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24/09/2020 | FRANCE | N°19LY00079

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 24 septembre 2020, 19LY00079


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui payer une indemnité totale de 54 455,82 euros en réparation des conséquences dommageables de sa prise en charge à compter du 17 décembre 2013 aux Hospices civils de Lyon et de mettre à la charge de l'ONIAM les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice a

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Par un jugement n° 1601922 du 13 novembre 2018, le tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui payer une indemnité totale de 54 455,82 euros en réparation des conséquences dommageables de sa prise en charge à compter du 17 décembre 2013 aux Hospices civils de Lyon et de mettre à la charge de l'ONIAM les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601922 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande et a mis les dépens pour moitié à la charge de M. A... et de l'ONIAM.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2019, M. B... A..., représenté par Me Truffaz, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601922 du 13 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui payer une indemnité totale de 54 455,82 euros en réparation des conséquences dommageables de sa prise en charge à compter du 17 décembre 2013 aux Hospices civils de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que la mention d'un rejet au fond pour le sens des conclusions du rapporteur public ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- sont réunies en l'espèces les conditions d'indemnisation au titre de la solidarité nationale posées au premier alinéa du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, en particulier le caractère anormal du dommage au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état ; en effet,

la complication de douleurs neuropathiques dont il souffre est en rapport avec un acte de soins ;

il justifie d'un arrêt temporaire de ses activités professionnelles pendant plus de six mois consécutifs ;

les douleurs neuropathiques ont eu des conséquences anormales au regard de son état de santé de comme de son évolution prévisible, dès lors que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a évalué entre 3 % et 5 % la fréquence des complications de douleurs neuropathiques postopératoires ;

- s'agissant de ses préjudices patrimoniaux, il a droit :

à une indemnité de 3 789,82 euros en réparation de ses pertes de revenus professionnels du 19 janvier 2015 au 9 mai 2015 ;

à une somme de 25 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

- s'agissant de ses préjudices extrapatrimoniaux, il a droit :

à une somme de 1 816 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

à une somme de 4 500 euros au titre des souffrances endurées et évaluées à 3/7 par l'expert ;

à une somme de 7 350 euros au titre du déficit fonctionnel permanent évalué à 7 % par l'expert ;

à une somme de 7 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément ;

à une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice sexuel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2019 l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la SELARLU Olivier Saumon, avocat, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que les prétentions de M. A... soient réduites à de plus justes proportions.

Il fait valoir que :

- les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, il aurait seulement droit :

à une somme de 1 362 euros au titre des souffrances endurées ;

à une somme de 800 euros en réparation du préjudice d'agrément ;

à une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice sexuel.

Un mémoire, enregistré le 6 mai 2020 et présenté pour M. A..., n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 30 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. A... relève appel du jugement n° 1601922 du 13 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale des conséquences dommageables de sa prise en charge à compter du 17 décembre 2013 aux Hospices civils de Lyon.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de les mettre en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

3. Il ressort du relevé de l'application " Sagace " que le sens des conclusions du rapporteur public, tendant au rejet au fond de la demande de première instance de M. A..., a été mis en ligne le 19 octobre 2018 à 18 heures, en vue de l'audience se tenant le 23 octobre 2018 à 9 heures. Le rapporteur public ayant ainsi indiqué aux parties le sens de ses conclusions, en indiquant les éléments du dispositif de la décision qu'il comptait proposer à la formation de jugement d'adopter, dans un délai raisonnable avant l'audience, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Selon le premier alinéa de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.

6. Il est constant que M. A..., né le 4 mars 1969, a présenté, à la suite d'un effort de soulèvement exercé le 4 décembre 2013, une hernie inguinale droite qui a été traitée chirurgicalement par voie inguinale avec pose de renfort prothétique selon la technique de Lichtenstein le 8 janvier 2014 par un praticien du service de chirurgie générale et digestive de l'Hôpital de la Croix-Rousse des Hospices civils de Lyon et qu'à la suite de cette intervention chirurgicale, sont apparues des douleurs neuropathiques chroniques invalidantes du pli inguinal droit. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport du 1er octobre 2015 de l'expertise ordonnée le 24 juin 2015 par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, que, si le patient avait renoncé à cette intervention, il se serait exposé à l'augmentation des douleurs à l'effort, à l'accroissement de la taille de la hernie inguinale droite et à un étranglement. Dans ces conditions, l'intervention du 8 janvier 2014 n'a pas entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles M. A... était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement.

7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la douleur neuropathique chronique est la principale complication du traitement chirurgical de la hernie inguinale, que son incidence est de 10 % à 20 % avec une moyenne de 13 % la première année et que le taux résiduel de douleurs chroniques est évalué entre 3 % et 5 %. Dans ces conditions, ne présentait pas une probabilité faible le risque de survenue de douleurs neuropathiques telles que celles subies par l'intéressé et constatées par l'expert le 15 septembre 2015, soit moins de deux ans par rapport à l'opération en cause. Par suite, comme l'a retenu le tribunal administratif de Lyon, l'intervention du 8 janvier 2014 ne peut être regardée comme ayant généré pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les dépens :

9. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. "

10. Les dépens, qui comprennent les frais et honoraires de l'expertise ordonnée le 24 juin 2015 par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, liquidés et taxés à la somme de 1 350 euros, doivent, dans les circonstances de l'espèce, être laissés pour moitié à la charge de M. A... et pour l'autre moitié à la charge de l'ONIAM.

Sur les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les dépens, qui comprennent les frais et honoraires de l'expertise ordonnée le 24 juin 2015 par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, sont laissés pour moitié à la charge de M. A... et pour l'autre moitié à la charge de l'ONIAM.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 septembre 2020.

2

N° 19LY00079


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00079
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : TRUFFAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-24;19ly00079 ?
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