit d'une personne morale, la proposition de rectification justifie suffisamment les raisons pour lesquelles les réductions d'impôt dont M. D... a bénéficié ont été remises en cause. Par suite, les précisions que comporte la proposition de rectification qui, contrairement à ce que soutient le requérant, n'est d'ailleurs entachée d'aucune contradiction de motifs, étaient suffisantes pour éclairer M. D... et lui permettre de discuter utilement le bien-fondé du redressement envisagé, ce qu'il a d'ailleurs fait en adressant au service le 16 février 2016 ses observations, auxquelles il a été répondu le 18 mars suivant. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification ne peut, par suite, qu'être écarté.

4. En second lieu, en se bornant à indiquer qu'il " réitère sa demande relative à la transmission de la totalité des documents obtenus de tiers sur lesquels les services fiscaux se sont fondés pour établir l'imposition ", M. D... ne peut être regardé, à défaut de toute précision, comme invoquant un quelconque moyen de droit. A supposer qu'il ait entendu invoquer la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il résulte de l'instruction, et, notamment des termes mêmes de la proposition de rectification du 21 décembre 2015 adressée à M. D..., que si l'administration a envoyé à la SCI Curaçao et à la SCI Cuba, le 26 octobre 2015, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, une demande invitant ces sociétés à produire tout document justifiant la réalité de leur activité locative ainsi que le respect de l'ensemble des conditions prévues à l'article 199 undecies C du code général des impôts, il est constant que ces sociétés se sont abstenues de répondre à cette demande et n'ont adressé à l'administration fiscale aucun document entrant dans le champ de ces dispositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article 199 undecies C du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I.-Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison de l'acquisition ou de la construction de logements neufs dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et dans les îles Wallis et Futuna (...) IV.-La réduction d'impôt est également acquise au titre des investissements réalisés par une société civile de placement immobilier régie par les articles L. 214-50 et suivants du code monétaire et financier ou par toute autre société mentionnée à l'article 8 du présent code, à l'exclusion des sociétés en participation, dont les parts ou les actions sont détenues, directement ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B, dont la quote-part du revenu de la société est soumise en leur nom à l'impôt sur le revenu, sous réserve des parts détenues par les sociétés d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux visées à l'article L. 481-1 du code de la construction et de l'habitation, conformément à l'article L. 472-1-9 du code de la construction et de l'habitation, par les sociétés d'habitations à loyer modéré. Dans ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société au titre de l'année au cours de laquelle les parts ou actions sont souscrites. (...) La réduction d'impôt (...) est subordonnée à la condition que 95 % de la souscription serve exclusivement à financer un investissement pour lequel les conditions d'application du présent article sont réunies. (...) Le produit de la souscription doit être intégralement investi dans les dix-huit mois qui suivent la clôture de celle-ci. " Ces dispositions font obstacle au bénéfice de la réduction d'impôt lorsque l'investissement est réalisé par une SCI non soumise à l'impôt sur les sociétés, détenue même partiellement par un contribuable qui n'est ni une personne physique ni une EURL dont l'associé est une personne physique.

6. En premier lieu, il est constant que les SCI Curaçao et Cuba ont pour associés, outre sept personnes physiques, la SRL Nordydefisc NS. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des extraits d'un site d'informations légales ainsi que de la fiche de situation dressée par le service des impôts des entreprises de Nanterre-Rueil, produits par l'administration, et qui ne sont pas contredits par le requérant, que la SRL Nordydefisc NS a été créée sous la forme d'une SARL et qu'elle est soumise à l'impôt sur les sociétés. Dans ces conditions, les sociétés dans le capital desquelles M. D... a souscrit ne satisfont pas la condition tenant à la détention exclusive de leur capital, directement ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B dont les revenus sont soumis en leur nom à l'impôt sur le revenu. Par suite, l'administration était fondée à remettre en cause, pour ce seul motif, le bénéfice des réductions d'impôt déclarées par le requérant au titre de l'année 2012.

7. En deuxième lieu, s'il est constant que les SCI Curaçao et Cuba ont acquis des terrains nus, respectivement, le 9 décembre 2013 et le 19 décembre 2013, il ne résulte pas de l'instruction, et, notamment, des factures du 5 mars 2013 et du 5 février 2014 établies par la SARL Osiris Invest, relatives à des travaux de viabilisation et de réseaux divers, dont la première ne fait état que d'un prix forfaitaire et la seconde ne comporte aucune précision sur la réalisation des travaux désignés, ni des contrats de délégation de créance conclus entre les SCI Curaçao et Cuba, la SARL Osiris Invest et la SARL Océane Finances le 10 décembre 2012, soit avant l'acquisition des terrains en cause, ni encore des relevés de comptes des SCI Curaçao et Cuba auprès d'une étude notariale établis le 19 septembre 2019 pour la période du 21 décembre 2012 au 24 janvier 2019, qui ne mentionnent que les frais d'acquisition par ces sociétés de ces terrains, que le produit de la souscription de M. D... au capital des SCI Curaçao et Cuba aurait été effectivement investi dans le délai de dix-huit mois qui a suivi la clôture de la souscription, le 30 novembre 2012.

8. Enfin, pour remettre en cause les réductions d'impôt déclarées par M. D... au titre de l'année 2012, l'administration s'est fondée sur la loi fiscale, et non sur la doctrine administrative. Par suite, le moyen tiré de ce que l'instruction publiée le 1er juillet 2015 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-IR-RICI-380-20150701 n'était pas applicable au titre de l'année 2012 est inopérant.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme B..., présidente-assesseure,

Mme H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.

2

N° 19LY00517

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00517
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : POMEON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-03;19ly00517 ?
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