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24/09/2020 | FRANCE | N°20LY00645

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 24 septembre 2020, 20LY00645


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 du préfet de l'Isère en tant qu'il lui a refusé la délivrance un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification du jugement, sous astreinte de 300 eur

os par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 du préfet de l'Isère en tant qu'il lui a refusé la délivrance un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification du jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1906505 du 23 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1906505 du 23 décembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 22 juillet 2019 du préfet de l'Isère refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résident ou, subsidiairement, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues ;

- le préfet a fait application de la procédure instituée par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 et le décret n° 2016-1456 du 28 octobre 2016, alors que les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prévoient pas que le médecin inspecteur de santé publique ou le médecin chef puisse convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant la commission médicale régionale prévue aux articles R. 313-23 à R. 313-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.

Par ordonnance du 27 mai 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juin 2020 en application du II de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 ;

- le décret n° 2016-1456 du 28 octobre 2016 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 10 décembre 1965, a présenté le 13 février 2018 une demande de renouvellement de son titre de séjour, en qualité d'étranger malade, sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Au vu notamment de l'avis émis le 7 septembre 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui relevait que l'intéressé pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie, le préfet de l'Isère a, par un arrêté du 22 juillet 2019, refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 23 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre stipulation de cet accord, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il n'apparaît pas que M. A..., qui a sollicité le renouvellement du titre de séjour dont il bénéficiait sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, aurait également présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de cet accord. Le préfet de l'Isère, qui n'y était pas tenu, n'a pas examiné sa demande au regard de ces dernières stipulations. Le tribunal administratif n'était dès lors pas tenu de répondre au moyen soulevé par M. A... dans sa demande de première instance, tiré de ce qu'il remplissait les conditions posées par les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 pour se voir délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " eu égard à sa situation privée et familiale, lequel était inopérant. M. A... n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'en omettant de répondre à ce moyen, les premiers juges auraient entaché leur jugement d'irrégularité.

Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère a méconnu les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté comme inopérant.

4. En deuxième lieu, les dispositions des articles R. 313-22 à R. 313-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont, s'agissant de règles relatives à la procédure de délivrance des titres de séjour en qualité d'étranger malade, applicables aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, contrairement à ce que soutient M. A.... Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait pas faire application à sa demande des dispositions des articles R. 313-23 à R. 313-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la commission médicale régionale, dans leur version qui a, au demeurant, été abrogée par le décret susvisé du 28 octobre 2016, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

6. Le préfet de l'Isère a pris l'arrêté contesté en s'appuyant sur un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 7 septembre 2018 selon lequel M. A... présente un état de santé nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie et peut voyager sans risque vers ce pays. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre de plusieurs pathologies, en particulier de diabète, d'une cardiopathie ischémique et d'une insuffisance rénale pour laquelle il est en attente d'une greffe. Toutefois, ni les certificats médicaux que M. A... verse au dossier, et dont il ne ressort aucunement que le traitement médical requis par son état de santé ne pourrait se poursuivre en Algérie, ni la circonstance qu'il souffre d'un taux d'incapacité supérieur à 80 %, ne permettent de considérer qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A... soutient qu'il réside en France depuis six ans avec son épouse, titulaire d'un titre de séjour, et leur fils mineur. Toutefois, il ne justifie d'aucune intégration particulière dans la société française de nature à lui conférer un droit au séjour. Rien ne fait obstacle, contrairement à ce que soutient le requérant, à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France et notamment en Algérie, pays dont tous les membres du foyer ont la nationalité et où M. A... a vécu pour l'essentiel. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée portant refus de titre de séjour ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) ". Le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 6 et 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, équivalentes à celles des articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les ressortissants algériens qui se prévalent de ces dispositions. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le requérant ne remplit pas effectivement les conditions énoncées pour bénéficier d'un titre de séjour. Par suite, l'absence de consultation de la commission du titre de séjour n'entache pas d'irrégularité le refus de titre de séjour attaqué.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 septembre 2020.

2

N° 20LY00645


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00645
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : AHDJILA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-24;20ly00645 ?
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