Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Int'Air Médical a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, d'annuler la décision du 4 mai 2017 par laquelle le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSMPS) lui a infligé une sanction financière d'un montant de 73 804 euros, à titre subsidiaire, de réduire cette sanction à un montant de 11 601 euros.
Par un jugement n° 1705036 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés le 4 avril 2019, le 11 mai 2020 et le 29 mai 2020, la société Int'Air Médical, représentée par la SCP Deygas Perrachon et Associés, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1705036 du 5 février 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la décision du 4 mai 2017 par laquelle le directeur général de l'ANSMPS lui a infligé une sanction financière d'un montant de 73 804 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'ANSMPS une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision en litige par laquelle il lui est reproché d'avoir mis sur le marché des dispositifs de la classe II dont la certification n'était plus valide et qui prend en compte un chiffre d'affaires de 702 898,26 euros, exportations comprises, au lieu de 529 441,45 euros, hors exportations, est entachée d'erreur de droit, dès lors qu'en application des lignes directrices du 23 novembre 2015 relatives à la détermination des sanctions financières, le montant de la sanction financière est assis sur un pourcentage du chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée qui s'entend comme le chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France et hors exportations ;
- elle méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques, dès lors que, dans sa décision du 27 février 2019 portant sanction financière à l'encontre de la société Sandoz, le directeur général de l'ANSMPS a pris en compte le chiffre d'affaires de cette société, relatif aux produits concernés, hors exportations ;
- elle est entachée d'erreur de droit et est disproportionnée, dès lors que ne pouvait être prise en compte l'intégralité du chiffre d'affaires réalisé pour les dispositifs concernés sans proratisation à la période d'infraction effective de deux mois et sept jours ;
- elle est disproportionnée, dès lors que la vente des produits en cause n'était plus autorisée du fait de l'expiration d'une certification documentaire uniquement et non d'une non-conformité matérielle des produits et qu'ainsi il n'y avait aucun risque pour la santé publique ;
- elle est disproportionnée en ce qu'elle ne prend pas en compte ses difficultés financières ; en effet, son résultat au 31 décembre 2016 était déficitaire de 111 702 euros ; le coût de sa décision de ne plus mettre sur le marché les produits dont la certification n'était plus valide et de rappeler les produits non utilisés s'est élevé pour elle à 98 699,57 euros ; elle a mis en oeuvre dans les meilleurs délais les actions correctives de réfection des bâtiments, de rénovation de la salle propre, de mise en ZAC de l'atelier d'extrusion et d'investissement de matériel pour un coût de 459 410,32 euros qu'elle a supporté.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 19 juillet 2019 et le 26 mai 2020, l'ANSMPS, représentée par Me Saumon, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Int'Air Médical au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés ;
- les conclusions de la société Int'Air Médical, qui tendent à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées comme mal dirigées, dès lors qu'en application de l'article L. 5322-2 du code de la santé publique, les décisions prises par son directeur général dans l'exercice des pouvoirs qu'il tient du code de la santé publique le sont au nom de l'État.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Leroy, avocat de la société Int'Air Médical.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 4 mai 2017, le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSMPS) a infligé à la société Int'Air Médical une sanction financière d'un montant de 73 804 euros pour avoir mis sur le marché entre le 1er février 2016 et le 6 avril 2016 des circuits d'anesthésie-réanimation et accessoires stériles ou non stériles réalisés en sous-traitance locale ou partielle (hors STERMED), dispositifs médicaux de classe II a, dont la certification de conformité n'était plus valide. La société Int'Air Médical relève appel du jugement n° 1705036 du 5 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ou subsidiairement à la réduction du montant de la sanction.
Sur la sanction financière infligée :
2. Aux termes de l'article L. 5211-3 du code de la santé publique : " I. - Les dispositifs médicaux ne peuvent être importés, mis sur le marché, mis en service ou utilisés, s'ils n'ont reçu, au préalable, un certificat attestant leurs performances ainsi que leur conformité à des exigences essentielles concernant la sécurité et la santé des patients, des utilisateurs et des tiers. / La certification de conformité est établie, selon la classe dont relève le dispositif, soit par le fabricant lui-même, soit par un organisme désigné à cet effet par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou par l'autorité compétente d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen. / (...) ". Selon l'article L. 5311-1 du même code : " I. - L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est un établissement public de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. / II. - (...) / L'agence participe à l'application des lois et règlements et prend, dans les cas prévus par des dispositions particulières, des décisions relatives à l'évaluation, aux essais, à la fabrication, à la préparation, à l'importation, à l'exportation, à la distribution en gros, au courtage, au conditionnement, à la conservation, à l'exploitation, à la mise sur le marché, à la publicité, à la mise en service ou à l'utilisation des produits à finalité sanitaire destinés à l'homme et des produits à finalité cosmétique, et notamment : / (...) / 3° Les biomatériaux et les dispositifs médicaux ; (...) ". L'article L. 5312-4-1 de ce code dispose : " L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé prononce, à l'encontre des personnes physiques ou morales produisant ou commercialisant des produits mentionnés à l'article L. 5311-1 ou assurant les prestations associées à ces produits, des sanctions financières qui peuvent être assorties d'astreintes journalières, dans les cas prévus par la loi et, le cas échéant, par décret en Conseil d'Etat. / (...) / (...) / Les montants de la sanction financière et de l'astreinte sont proportionnés à la gravité des manquements constatés. Ils tiennent compte, le cas échéant, de la réitération des manquements sanctionnés dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. / (...) ". Aux termes de l'article L. 5322-2 dudit code : " Le directeur général de l'agence prend, au nom de l'État, les décisions qui relèvent, en ce qui concerne les produits mentionnés à l'article L. 5311-1, de la compétence de celle-ci en vertu des dispositions du présent code, (...) ainsi que des mesures réglementaires prises pour l'application de ces dispositions. / Les décisions prises par le directeur général en application du présent article ne sont susceptibles d'aucun recours hiérarchique. Toutefois, en cas de menace grave pour la santé publique, le ministre chargé de la santé peut s'opposer, par arrêté motivé, à la décision du directeur général et lui demander de procéder, dans le délai de trente jours, à un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à ladite décision. Cette opposition est suspensive de l'application de cette décision. / (...) ". Selon l'article L. 5461-9 du même code : " Constitue un manquement soumis à sanction financière : / (...) / 3° Le fait d'importer, de mettre sur le marché, de mettre en service ou d'utiliser un dispositif médical sans que n'ait été délivré le certificat mentionné à l'article L. 5211-3, ou un dispositif médical non conforme aux exigences essentielles mentionnées au même article ou dont la certification de conformité n'est plus valide ; / (...) ". L'article L. 5471-1 de ce code dispose : " I. - L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé peut prononcer une sanction financière à l'encontre de l'auteur d'un manquement mentionné aux articles L. 5421-8, L. 5422-18, L. 5423-8, L. 5423-9, L. 5426-2, L. 5438-1, L. 5461-9 et L. 5462-8, sauf lorsque le manquement est commis à l'occasion d'une activité de distribution au détail de produits de santé. / III. - (...) Le montant de la sanction prononcée pour les manquements mentionnés au 12° de l'article L. 5421-8, à l'article L. 5422-18, au 3° de l'article L. 5423-8, à l'article L. 5423-9, aux 1° à 7° de l'article L. 5461-9 et aux 1° à 6° de l'article L. 5462-8 ne peut être supérieur à 150 000 € pour une personne physique et à 30 % du chiffre d'affaires réalisé lors du dernier exercice clos pour le produit ou le groupe de produits concernés, dans la limite d'un million d'euros, pour une personne morale. / (...) ".
3. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées du III de l'article L. 5471-1 du code de la santé publique que le montant de la sanction financière prononcée à l'encontre d'une personne morale pour les manquements visés au 3° de l'article L. 5461-9 du même code relatif aux dispositifs médicaux ne peut être supérieur à 30 % du chiffre d'affaires réalisé lors du dernier exercice clos pour le produit ou le groupe de produits concernés, dans la limite d'un million d'euros. Ni ces dispositions, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, ni même un principe général du droit, n'imposent que le montant de ladite sanction doive être calculé à partir du chiffre d'affaires réalisé, pour le produit ou le groupe de produits concernés, seulement pendant la période de commission des manquements. Par suite, la société Int'Air Médical n'est pas fondée à soutenir que la sanction financière litigieuse qui lui a été infligée le 4 mai 2017 serait entachée d'erreur de droit et disproportionnée au motif qu'elle ne prendrait pas en compte le seul chiffre d'affaires afférent à la période d'infraction effective de deux mois et sept jours.
4. En deuxième lieu, en vertu des lignes directrices du 23 novembre 2015 de l'ANSMPS relatives à la détermination des sanctions financières, le chiffre d'affaires réalisé lors du dernier exercice clos pour le produit ou le groupe de produits concernés, sur un pourcentage duquel est assis le montant de la sanction financière, s'entend comme le chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France, hors exportations. En réponse à un courrier du 21 décembre 2016 de l'ANSMPS lui demandant de lui adresser le chiffre d'affaires réalisé lors du dernier exercice clos pour les dispositifs médicaux de circuits d'anesthésie-réanimation et accessoires stériles ou non stériles en France, hors exportations, la société Int'Air Médical a indiqué à l'agence, par courrier du 23 janvier 2017 puis courriel du 7 avril 2017, que ledit chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au titre de l'exercice annuel clos le 31 décembre 2016 s'élevait à 702 898 euros. Si c'est ce montant de chiffre d'affaires qui a été pris en compte dans la décision attaquée, il résulte de l'instruction, et notamment des documents comptables visés et certifiés conformes par le commissaire aux comptes de ladite société et produits pour la première fois en appel le 11 mai 2020, que le montant total du chiffre d'affaires hors taxe tiré de le vente des dispositifs médicaux en cause au titre de l'exercice annuel clos le 31 décembre 2016 s'élève à 702 898,26 euros, dont 529 441,45 euros réalisés en France et 173 456,81 euros provenant de l'exportation. Dans ces conditions, sans qu'y fasse obstacle l'adage " Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude " et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité par la sanction litigieuse, la société Int'Air Médical est fondée à soutenir, dans le cadre du présent litige de plein contentieux, que c'est le montant de chiffre d'affaires de 529 441,45 euros qui doit être pris en compte pour le calcul du quantum de la sanction financière qui lui a été infligée.
5. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que, malgré un courrier du 29 janvier 2016 de l'organisme certificateur l'informant que la certification de conformité des circuits d'anesthésie-réanimation et accessoires stériles ou non stériles arrivait à échéance le 31 janvier 2016 et ne serait pas renouvelée, la société Int'Air Médical a poursuivi, entre le 1er février 2016 et le 6 avril 2016, soit pendant deux mois et sept jours, la mise sur le marché de ces dispositifs médicaux qui lui a procuré un chiffre d'affaires de 179 173,41 euros hors taxe, ainsi qu'il ressort d'un courriel du 4 avril 2017 de cette société. Il résulte également de l'instruction, notamment de l'annexe à la décision en litige détaillant la liquidation du montant de la sanction infligée à la société Int'Air Médical, qu'à partir d'un pourcentage de 12 % tenant compte de la nature du manquement, l'ANSMPS a ajouté un pourcentage de 1,50 % du fait de la durée du manquement mais a aussi retranché un pourcentage de 3 % pour prendre en compte la coopération et les diligences accomplies par la société Int'Air Médical et ainsi appliqué un pourcentage de 10,5 % au chiffre d'affaires réalisé lors du dernier exercice clos pour les dispositifs médicaux en cause, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, l'autorité administrative peut appliquer un pourcentage pouvant atteindre un maximum de 30 %.
6. Si la requérante fait valoir que son résultat au 31 décembre 2016 était déficitaire de 111 702 euros, que le coût de sa décision de ne plus mettre sur le marché les produits dont la certification n'était plus valide et de rappeler les produits non utilisés s'est élevé pour elle à 98 699,57 euros et qu'elle a mis en oeuvre dans les meilleurs délais les actions correctives de réfection des bâtiments, de rénovation de la salle propre, de mise en ZAC de l'atelier d'extrusion et d'investissement de matériel pour un coût de 459 410,32 euros qu'elle a supporté, ces circonstances ne sont pas de nature à établir l'existence de difficultés réelles et actuelles empêchant l'entreprise de s'acquitter de la sanction financière, alors surtout que la mise sur le marché des dispositifs médicaux en cause n'a plus été licite uniquement du fait de l'expiration d'une certification documentaire et non d'une non-conformité matérielle des produits nécessitant notamment les travaux susindiqués. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'application d'un pourcentage de 10,5 % au chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France, pour les dispositifs médicaux en cause, au titre de l'exercice annuel clos le 31 décembre 2016 serait, au sens des dispositions précitées du quatrième alinéa de l'article L. 5312-4-1 du code de la santé publique, disproportionnée par rapport à la gravité des manquements constatés.
7. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu du pourcentage de 10,5 % appliqué au montant de 529 441,45 euros du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France, pour les dispositifs médicaux en cause, au titre de l'exercice annuel clos le 31 décembre 2016, le montant de la sanction financière devant être infligée à la société Int'Air Médical s'élève à 55 591,35 euros. Par suite, cette société est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à une réduction du montant de la sanction financière que le directeur général de l'ANSMPS lui a infligée le 4 mai 2017 et à demander que ce montant soit ramené à la somme de 55 591,35 euros.
Sur les frais liés au litige :
8. D'une part, en application de l'article L. 5322-2 du code de la santé publique, les décisions prises par le directeur général de l'ANSMPS dans l'exercice des pouvoirs qu'il tient du code de la santé publique le sont au nom de l'État. Par suite, les conclusions de la société Int'Air Médical, qui tendent à ce qu'une somme soit mise à la charge de cette agence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont mal dirigées et ne peuvent qu'être rejetées.
9. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Int'Air Médical, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'ANSMPS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1705036 du 5 février 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la société Int'Air Médical en ce qu'elle tendait à la réduction du montant de la sanction financière qui lui a été infligée le 4 mai 2017 par le directeur général de l'ANSMPS.
Article 2 : Le montant de la sanction financière que le directeur général de l'ANSMPS a infligée le 4 mai 2017 à la société Int'Air Médical est ramené à 55 591,35 euros.
Article 3 : Sont rejetés le surplus des conclusions de la requête de la société Int'Air Médical et les conclusions présentées par l'ANSMPS sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Int'Air Médical et à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 octobre 2020.
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N° 19LY01405