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24/09/2020 | FRANCE | N°19LY00611

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 24 septembre 2020, 19LY00611


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'université Jean Moulin Lyon III à lui verser la somme de 726 750 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi du fait des renseignements erronés qui lui ont été communiqués quant à la nature du diplôme dont elle est titulaire et de mettre à la charge de l'université Jean Moulin Lyon III la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugeme

nt n° 1607811 du 12 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'université Jean Moulin Lyon III à lui verser la somme de 726 750 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi du fait des renseignements erronés qui lui ont été communiqués quant à la nature du diplôme dont elle est titulaire et de mettre à la charge de l'université Jean Moulin Lyon III la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1607811 du 12 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1607811 du 12 décembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner l'université Jean Moulin Lyon III à lui verser la somme de 676 750 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa demande de première instance, en réparation du préjudice financier subi du fait des renseignements erronés qui lui ont été communiqués par l'université quant à la nature du diplôme universitaire de professionnalisation dont elle est titulaire ;

3°) de mettre à la charge de l'université Jean Moulin Lyon III la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- de 2007 à 2016, l'université Jean Moulin Lyon III a indiqué successivement que le diplôme universitaire de professionnalisation délivré par son institut universitaire technologique (IUT) était un diplôme " national ", puis un diplôme d'établissement " homologué ", laissant entendre une reconnaissance de ce diplôme au plan national et comme permettant aux titulaires d'une formation " Bac + 2 " d'obtenir un diplôme de " niveau II ", soit " Bac + 3 ", ce qu'il n'était pas ; en raison de ces mentions, elle a été induite en erreur sur la nature du diplôme délivré, ainsi que l'a reconnu le président de l'université dans un courrier du 12 février 2016 ; la brochure d'information produite par l'université n'a jamais été portée à sa connaissance avant son inscription à cette formation en décembre 2009 ; en donnant ainsi des renseignements erronés sur la valeur du diplôme universitaire de professionnalisation, l'université a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- son recrutement dans un emploi d'agent contractuel au sein du ministère de la défense n'a pu aboutir au seul motif que le diplôme universitaire de professionnalisation dont elle est titulaire ne constitue pas un diplôme de niveau II ; elle est ainsi fondée à demander à être indemnisée de la perte de revenus qu'elle devra supporter tout au long de sa vie ;

- elle aurait perçu un revenu annuel de 36 000 euros durant vingt ans ; compte tenu de son revenu annuel moyen sur les six années écoulées, sa perte de revenus s'établit à la somme de 394 000 euros ; sa perte financière au titre d'une pension, au regard de la pension à laquelle elle peut prétendre, s'élève à la somme de 282 750 euros ; ainsi, son préjudice financier global s'élève à la somme de 676 750 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 avril 2019, l'université Jean Moulin Lyon III, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu'il soit fait une juste évaluation du préjudice subi par Mme B... compte tenu de la seule perte de chance, et à ce que la somme de 2 520 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le diplôme universitaire de professionnalisation proposé par l'IUT de l'université est une formation relevant de l'article L. 613-2 du code de l'éducation et qui n'a pas vocation à octroyer un niveau de diplôme supplémentaire, mais d'accompagner des personnes détenant déjà le niveau de diplôme correspondant ; elle ne s'est pas engagée à délivrer à Mme B... un diplôme de niveau II ; la plaquette de présentation utilisée à la rentrée 2009-2010 lors de l'inscription de la requérante n'indique pas que le diplôme permettrait l'obtention d'un diplôme de niveau II ou d'un équivalent Bac + 3 ; le terme de diplôme " homologué " utilisé dans la présentation du diplôme ne permet pas de conclure que le diplôme concerné est enregistré au répertoire national des certifications professionnelles prévu à l'article L. 335-6 du code de l'éducation, ni qu'il conduirait à l'obtention d'un diplôme de niveau Il ; elle n'a ainsi commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- à titre subsidiaire, le lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice n'est pas établi ;

- le préjudice allégué est purement éventuel et seule une perte de chance sérieuse, au demeurant inexistante, pourrait être recherchée ;

- le chiffrage du préjudice n'est pas fondé ;

- seule la responsabilité du ministère de la défense pourrait être recherchée, dès lors qu'aucune réglementation n'impose que le recrutement des agents contractuels soit soumis à l'obligation de disposer d'un diplôme de niveau II ;

- la faute commise par Mme B..., qui n'a entrepris aucune démarche positive pour obtenir une information quant à la valeur du diplôme auquel elle postulait avant l'inscription dans sa formation, puis a tardé de nombreuses années avant d'interroger l'université, est de nature à l'exonérer de tout agissement fautif.

Par une ordonnance du 12 mai 2020 prise en application du second alinéa du II de l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 modifiée, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant l'université Jean Moulin Lyon III.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a suivi, au titre de l'année universitaire 2009-2010, une formation universitaire de professionnalisation, dispensée par l'institut universitaire technologique (IUT) de l'université Jean Moulin Lyon III, à l'issue de laquelle elle s'est vue délivrer un diplôme d'université. En 2016, sa candidature à un emploi d'agent contractuel au sein du ministère de la défense a été rejetée au motif que ce diplôme ne correspondait pas à une formation d'un niveau " bac + 3 ". Estimant avoir reçu de l'université des informations erronées quant à la valeur du diplôme universitaire sanctionnant la formation à laquelle elle s'était inscrite, Mme B... a recherché devant le tribunal administratif de Lyon la condamnation de l'université Jean Moulin Lyon III à réparer les conséquences préjudiciables qu'elle a subies de ce fait. Mme B... relève appel du jugement du 12 décembre 2018 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande indemnitaire.

Sur la responsabilité pour faute de l'université Jean Moulin Lyon III :

2. D'une part, en vertu de l'article L. 335-6 du code de l'éducation alors en vigueur, le répertoire national des certifications professionnelles classe les diplômes et titres qui y sont inscrits par domaine d'activité et par niveau. En application de l'article R. 335-13 du même code alors en vigueur, la nomenclature servant à classer les certifications par niveau était alors celle approuvée par la décision du groupe permanent de la formation professionnelle et de la promotion sociale du 21 mars 1969, distinguant cinq niveaux de formation, de I à V, par ordre décroissant. La catégorie II correspond aux formations donnant accès à des emplois nécessitant un niveau comparable à celui des diplômes de licences ou maîtrises universitaires et requérant la maîtrise des fondements scientifiques de la profession.

3. D'autre part, les établissements d'enseignement supérieur peuvent délivrer, outre des diplômes nationaux dont la liste est établie par décret et pour la délivrance desquels les établissements doivent être accrédités, des diplômes propres. Aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'éducation relatif aux règles générales de délivrance de ces diplômes propres, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits de l'espèce : " Les établissements peuvent aussi organiser, sous leur responsabilité, des formations conduisant à des diplômes qui leur sont propres ou préparant à des examens ou des concours ".

4. Il est constant que le diplôme universitaire de professionnalisation dont est titulaire Mme B... est un diplôme propre à l'université Jean Moulin Lyon III, ne figurant pas au répertoire national des certifications professionnelles. Il résulte en particulier des articles 1er et 2 de la convention individuelle de formation continue conclue entre l'université et Mme B... le 23 février 2010, que ce diplôme universitaire sanctionne une formation d'une année universitaire, dont l'objet est le suivi d'un " enseignement spécialisé dans l'insertion professionnelle ", et que les auditeurs se voient remettre, au début de la formation, des documents et informations récapitulant les conditions dans lesquelles celle-ci est dispensée. Une plaquette publique d'information établie par l'université au titre de l'année 2009-2010, mise à la disposition de toute personne souhaitant suivre cette formation, et dont la requérante ne peut utilement soutenir qu'il n'est pas établi qu'elle aurait été portée à sa connaissance, précise que le diplôme universitaire de professionnalisation prépare à l'insertion professionnelle et est accessible " à partir de bac + 2 jusqu'à bac + 5 ". Ni la convention conclue entre l'intéressée et l'université, ni d'ailleurs ce document informatif, ne comportait de mention laissant supposer que le diplôme universitaire de professionnalisation délivré à l'issue de la formation était inscrit au répertoire national des certifications professionnelles et qu'il s'agissait d'une formation de niveau II, au sens de la nomenclature citée au point 2. Il en va de même du diplôme délivré le 10 décembre 2010 à la requérante et qui comporte la seule mention " diplôme d'université ". En outre, dans sa lettre de motivation du 29 novembre 2009, Mme B... a elle-même indiqué que le stage de six mois compris dans la formation lui serait utile pour reprendre, par la suite, un cursus universitaire en licence professionnelle, de sorte qu'elle n'ignorait pas que le diplôme délivré à l'issue de cette formation n'était pas du même niveau qu'une licence. L'extrait de la version du 1er octobre 2007 du site internet de l'université produit par Mme B... concernant la seule licence professionnelle " gestion des ressources humaines " délivrée par l'IUT et ne faisant aucunement référence, contrairement à ce qui est soutenu par la requérante, au diplôme universitaire en cause, n'est pas de nature à l'avoir induite en erreur sur la nature de ce diplôme. Enfin, si la requérante fait valoir que le même site internet indiquait, entre 2012 et 2016, que le diplôme d'établissement délivré à l'issue de cette formation était " homologué ", cette mention, sans autre précision, notamment quant à la nature de l'homologation en cause, alors que la formation, ainsi qu'il a été dit, était ouverte aux personnes justifiant d'un niveau entre deux et cinq années d'études supérieures après le baccalauréat, n'était pas de nature, à elle seule, à laisser croire à l'intéressée que le diplôme dont elle était titulaire était classé au niveau II du répertoire national des certifications professionnelles. Par suite, Mme B... ne saurait faire état d'un quelconque préjudice résultant, pour elle, d'indications erronées qui lui auraient été fournies par l'université Jean Moulin Lyon III.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'indemnisation.

Sur les frais liés au litige :

6. Le dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'université Jean Moulin Lyon III, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme B... au titre des frais exposés elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à charge de Mme B... le versement à l'université Jean Moulin Lyon III de la somme qu'elle demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'université Jean Moulin Lyon III présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à l'université Jean Moulin Lyon III.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Gayrard, président-assesseur,

M. Pin, premier conseiller,

Lu en audience publique le 24 septembre 2020.

2

N° 19LY00611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00611
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-03-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique. Renseignements.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : VERSINI-BULLARA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-24;19ly00611 ?
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