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05/11/2020 | FRANCE | N°19LY00794

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 05 novembre 2020, 19LY00794


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... et M. D... I..., agissant tant en leur nom personnel qu'en celui de leur fille A... I..., alors mineure, et Mlle C... I... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le Centre Hospitalier Universitaire de Clermont-Ferrand, ou à défaut l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à verser une somme de 760 138,20 euros à Mme F... B..., une somme de 40 000 euros à M. I..., ainsi qu'une somme de 15 0

00 euros à leur verser en tant que représentants légaux de Mlle A... I...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... et M. D... I..., agissant tant en leur nom personnel qu'en celui de leur fille A... I..., alors mineure, et Mlle C... I... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le Centre Hospitalier Universitaire de Clermont-Ferrand, ou à défaut l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à verser une somme de 760 138,20 euros à Mme F... B..., une somme de 40 000 euros à M. I..., ainsi qu'une somme de 15 000 euros à leur verser en tant que représentants légaux de Mlle A... I..., et une somme de 15 000 euros à Mlle C... I..., outre les dépens et les frais exposés et non compris dans ces dépens.

Par un jugement n° 1602087 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le Centre Hospitalier Universitaire de Clermont-Ferrand à verser à Mme F... B... la somme de 5 000 euros ainsi que les sommes de 5 481,12 et 1 000 euros au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février 2019 et 18 février 2020, Mme F... B..., M. D... I..., Mlle A... I... et Mlle C... I..., représentés par Me G..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1602087 du 18 décembre 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand sauf en ce qui concerne les condamnations prononcées au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner le Centre Hospitalier Universitaire de Clermont-Ferrand ou l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser la somme de 760 138,20 euros à Mme F... B..., celle de 40 000 euros à M. I..., celle de 15 000 euros chacune à Mmes A... et C... I... ;

3°) de mettre à la charge du Centre Hospitalier Universitaire de Clermont-Ferrand la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation en considérant à tort que les infections constatées lors des séjours hospitaliers autres que celui d'avril 1995 n'avaient pas une origine nosocomiale, contrairement à ce que retenait l'expert ;

- le Centre Hospitalier Universitaire de Clermont-Ferrand engage sa responsabilité du fait des infections nosocomiales survenues avant 2001 à l'origine de la moitié des séquelles subies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2019 l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il n'intervient au titre de la solidarité nationale pour indemniser les victimes d'infections nosocomiales qu'après l'entrée en vigueur de la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002, soit le 1er janvier 2003, alors que l'infection nosocomiale retenue par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a été mise en évidence le 10 mars 1995, emportant la responsabilité du seul Centre Hospitalier Universitaire.

Par un mémoire en défense, enregistré 12 février 2020, le Centre Hospitalier Universitaire de Clermont-Ferrand, représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'infection nosocomiale décelée le 10 mars 1995 n'a aucun lien avec les autres infections constatées en 2008 ou 2010, les souches de germes étant différents ;

- les infections diagnostiquées en 2008 et 2010 ne sont pas apparues au cours ou au décours d'un des séjours hospitaliers effectués par Mme B... car elles étaient présentes dans son organisme dès son admission ;

- à titre subsidiaire, il existe une cause étrangère exonératoire tenant au caractère inévitable de l'infection nosocomiale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... B..., M. D... I... et Mmes A... et C... I... relèvent appel du jugement n° 1602087 du 18 décembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant à être indemnisés des conséquences dommageables subies suite à la prise en charge de Mme B... par le Centre Hospitalier Universitaire de Clermont-Ferrand de 2008 à 2011 et demandent la condamnation de ce dernier ou de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser la somme de 760 138,20 euros à Mme B..., celle de 40 000 euros à M. I..., compagnon de Mme B..., et celle de 15 000 euros chacune à Mmes A... et C... I..., filles de Mme B....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En vertu des dispositions du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Toutefois, en vertu des dispositions de l'article L. 1142-1-1 du même code, les dommages résultant d'infections nosocomiales correspondant à un taux d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %, ainsi que les décès provoqués par des infections nosocomiales, sont réparés au titre de la solidarité nationale. Dès lors, la responsabilité d'un établissement de santé au titre d'une infection nosocomiale ayant entraîné des conséquences répondant aux conditions de l'article L. 1142-1-1 ne peut être recherchée, par la victime elle-même ou ses subrogés ou par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales dans le cadre d'une action récursoire, qu'à raison d'une faute établie à l'origine du dommage.

3. Les requérants reprochent au jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand de ne pas avoir retenu l'existence d'infections nosocomiales contractées lors de plusieurs séjours hospitaliers effectués en 2008 puis 2010 alors que le rapport d'expertise concluait que si certaines surinfections étaient probablement d'origine naturelle, liées stricto sensu à la colonisation d'escarres, d'autres, en particulier celles concernant des staphylocoques dorés, étaient liées aux soins, dès lors que leur expression était en faveur d'une origine hospitalière et que ces germes avaient contribué pour moitié aux conséquences dommageables subies.

4. Si les dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère soit rapportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était, ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le staphylocoque doré fait partie de la flore cutanée résidente qui envahit donc aisément une escarre, plaie ouverte naturellement colonisée, que les souches bactériennes analysées diffèrent entre les séjours hospitaliers de 1995, de 2008 et de 2010 et surtout que, s'agissant des séjours de 2008 et 2010, les germes ont été mis en évidence avant ou dès l'admission de Mme B... pour sepsis de son escarre fessier gauche préexistant. En effet, la surinfection à staphylocoque doré à l'origine du sepsis ayant conduit au séjour hospitalier du 26 mai au 10 juin 2008 a été mise en évidence par un prélèvement effectué dès son admission le 26 mai 2008. Une infection à staphylocoque doré d'une souche différente du précédent a été diagnostiquée le 5 janvier 2010, soit antérieurement au séjour hospitalier du 14 au 21 janvier 2010, puis confirmé par prélèvement du 22 janvier suivant malgré le traitement reçu. La persistance d'une surinfection à staphylocoque doré a également été mise en évidence par un prélèvement effectué le 6 septembre 2010, soit antérieurement au séjour hospitalier du 13 au 21 septembre 2010. En outre, le sapiteur microbiologiste a indiqué que les deux souches différentes de staphylocoque doré décelées, l'un lors du séjour de 2008, l'autre lors des séjours de 2010, étaient sensibles aux antibiotiques, ce qui est en faveur de souches n'ayant vraisemblablement pas une origine hospitalière, contrairement à celle analysée le 17 mai 1995. Au surplus, le lien de causalité entre les lourdes séquelles subies par Mme B... et ces infections à staphylocoque doré n'est pas établi.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme B..., M. I... et Mmes I... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a limité à la somme de 5 000 euros l'indemnité mis à la charge du Centre Hospitalier Universitaire de Clermont-Ferrand et a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les frais d'expertise :

6. Il y a lieu de maintenir les frais d'expertise, taxés et liquidés par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 février 2016 à la somme de 5 418,12 euros à la charge du Centre Hospitalier Universitaire de Clermont-Ferrand.

Sur les frais liés au litige :

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Centre Hospitalier Universitaire de Clermont-Ferrand, qui est, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens, le versement de la somme réclamée par les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B..., M. I... et Mmes I... est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise taxés et liquidés par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 février 2016 à la somme de 5 418,12 euros sont maintenus à la charge définitive du Centre Hospitalier Universitaire de Clermont-Ferrand.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B..., M. D... I... et Mmes A... et C... I..., au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 novembre 2020.

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N° 19LY00794


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00794
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CHAUTARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-05;19ly00794 ?
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