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19/11/2020 | FRANCE | N°19LY01730

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 19 novembre 2020, 19LY01730


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 juillet 2018 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté son recours administratif préalable contre la décision du 13 avril 2018 lui interdisant l'accès au site du centre nucléaire de production d'énergie de Saint-Laurent-des-Eaux, d'enjoindre au ministre de la transition écologique et solidaire de l'autoriser à accéder à ce site et de mettre à la charge de l'Etat

au profit de son conseil une somme de 2 500 euros en application de l'articl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 juillet 2018 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté son recours administratif préalable contre la décision du 13 avril 2018 lui interdisant l'accès au site du centre nucléaire de production d'énergie de Saint-Laurent-des-Eaux, d'enjoindre au ministre de la transition écologique et solidaire de l'autoriser à accéder à ce site et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1803079 du 1er mars 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mai 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803079 du 1er mars 2019 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et solidaire de l'autoriser à accéder au site du centre nucléaire de production d'énergie de Saint-Laurent-des-Eaux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration alors que les motifs de cette décision, qui repose sur des faits qui le concernent, auraient dû lui être indiqués, fussent-ils couverts par un secret ;

- le ministre n'a pas apprécié la pertinence des motifs ayant conduit à ce qu'il fasse l'objet d'inscriptions dans ces fichiers ;

- les mentions figurant au fichier de traitement des antécédents judiciaires concernent des faits anciens et étrangers à la sûreté de l'Etat ;

- les éléments figurant dans la note blanche du service central du renseignement territorial ne sont pas fondés ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par décision du 24 mai 2019, la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C... a été rejetée au motif que l'action projetée était manifestement dépourvue de chances raisonnables de succès.

Par ordonnance du 27 juin 2019, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté le recours formé par M. C... contre la décision de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2007-914 du 15 mai 2007 ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., technicien spécialisé dans le domaine nucléaire, a été recruté le 12 mars 2018 par la société Bureau Veritas France pour exercer des fonctions d'inspecteur des équipements sous pression qu'il avait notamment vocation à exercer au sein du centre nucléaire de production d'électricité de Saint-Laurent-des-Eaux. A l'occasion de l'instruction de sa demande d'autorisation d'accès à ce centre, il s'est vu opposer, par décision du chef du service de l'accueil et de la protection du site, prise le 13 avril 2018, après un avis défavorable du préfet du Loir-et-Cher, un refus d'accès. Le recours préalable obligatoire qu'il a exercé, le 23 mai 2018, devant le ministre de la transition écologique, dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 1332-33 du code de la défense, a été rejeté par une décision du 27 juillet 2018. M. C... relève appel du jugement du 1er mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre a rejeté ce recours administratif.

2. En premier lieu, d'une part, les centres nucléaires de production d'électricité constituent, selon les dispositions combinées des articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense et L. 593-1 du code de l'environnement, des installations et ouvrages d'importance vitale dont la protection est régie par les dispositions des articles L. 1332-1 et suivants du code de la défense. Aux termes de l'article L. 1332-2-1 de ce code : " L'accès à tout ou partie des établissements, installations et ouvrages désignés en application du présent chapitre est autorisé par l'opérateur qui peut demander l'avis de l'autorité administrative compétente dans les conditions et selon les modalités définies par décret en Conseil d'Etat. L'avis est rendu à la suite d'une enquête administrative qui peut donner lieu à la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. La personne concernée est informée de l'enquête administrative dont elle fait l'objet ". Aux termes de l'article R. 1332-22-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Avant d'autoriser l'accès d'une personne physique ou morale à tout ou partie d'un point d'importance vitale qu'il gère ou utilise, l'opérateur d'importance vitale peut demander par écrit l'avis du préfet de département dans le ressort duquel se situe le point d'importance vitale ou, pour les opérateurs d'importance vitale relevant du ministre de la défense, l'avis de celui-ci. Cette demande peut justifier que soit diligentée sous le contrôle de l'autorité concernée une enquête administrative destinée à vérifier que les caractéristiques de la personne physique ou morale intéressée ne sont pas incompatibles avec l'accès envisagé et pouvant donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. La demande d'avis mentionnée aux alinéas précédents concerne l'accès aux parties des points d'importance vitale déterminées à cette fin dans les plans particuliers de protection ". Aux termes de l'article R. 1332-33 de ce code : " Préalablement à l'introduction d'un recours contentieux contre tout acte administratif pris en application du présent chapitre, à l'exception de la décision mentionnée au II de l'article R. 1332-26 ou de toute décision mentionnée à la section 7 bis du présent chapitre, le requérant adresse un recours administratif au ministre coordonnateur du secteur d'activités dont il relève. Le ministre statue dans un délai de deux mois. En l'absence de décision à l'expiration de ce délai, le recours est réputé être rejeté ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes de l'article L. 311-5 du même code : " Ne sont pas communicables : (...) 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : (...) d) A la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d'information des administrations (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 ci-dessus que la décision par laquelle le ministre compétent refuse, sur le fondement de l'article R. 1332-33 du code de la défense, de faire droit au recours administratif préalable à la décision d'un opérateur d'importance vitale refusant d'autoriser l'accès d'une personne à un point d'importance vitale qu'il gère ou utilise, constitue un refus d'autorisation au sens du 7° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, sauf à ce que la communication de ses motifs soit de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 du même code, une telle décision doit être motivée.

5. Aux termes de l'article 1er du décret du 15 mai 2007 pris pour l'application du I de l'article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " Relèvent des dispositions du dernier alinéa du I de l'article 30 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée les traitements automatisés de données à caractère personnel intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique autorisés par les actes réglementaires suivants : (...) 12. Décret portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé FSPRT ; (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées : " (...) III. - Peuvent être inscrits dans le fichier à la demande des autorités administratives compétentes : (...) 8° Les personnes faisant l'objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 236-11 du code de la sécurité intérieure : " Le ministre de l'intérieur (direction générale de la police nationale) est autorisé à mettre en oeuvre un traitement de données à caractère personnel dénommé " Prévention des atteintes à la sécurité publique ", ayant pour finalité de recueillir, de conserver et d'analyser les informations qui concernent des personnes dont l'activité individuelle ou collective indique qu'elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique. Ce traitement a notamment pour finalité de recueillir, de conserver et d'analyser les informations qui concernent les personnes susceptibles de prendre part à des activités terroristes ou d'être impliquées dans des actions de violence collectives, en particulier en milieu urbain ou à l'occasion de manifestations sportives ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour prendre la décision attaquée, le ministre de la transition écologique et solidaire s'est fondé sur une enquête administrative diligentée par le commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire qui a émis un avis défavorable au vu, notamment, de mentions concernant M. C... et issues de traitements automatisés de données à caractère personnel, au nombre desquels figurent le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste ainsi que le fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique, et de l'inscription de l'intéressé au fichier des personnes recherchées sur le fondement des dispositions précitées du 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010. Eu égard aux finalités de ces traitements automatisés telles qu'elles résultent des dispositions réglementaires citées au point 5 et à la nature des mentions qu'ils comportent, la communication des motifs de la décision contestée, alors même qu'ils concerneraient l'intéressé lui-même, est de nature à porter atteinte aux intérêts liés à la sûreté de l'Etat et à la sécurité publique, protégés par les dispositions du d) du 2° de l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors, la décision contestée n'avait pas à être motivée.

7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'enquête administrative réalisée le 18 juillet 2019 par le commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire et d'une note blanche du 14 février 2019 du service central du renseignement territorial, produites en première instance par le ministre de la transition écologique et solidaire, que M. C... pratique un islam rigoriste, comme son épouse, dont il ne conçoit pas qu'elle ne porte pas un " jilbab ", que tous deux refusent de serrer la main de personnes du sexe opposé et que leurs enfants ont été déscolarisés pour suivre des cours par correspondance. En outre, M. C... est inscrit au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, au fichier des personnes recherchées pour des données intéressant la sûreté de l'Etat ainsi qu'au fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique. Si M. C..., qui ne conteste pas sérieusement les autres éléments dont le ministre fait état, soutient que ses enfants ont été déscolarisés pour permettre à sa famille de le suivre lors de ses déplacements professionnels, il ne l'établit pas alors, au demeurant, qu'il produit lui-même une attestation de déclaration d'instruction par la famille, établie le 20 août 2018, à une date à laquelle il était sans emploi.

8. Les éléments, ainsi mentionnés contenus dans ces notes et relatifs à des faits antérieurs ou concomitants à l'intervention de la décision en litige, qui ne sont pas contredits par les seules attestations produites émanant de membres de la famille de l'intéressé ou de ses proches, sont suffisamment précis pour caractériser l'incompatibilité du comportement de M. C..., qui exerce les fonctions d'inspecteur des équipements sous pression dans le domaine nucléaire nécessitant d'accéder notamment au centre nucléaire de production d'électricité de Saint-Laurent-des-Eaux, alors même qu'il possède un casier judiciaire vierge. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre se serait fondé, pour prendre la décision contestée, sur l'inscription de M. C... au traitement des antécédents judiciaires pour des faits anciens remontant à 1997 et 1998. Dans ces conditions, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation la décision en litige confirmant, sur recours administratif préalable obligatoire, le refus d'accès à ce centre opposé à l'intéressé.

9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 novembre 2020.

2

N° 19LY01730


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01730
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : IDCHAR YOUCEF

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-19;19ly01730 ?
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