Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 2 décembre 2019 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit, le cas échéant d'office, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la lecture du jugement, de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros qui sera versée à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1908431 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 avril 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1908431 du 12 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 2 décembre 2019 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit, le cas échéant d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la lecture du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
- la décision est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 28 avril 1976, est entré en France le 12 septembre 2013 sous couvert d'un visa de court séjour et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis cette date. Il a sollicité, le 13 décembre 2018, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le 2 décembre 2019, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la reconduite. M. A... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision contestée, qui énonce de manière précise et circonstanciée les motifs de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le préfet pour refuser d'admettre au séjour M. A..., est suffisamment motivée.
3. En deuxième lieu, ayant épousé une compatriote algérienne résidant régulièrement en France, M. A... est au nombre des étrangers relevant du regroupement familial et ne saurait, dès lors, se prévaloir utilement des dispositions du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. A... se prévaut de la durée de son séjour en France, de son mariage avec une compatriote titulaire d'une carte de résident de dix ans, avec laquelle il vit depuis septembre 2013 et de la naissance de deux enfants issus de cette union. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale. Si M. A... se prévaut de son mariage avec une compatriote le 14 novembre 2015, rien ne fait obstacle, eu égard à leur nationalité commune et alors au demeurant que son épouse n'exerçait pas d'activité professionnelle en France à la date de la décision attaquée, à ce qu'ils poursuivent leur vie en Algérie, pays dans lequel l'intéressé a vécu pour l'essentiel et où il n'établit pas être dénué d'attaches privées et familiales. En outre, le requérant ne justifie pas d'une intégration particulière, notamment professionnelle, en France. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de M. A..., le préfet, en adoptant la décision attaquée, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, doit être écarté le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
6. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... et son épouse ne pourraient poursuivre leur vie familiale en Algérie, pays dont ils ont tous les deux la nationalité, avec leurs enfants âgés, pour l'un, d'un peu moins de cinq ans et, pour l'autre, de trois ans, à la date de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions que si l'obligation de quitter le territoire français doit, comme telle, être motivée, la motivation de cette mesure, lorsqu'elle est édictée à la suite d'un refus de titre de séjour, se confond alors avec celle de ce refus et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation. Les décisions attaquées, portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, visent les textes applicables et notamment le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision refusant à l'intéressé un titre de séjour étant, ainsi qu'il a été dit au point 2, suffisamment motivée, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
10. En deuxième lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
11. En troisième lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés aux points 4 à 7, les moyens tirés de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé, doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
12. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, M. A... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
13. En second lieu, la décision fixant le pays de renvoi, qui n'a, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, ni pour objet ni pour effet de séparer M. A... de ses enfants, n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 novembre 2020.
2
N° 20LY01262