Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 juin 2016 par laquelle le directeur de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a rejeté sa demande préalable, de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 635 003,52 euros en réparation des préjudices subis et de de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1609149 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 février 2019, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1609149 du 23 octobre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la décision du 30 juin 2016 du directeur de l'ONIAM refusant de faire droit à sa demande d'indemnisation ;
3°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 635 003,52 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
4°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a bénéficié de plusieurs greffes de cornée à la suite desquelles sont survenus différents épisodes de glaucome malin ; il n'y a ainsi pas eu un seul fait mais plusieurs actes médicaux postérieurs à 1999 à l'origine de l'aléa thérapeutique dont elle se prévaut ; ainsi, les dispositions de l'article 101 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité médicale trouvent à s'appliquer en l'espèce ;
- elle a droit, au titre des préjudices extrapatrimoniaux :
* à la somme de 21 080 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire pour la période du 19 décembre 1999 au 9 avril 2014 ;
* à la somme de 15 000 euros au titre des souffrances endurées, évaluées à 4 sur une échelle de 7 par l'expert ;
* à la somme de 4 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, évalué par l'expert à 3 sur une échelle de 7 ;
* à la somme de 115 389,13 euros au titre du déficit fonctionnel permanent dont elle est affectée à hauteur de 25 % ;
- elle a droit, au titre des préjudices patrimoniaux :
* à la somme de 223 675,67 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels ;
* à la somme de 2 45 358,72 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2020, l'ONIAM, représenté par Me A..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à ce qu'il soit mis hors de cause, et, à titre subsidiaire, à ce que les sommes allouées à Mme D... n'excèdent pas une somme totale de 64 761,25 euros.
Il soutient que :
- le glaucome malin dont est affectée Mme D... est survenu initialement dans les suites de la greffe de cornée de l'oeil gauche réalisée le 26 mai 1999, et ne fait dès lors pas suite à l'une des deux interventions réalisées postérieurement à cette date pour traiter la récidive de la complication initiale ; par suite, le dispositif mis en place par la loi du 4 mars 2002, qui s'applique aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de soins réalisés au plus tôt six mois avant la publication de la loi, soit à compter du 5 septembre 2001, ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce ;
- à titre subsidiaire, le déficit fonctionnel temporaire de Mme D... serait justement indemnisé en lui allouant une somme de 7 361,25 euros ;
- la somme due au titre des souffrances endurées ne saurait excéder 10 000 euros ;
- le préjudice esthétique temporaire sera réparé par l'allocation d'une somme de 3 500 euros ;
- le déficit fonctionnel permanent sera indemnisé à hauteur de 43 900 euros ;
- il n'est pas justifié du préjudice économique allégué.
Par ordonnance du 13 mai 2020 prise en application du second alinéa du II de l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 modifiée, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mai 2020.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., qui était atteinte d'un kératocône bilatéral traité par des lentilles de contact, a subi le 26 mai 1999 une greffe de cornée de l'oeil gauche à l'hôpital Lyon Sud, dépendant des Hospices civils de Lyon. Souffrant de complications se présentant sous la forme d'une hypertonie de l'oeil gauche, elle a de nouveau été hospitalisée le 7 juin 1999. Un glaucome malin consécutif à la greffe de cornée a alors été diagnostiqué et a nécessité deux reprises chirurgicales les 8 et 22 juin 1999 puis trois nouvelles interventions, consistant en des changements de greffon de l'oeil gauche, les 12 décembre 1999, 16 février 2004 et 19 mai 2005. Mme D..., dont l'évolution de sa pathologie glaucomateuse a entraîné la perte totale d'acuité visuelle de l'oeil gauche, a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Rhône-Alpes. Par un avis du 9 mars 2016 rendu après une expertise médicale, cette commission a estimé que les séquelles résultaient d'un accident médical non fautif. Le directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a, par une décision du 30 juin 2016, refusé de faire une offre d'indemnisation. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler cette décision et de condamner l'Office à lui verser une indemnité de 635 003,52 euros en réparation de ses préjudices. Mme D... relève appel du jugement du 23 octobre 2018 par laquelle le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur l'engagement de la solidarité nationale :
2. En premier lieu, la décision du directeur de l'ONIAM du 30 juin 2016 a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de Mme D... qui, en formulant les conclusions analysées au point 1, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux.
3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002 : " Les dispositions du titre IV du livre 1er de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 de la présente loi, à l'exception du chapitre 1er de l'article L. 1142-2 de la section 5 du chapitre II, s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée ". Il résulte de ces dispositions, qui sont intervenues pour préciser les modalités d'entrée en vigueur de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002, que le régime de réparation des préjudices des patients, et, en cas de décès, de leurs ayants droit au titre de la solidarité nationale, institué par les articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique, ne s'applique qu'aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des actes réalisés à compter du 5 septembre 2001, même s'ils font l'objet d'une instance en cours. Il n'est en revanche pas applicable aux procédures en cours relatives à des accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés avant cette date.
4. D'autre part, aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa version alors applicable : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient (...) au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. (...) ".
5. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée par la CRCI de Rhône-Alpes, que si le glaucome malin, à l'origine de la perte définitive de toute fonction visuelle de l'oeil gauche de Mme D..., constitue une affection iatrogène survenue en juin 1999 à la suite de la greffe de cornée réalisée le 26 mai 1999, la requérante a développé de nouveaux épisodes glaucomateux à la suite de chacune des greffes successives de cornée qu'elle a subies, les 16 février 2004 et 19 mai 2005. Toutefois, si ces actes de soins à la suite desquels Mme D... a de nouveau connu une résurgence du glaucome ont été pratiqués après le 5 septembre 2001, la patiente était, eu égard à son hypertonie initiale et à la poussée de glaucome consécutive à la greffe de cornée réalisée le 26 mai 1999, particulièrement exposée à ce risque de récidive du glaucome, diagnostiqué avant le 5 septembre 2001. Dans ces conditions, les conséquences dommageables des interventions chirurgicales réalisées à compter du 5 septembre 2001 ne peuvent, dans les circonstances de l'espèce, être regardées comme constituant des conséquences anormales au regard de l'état de santé initial de Mme D... lors de la première de ces interventions, en 1999, et de son évolution prévisible à compter de cette date. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'ONIAM est engagée sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Il suit de là que l'ONIAM est fondé à demander à être mis hors de cause.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : L'ONIAM est mis hors de cause.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
2
N° 19LY00509