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12/11/2020 | FRANCE | N°19LY00093

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 12 novembre 2020, 19LY00093


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Allianz IARD a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Billom à lui rembourser la somme de 201 326 euros versée à son client, M. D... E..., au titre de l'indemnisation de son préjudice consécutif à un accident survenu le 17 août 2007, assortie des intérêts légaux. La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy-de-Dôme a demandé que la commune de Billom et son assureur, la société Axa France IARD, soient condamnés à lui rembourser la somme de 383

276,80 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts légaux et leur capita...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Allianz IARD a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Billom à lui rembourser la somme de 201 326 euros versée à son client, M. D... E..., au titre de l'indemnisation de son préjudice consécutif à un accident survenu le 17 août 2007, assortie des intérêts légaux. La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy-de-Dôme a demandé que la commune de Billom et son assureur, la société Axa France IARD, soient condamnés à lui rembourser la somme de 383 276,80 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts légaux et leur capitalisation.

Par un jugement n° 1600637 du 22 novembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions de la société Allianz IARD, a condamné la commune de Billom et la société Axa France IARD à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 61 098,29 euros assortie des intérêts légaux à compter du 21 juin 2016 et leur capitalisation à compter du 21 juin 2017 et pour chaque échéance annuelle, le versement d'une rente annuelle d'un montant de 4 685,63 euros au titre des arrérages à venir d'une rente d'accident du travail versée à M. E..., une indemnité forfaitaire de gestion de 1 066 euros assortie des intérêts légaux et la somme de 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 11 janvier 2019, sous le n° 19LY00093, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, représentée par Me Nolot, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1600637 du 22 novembre 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de condamner solidairement la commune de Billom et la société Axa France IARD à lui rembourser la somme de 103 458,39 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2016 et leur capitalisation ;

3°) de condamner solidairement la commune de Billom et la société Axa France IARD à lui verser une rente annuelle de 4 685,63 euros à compter du 22 novembre 2018, revalorisée par application de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale ;

4°) de condamner la commune de Billom et la société Axa France IARD à lui verser la somme de 1 080 euros en application de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale et celle de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a soustrait sans raison et sans motivation des frais médicaux d'un montant de 1 986,21 euros pourtant mentionnés dans le relevé des débours et visés par l'attestation d'imputabilité du médecin conseil de la caisse ;

- le tribunal n'a pas repris dans le chiffrage final le montant des arrérages échus de la rente d'accident de travail versée à la victime du 12 février 2010 au 22 novembre 2018 pour un montant de 41 389,82 euros.

Par trois mémoires, enregistrés les 28 mars, 25 juin et 25 septembre 2019, la société Allianz IARD, représentée par Me Dechezleprêtre, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement attaqué ;

2°) de condamner la commune de Billom et la société Axa France IARD à lui rembourser la somme de 201 326 euros versée à son client, M. E..., assortie des intérêts légaux à compter du 20 janvier 2016 et leur capitalisation ; à titre subsidiaire de condamner la commune de Billom et la société Axa France IARD à lui verser la somme de 150 665 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 20 janvier 2016 et leur capitalisation ;

3°) de condamner la commune de Billom aux dépens de première instance et au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la subrogation légale en application de l'article L. 121-12 du code des assurances est valable dès lors qu'en exécution du contrat d'assurance souscrit par M. E... le 17 avril 2007, elle lui a versé la somme totale de 201 326 euros comme en attestent plusieurs procès-verbaux de transaction signés par l'intéressé ; si ce contrat comportait une exclusion de garantie pour les conducteurs sous l'emprise d'un stupéfiant en lien avec l'accident, tel n'était pas le cas de M. E... comme l'a relevé le jugement attaqué ;

- le tribunal a rejeté à tort sa demande pour absence de production d'éléments permettant d'évaluer les préjudices subis par son client alors qu'elle a communiqué dès la requête le certificat médical initial du 21 août 2007 et un rapport d'expertise médicale du 12 avril 2010 puis d'autres rapports d'expertise la veille de l'audience ; le tribunal disposait également du relevé des débours de la caisse primaire d'assurance maladie attestant de la lourdeur des séquelles avec un taux d'incapacité permanente partielle de 70 % au titre de la rente accident du travail ; l'indemnité allouée à la victime correspond à l'évaluation médicale effectuée et à l'application du barème de la cour d'appel de Lyon de 2007 ;

- la responsabilité de la commune est engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public tenant à la présence non signalée d'une excavation importante sur la chaussée de la voie communale ; la faute de la victime n'est pas établie dès lors qu'il n'était pas sous l'emprise d'un stupéfiant qu'il avait pris au plus tôt quatre heures avant l'accident et qui n'a laissé que des traces inactives, qu'il n'est pas justifié d'une conduite imprudente ou avec une vitesse excessive et que l'intéressé a démenti que son casque n'était pas conforme, la boucle ayant été arrachée lors du choc ; si la faute de la victime était retenue, elle ne devrait porter que sur le quart, et non la moitié, des conséquences dommageables subies.

Par deux mémoires, enregistrés les 26 mars et 28 août 2019, la commune de Billom et la société Axa France IARD, représentées par Me Poulet, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement attaqué ;

2°) de rejeter les conclusions de la société Allianz IARD et de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme ;

3°) de condamner la société Allianz IARD à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les conclusions de la société Allianz sont irrecevables en l'absence de preuve d'une subrogation valable dès lors qu'aucune quittance subrogative n'est produite et que l'intéressée ne pouvait indemniser son client en raison d'une exclusion de garantie visant les conducteurs sous l'emprise de stupéfiant ;

- la faute de la victime est totalement exonératoire de l'éventuelle responsabilité de la commune pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public car M. E... connaissait les lieux faisant partie de son trajet domicile travail depuis plus d'un mois, a conduit trop vite et imprudemment lors du croisement d'un autre véhicule, circulait avec un casque non conforme et était sous l'empire d'un stupéfiant ;

- en cas de partage de responsabilité, celle de la commune devrait être ramenée à un quart des préjudices subis par la victime ;

- les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme seront rejetées compte tenu de l'irrecevabilité des conclusions de la société Allianz IARD, sinon elles devront être réduites en fonction du partage de responsabilité retenu.

II - Par une requête et trois mémoires complémentaires, enregistrés les 16 janvier, 28 mars, 25 juin et 25 septembre 2019, sous le n° 19LY00185, la société Allianz IARD, représentée par Me Dechezleprêtre, avocat, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1600637 du 22 novembre 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de condamner la commune de Billom et la société Axa France IARD à lui rembourser la somme de 201 326 euros versée à son client, M. E..., assortie des intérêts légaux à compter du 20 janvier 2016 et leur capitalisation ; à titre subsidiaire de condamner la commune de Billom et la société Axa France IARD à lui verser la somme de 150 665 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 20 janvier 2016 et leur capitalisation ;

3°) de condamner la commune de Billom aux dépens de première instance et au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend les mêmes moyens que dans l'instance n° 19LY00093.

Par un mémoire enregistré le 13 juin 2019, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, représentée par Me Nolot, avocat, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement attaqué ;

2°) de condamner solidairement la commune de Billom et la société Axa France IARD à lui rembourser la somme de 103 458,39 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2016 et leur capitalisation ;

3°) de condamner solidairement la commune de Billom et la société Axa France IARD à lui verser une rente annuelle de 4 685,63 euros à compter du 22 novembre 2018, revalorisée par application de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale ;

4°) de condamner la commune de Billom et la société Axa France IARD à lui verser la somme de 1 080 euros en application de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale et celle de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend les mêmes moyens que dans l'instance n° 19LY00093.

Par deux mémoires, enregistrés les 26 mars et 28 août 2019, la commune de Billom et la société Axa France IARD, représentées par Me Poulet, avocat, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement attaqué ;

2°) de rejeter les conclusions de la société Alllianz IARD et de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme ;

3°) de condamner la société Alllianz IARD à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles reprennent les mêmes moyens que dans l'instance n° 19LY00093.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de la route ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour la société Allianz IARD ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 août 2007, vers 14 heures, M. D... E... a été victime d'un accident sur la voie publique alors qu'il conduisait un scooter sur un chemin communal de la commune de Billom. La société Allianz IARD, venant aux droits de la société AGF, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Billom à lui rembourser la somme de 201 326 euros qu'elle soutient avoir versée à M. E... au titre d'un contrat d'assurance. La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme a demandé le remboursement des débours exposés pour M. E... à la commune de Billom et son assureur, la société Axa France IARD, à hauteur de 383 276,80 euros. Par jugement du 22 novembre 2018, sous le n° 1600637, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions indemnitaires de la société Allianz IARD et condamné la commune de Billom et son assureur, la société Axa France IARD, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 61 098,29 euros et une rente annuelle de 4 685,63 euros. Par une requête enregistrée le 11 janvier 2019, sous le n° 19LY00093, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme demande la réformation du jugement et le remboursement de ses débours à hauteur de 103 458,39 euros ; par sa requête n° 19LY00185, enregistrée le 16 janvier suivant, la société Allianz IARD demande l'annulation totale du jugement et la condamnation de la commune de Billom à lui verser la somme de 201 326 euros avec intérêts courant à compter du 20 janvier 2016 et leur capitalisation. La commune de Billom et la société Axa France IARD demandent, par voie de conclusions incidentes, l'annulation du jugement et le rejet des conclusions dirigées contre elles. Les requêtes nos 19LY00093 et 19LY00185 présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et par la société Allianz IARD présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les irrecevabilités soulevées en défense :

2. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. ". La subrogation légale de l'assureur dans les droits et actions de l'assuré est subordonnée au seul paiement à l'assuré de l'indemnité d'assurance en exécution du contrat d'assurance et ce, dans la limite de la somme versée.

3. D'une part, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, les procès-verbaux de transaction des 20 février 2010, 14 avril 2010, 18 novembre 2010 et 19 janvier 2013, produits par la société Allianz IARD, indiquant le versement des sommes de respectivement 5 000, 15 000, 31 326 et 150 000 euros à M. E... qui les a signés, au titre des garanties comprises dans un contrat d'assurance de son véhicule passé le 17 avril 2007, également produit aux débats, constituent des quittances subrogatoires établissant que la société Allianz IARD est subrogée dans les droits de son assuré à hauteur des sommes versées, soit 201 326 euros.

4. D'autre part, si les défendeurs font valoir que les conditions générales des garanties conducteur du contrat d'assurance prévoient une exclusion de garantie lorsque le conducteur est sous l'emprise de stupéfiants non prescrits médicalement alors que, lors d'un test sanguin effectué sur M. E... deux heures après l'accident, des traces de cannabis ont été relevées, le tiers à un contrat d'assurance ne peut utilement se prévaloir de clauses d'un tel contrat, lesquelles ne sont opposables qu'entre les cocontractants, pour contester la subrogation légale intervenue en application de l'article L. 121-12 du code des assurances.

5. Il découle de ce qui précède que la commune de Billom et la société Axa France IARD ne sont pas fondées à soutenir que les conclusions indemnitaires présentées par la société Allianz IARD seraient irrecevables pour absence de subrogation aux droits de son assuré.

Sur le principe de la responsabilité :

6. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

7. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de la gendarmerie nationale dressé le 10 octobre 2007, que l'accident dont a été victime M. E... a pour cause déterminante la présence d'un trou large (1,6 mètre sur 1,2 mètre) et profond (de 12 à 15 centimètres) au milieu de la chaussée d'un chemin communal de la commune de Billom qui lui a fait perdre le contrôle de son scooter. La commune défenderesse ne conteste pas sérieusement que la présence de ce trou, lequel avait fait l'objet de plusieurs signalements de la part d'usagers, sur la chaussée d'une voie publique lui appartenant, constitue un défaut d'entretien normal, dès lors que ce nid-de-poule, de par ces dimensions, excède les obstacles ou défectuosités que les usagers de la voie publique, et en particulier les conducteurs de véhicules à deux roues, doivent normalement s'attendre à rencontrer. Par suite, la responsabilité de la commune de Billom est susceptible d'être engagée pour dommage de travaux publics.

8. La commune de Billom et son assureur opposent toutefois la faute de la victime qu'ils estiment totalement exonératoire de leur propre responsabilité. S'ils soutiennent d'abord que la victime aurait roulé avec une vitesse excessive ou avec imprudence lors du croisement d'un automobile arrivant en face, ils n'apportent aucun commencement de preuve. En revanche, il résulte de l'instruction que si M. E... portait un casque au moment de l'accident, celui-ci n'était pas correctement attaché dès lors qu'il a été aisément arraché lors du choc et que les gendarmes ont constaté l'absence de boucle de fermeture de la jugulaire, en méconnaissance de l'article R. 431-61 du code de la route. Un contrôle sanguin effectué sur M. E... le 17 août 2007 vers 16 heures a révélé que ce dernier avait consommé du cannabis de 6 à 24 heures auparavant. Si, comme l'a retenu le tribunal administratif, une attestation du 10 janvier 2008 du biologiste du service de pharmacologie et toxicologie du centre hospitalier universitaire de Limoges chargé du test sanguin indique que la prise de cannabis ne serait pas responsable, parce que non psychoactif, de la survenue d'effets toxiques, cette seule attestation ne saurait suffire à établir l'absence totale d'effets sur la victime, compte tenu de l'incertitude sur la date et heure exactes de la consommation du cannabis, et alors que M. E... a été condamné pour conduite après prise de stupéfiant en violation de l'article L. 235-1 du code de la route selon jugement du tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand du 28 août 2008. Par ailleurs, il est constant que l'accident a eu lieu en plein jour et sur un trajet que la victime connaissait, dès lors qu'il l'empruntait régulièrement pour rejoindre son travail depuis un peu plus d'un mois. Dans ces conditions, la commune de Billom et la société Axa France IARD sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a laissé la moitié des conséquences dommageables de l'accident à leur charge. Il sera fait une juste appréciation de la faute de la victime en laissant à sa charge les trois quarts des conséquences dommageables de son accident.

9. Il découle de ce qui précède que la commune de Billom, et son assureur la société Axa France IARD, sont solidairement responsables à hauteur du quart des préjudices invoqués par la société Allianz IARD et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Sur les conclusions de la société Allianz IARD :

10. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions indemnitaires de la société Allianz IARD en se fondant sur l'absence de production d'éléments de nature à lui permettre d'évaluer les préjudices consécutifs à l'accident du 17 août 2007, ce malgré une mesure d'instruction en ce sens effectuée le 10 septembre 2018. Toutefois, il résulte de l'instruction que, dès la requête introductive d'instance devant lui, la société Allianz IARD a produit les procès-verbaux de transaction des 20 février et 14 avril 2010, visant notamment une expertise médicale amiable du 12 avril 2010 et indiquant les éléments de la liquidation de la créance de M. E... comprenant l'assistance par tierce personne à raison de trois heures par semaine évaluée à 27 245,40 euros, le déficit fonctionnel temporaire pour 7 080 euros, les souffrances endurées évaluées à 4/7 pour 7 500 euros, le préjudice esthétique évalué à 3/7 pour 4 500 euros, le préjudice d'agrément établi à 5 000 euros, le déficit fonctionnel permanent de 45 % pour un montant de 90 000 euros et la perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle fixée à 60 000 euros. Dès lors, sans avoir à tenir compte des rapports d'expertises médicales effectuées amiablement entre la société Allianz IARD et son assuré qui n'ont été produits que la veille de l'audience devant le tribunal administratif, ce dernier disposait d'éléments suffisants pour l'appréciation des préjudices subis par la victime, au demeurant non contestés en défense tant dans leur principe que dans leur montant. Par suite, la société Allianz IARD est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions indemnitaires.

11. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments produits par la société Allianz IARD non sérieusement contestés par la commune de Billom et son assureur, que les préjudices de M. E... découlant de l'accident peuvent être évalués ainsi qu'il suit. L'assistance viagère d'une tierce personne à raison de trois heures par semaine peut être évaluée, sur la base d'une année de 412 jours, à la somme de 72 346 euros à raison d'un salaire minimum augmenté des charges sociales estimé à 13 euros de l'heure et un euro de rente fixé à 31,604 compte tenu de l'âge de la victime. Le déficit fonctionnel total pendant 73 jours puis partiel pour 613 jours peut être indemnisé à hauteur de 5 000 euros. Les souffrances endurées évaluées à quatre sur sept ouvriraient droit à une indemnité de 7 200 euros. Le préjudice esthétique estimé à trois sur sept pourrait être réparé par une somme de 3 600 euros. Le déficit fonctionnel partiel estimé à 45 %, nonobstant la circonstance que l'intéressé s'est vu reconnaitre un taux d'incapacité permanente partielle de 70 % au titre de la rente accident du travail versée par l'assurance maladie, et compte tenu de l'âge de la victime donnerait droit à une indemnisation d'un montant d'environ 110 000 euros. Le préjudice d'agrément tenant à l'arrêt d'activités de randonnée et de vélo tout terrain serait justement réparé par l'octroi d'une somme de 6 000 euros. Il découle de ce qui précède que les préjudices subis par M. E... peuvent être estimés à la somme de 204 146 euros, compte non tenu des pertes de gains professionnels et futurs déjà indemnisés par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

12. Eu égard au montant de ces préjudices de 204 146 euros et au montant de 201 326 euros à hauteur duquel la société Allianz IARD est subrogée dans les droits de M. E... et de la part des conséquences dommageables restant à la charge de la victime vue au point 8, il y a lieu de condamner solidairement la commune de Billom et la société Axa France IARD à verser à la société Allianz IARD la somme de 51 036,50 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 21 janvier 2016, date de réception de sa réclamation préalable auprès de la commune. Les intérêts échus à la date du 16 janvier 2019, date de la demande de capitalisation des intérêts, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire intérêts à leur tour.

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme :

13. En premier lieu, s'agissant des dépenses de santé actuelles, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme indique avoir exposé des débours à hauteur de 96 086,87 euros selon relevé du 17 juin 2016. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a toutefois écarté des frais médicaux pour un montant de 1 986,41 euros indiqué dans ce relevé alors que, comme l'oppose la caisse, ces soins étaient visés dans l'attestation d'imputabilité de son médecin conseil et n'étaient pas contestés en défense. Par suite, la caisse primaire d'assurance maladie est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté de tels frais au titre des dépenses de santé actuelles dont le montant à retenir est donc de 96 086,87 euros et non de 94 100,46 euros. Compte tenu du partage de responsabilité vu au point 8, la commune et son assureur seront donc condamnés à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 24 021,72 euros.

14. En second lieu, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme établit avoir versé à M. E... des indemnités journalières pendant son arrêt de travail du 18 août 2007 au 11 février 2010, pour un montant non contesté de 30 036,48 euros. Compte tenu du partage de responsabilité vu au point 8, la commune et son assureur seront donc condamnés à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 7 509,12 euros.

15. En troisième lieu, en application de l'article L. 434-1 du code de la sécurité sociale, M. E... s'est vu octroyer une rente d'accident du travail à compter du 12 février 2010 pour un montant annuel de 9 371,26 euros, correspondant à un taux d'incapacité permanent de 70 %. Pour la période comprise entre le 12 février 2010 et la date du jugement du 22 novembre 2018 attaqué, le montant de la rente servie s'élevait à la somme non contestée de 82 779,64 euros. Compte tenu du partage de responsabilité vu au point 8, la commune et son assureur seront donc condamnés à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 20 694,91 euros. Après cette période, la commune de Billom et son assureur n'ayant pas donné leur accord pour un versement en capital, ceux-ci seront condamnés à verser chaque année à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 2 342,82 euros revalorisée annuellement par application du coefficient prévu à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

16. Il découle des points 13 à 15 que la commune de Billom et son assureur, la société Axa France IARD, sont solidairement condamnés à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme globale de 52 225,75 euros et une indemnité annuelle de 2 342,82 euros, revalorisée par application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, sommes qui seront assorties des intérêts légaux à compter du 21 juin 2016, date de sa première demande devant le juge administratif. Les intérêts échus à la date du 21 juin 2017, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire intérêts à leur tour.

Sur les autres conclusions :

17. Dès lors que la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme n'obtient pas en appel de majoration de la somme due au titre de ses débours, elle n'est pas fondée à demander le rehaussement de la somme mise à la charge de la commune de Billom et de la société Axa France IARD au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale afin de tenir compte de sa revalorisation postérieurement au jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Allianz IARD, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de la commune de Billom et de la société Axa France IARD, au titre des frais exposés par elles devant la cour et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme. Il y a lieu, en revanche, de condamner la commune de Billom et la société Axa France IARD à verser à la société Allianz IARD une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en première instance et dans la présente procédure.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Billom et la société Axa France IARD sont solidairement condamnées à verser à la société Allianz IARD la somme de 51 036,50 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 21 janvier 2016, date de réception de la réclamation préalable. Les intérêts échus à la date du 16 janvier 2019, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : La commune de Billom et la société Axa France IARD sont solidairement condamnées à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme globale de 52 225,75 euros et une indemnité annuelle de 2 342,82 euros, dont le montant sera revalorisé par application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La somme de 52 225,75 euros sera assortie des intérêts légaux à compter du 21 juin 2016, date de la première demande devant le juge administratif. Les intérêts échus à la date du 21 juin 2017, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 11 septembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Billom et la société Axa France IARD verseront à la société Allianz la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, à la société Allianz IARD, à la commune de Billom et à la société Axa France IARD.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 novembre 2020.

19LY00093-19LY00185 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00093
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité - aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale - Subrogation - Subrogation de l'assureur.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Causes d'exonération - Clauses contractuelles d'exonération.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : NOLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-12;19ly00093 ?
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