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07/09/2020 | FRANCE | N°19LY00519

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 07 septembre 2020, 19LY00519


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1701736 du 14 décembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 février 2019, le 11 septembre 2019 et le 13 janvier 2020, M

. et Mme F..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1701736 du 14 décembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 février 2019, le 11 septembre 2019 et le 13 janvier 2020, M. et Mme F..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 14 décembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration ne pouvait mettre en oeuvre la procédure d'évaluation d'office, dès lors que la mise en demeure a été adressée à la société polonaise Adrian F... ACS 21 et non à M. F..., qu'ils avaient déjà souscrit des déclarations de bénéfices industriels et commerciaux et qu'ils ont ainsi été induits en erreur sur la portée de cette mise en demeure ;

- la vérification de comptabilité est irrégulière, dès lors que l'avis de vérification de comptabilité a été envoyé à la société Adrian F... ACS 21 et non à M. F... ;

- l'administration a engagé le 27 février 2015 une nouvelle vérification de comptabilité sans adresser à M. F... un avis de vérification en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration l'a privé de la garantie tenant à la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- c'est à tort que l'administration a imposé entre les mains de M. F... les bénéfices réalisés par la société polonaise Adrian F... ACS 21 dès lors que cette société n'existe pas ;

- les bénéfices en litige ont été réalisés par l'établissement stable polonais de son entreprise individuelle française et ont déjà été imposés en Pologne ;

- l'administration a méconnu l'article 7 de la convention fiscale conclue entre la France et la Pologne ;

- les impositions de l'année 2011 de l'entreprise individuelle française sont prescrites ;

- l'administration ne pouvait lui infliger des majorations pour manquement délibéré ;

Par des mémoires, enregistrés le 19 juillet 2019 et 17 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer, à hauteur des sommes dégrevées, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que, par décision du 8 juillet 2019, il a prononcé le dégrèvement du complément d'impôt sur le revenu de l'année 2011, à hauteur de la somme de 9 137 euros, et pour le surplus, que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que, dans l'hypothèse où la cour déchargerait les cotisations d'impôt sur le revenu procédant de l'imposition en France des bénéfices de l'établissement stable de la société polonaise Adrian F... ACS21, M. F..., qui ne dépasserait plus, à raison de la seule activité d'entrepreneur individuel déclarée, les limites d'imposition du régime de micro-BIC, devrait de plein droit être imposé selon ce régime et ainsi être déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, et des majorations correspondantes, résultant du dépassement du seuil du régime d'imposition de micro-BIC.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention fiscale conclue entre la France et la Pologne signée le 20 juin 1975 et publiée par le décret n° 76-1075 du 24 novembre 1976 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme G..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. F... exerçait à titre individuel une activité de négoce de véhicules et de courtage à Lamarche-sur-Saône (Côte-d'Or) à raison de laquelle il a été imposé, au titre des années 2011, 2012 et 2013 selon le régime d'imposition des microentreprises de l'article 50-0 du code général des impôts, applicable aux contribuables dont le chiffre d'affaires n'excède pas certaines limites. Estimant qu'il était également le gérant et l'associé d'une société polonaise dénommée Adrian F... ACS 21, l'administration est intervenue, le 8 juillet 2014, sur le fondement de la procédure de visite et de saisie de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans les locaux de Lamarche-sur-Saône susceptibles d'être occupés par cette société. Le 4 novembre 2014, elle a envoyé à M. F..., en tant que représentant légal de la société Adrian F... ACS 21, d'une part, une mise en demeure de souscrire des déclarations de résultats n° 2031 au titre des années 2011, 2012 et 2013, et d'autre part, un avis de vérification de comptabilité de la société Adrian F... ACS 21 portant sur les années en 2011, 2012 et 2013. A la suite de ce contrôle et de renseignements obtenus des autorités polonaises dans le cadre d'une demande d'assistance internationale faite le 8 décembre 2014, le vérificateur a estimé que la société Adrian F... ACS 21 disposait en France, depuis sa création en 2011, d'un établissement stable à partir duquel elle exerçait une activité d'achat revente de véhicules neufs et de courtage et a procédé à une reconstitution de ses résultats imposables, lesquels ont été assignés à la société par notification n° 3924 du 12 mai 2015, en application de la procédure d'évaluation d'office prévue au 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales. Estimant que M. F... exploitait deux entreprises ayant une activité identique dont le chiffre d'affaires cumulé excédait les limites prévues pour l'application du régime des micro-entreprises, l'administration a remis en cause le régime des micro-entreprises sous le bénéfice duquel il s'était placé pour l'imposition de son entreprise individuelle et a inclus dans le revenu imposable de M. et Mme F... des années 2011, 2012 et 2013, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des sommes de, respectivement, 80 611 euros, 83 883 euros et 87 284 euros correspondant au montant cumulé des résultats de l'entreprise individuelle déterminés selon le régime réel et des résultats de la société, au moyen d'une proposition de rectification n° 2120 du 12 mai 2015, laquelle a, par ailleurs, réintégré dans le revenu imposable du foyer fiscal de l'année 2013 une somme de 5 468 euros correspondant au résultat de l'activité individuelle de M. F... que celui-ci avait mentionné dans une déclaration de résultat n° 2031 sans le reporter dans la déclaration d'ensemble de revenus. Les compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme F... ont été assujettis en conséquence de ces redressements ont été assortis de la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts s'agissant des impositions procédant des rectifications se rapportant à la société Adrian F... ACS 21 et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code s'agissant des autres chefs de redressement. M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 14 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande de décharge de ces impositions supplémentaires.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 8 juillet 2019, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur du contrôle fiscal centre-est a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'un montant total de 9 137 euros, des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme F... ont été assujettis au titre de l'année 2011 et des majorations correspondantes. Les conclusions de la requête dirigées contre ces impositions et majorations sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne le principe de l'imposition :

3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / (...) ". Pour l'application des dispositions précitées du a du 1 de l'article 4 B, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.

4. Il n'est pas contesté que M. F... résidait en France au titre des années 2011, 2012 et 2013. Il est constant qu'il s'agit du lieu où il habitait normalement et où il avait le centre de ses intérêts familiaux. Il s'ensuit qu'il doit être regardé comme ayant établi son foyer en France au sens des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts précité. Il était dès lors imposable en France au titre des années 2011, 2012 et 2013 à raison de l'ensemble de ses revenus en vertu des dispositions précitées de l'article 4 A du même code, sauf stipulations conventionnelles contraires.

5. En second lieu, aux termes de l'article 1er de la convention fiscale conclue entre la France et la Pologne le 20 juin 1975 : " La présente Convention s'applique aux personnes qui sont des résidents d'un Etat contractant ou de chacun des deux Etats. " Aux termes de l'article 7 de la convention : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. ". Enfin, aux termes de l'article 5 de la convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. /2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a) Un siège de direction ; b) Une succursale ; c) Un bureau d'affaires commerciales (...) ".

6. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des résultats de la demande d'assistance administrative internationale exercée auprès des autorités fiscales polonaises ainsi que des éléments recueillis par l'administration fiscale lors de la procédure de visite et de saisie organisée au domicile de M. F... situé 24 impasse des Côteaux à Lamarche-sur-Saône le 8 juillet 2014, que l'administration a constaté qu'une entité, dénommée Adrian F... ACS 21, avait réalisé sur le territoire français, depuis le domicile de M. F..., des opérations de vente de véhicules, acquis auprès de fournisseurs situés en Estonie, Slovénie, Slovaquie, Italie, Lettonie, Roumanie ou Pologne, à des professionnels situés en France ou dans d'autres pays en Europe, ainsi que des opérations d'intermédiaire dans le négoce de véhicules. Si l'administration a considéré à tort que cette entité était une société, alors qu'il résulte de l'instruction, et, notamment, des résultats de la demande d'assistance administrative internationale exercée auprès des autorités fiscales polonaises, que l'entité créée en Pologne par M. F..., le 7 avril 2011, n'était pas une personne morale mais une entreprise individuelle, enregistrée comme étant exploitée par une personne physique à son propre nom et pour son propre compte, et dont le siège est situé à 28 Pukka Wejherowo (Pologne), cette circonstance est sans incidence sur la réalité des opérations effectuées par cette entreprise sur le territoire français.

7. A cet égard, l'administration a relevé, lors de la procédure de visite et de saisie, l'existence de documents, conservés sur l'ordinateur portable de M. F..., tels que des factures, bons de commande et courriers divers adressés par l'entreprise Adrian F... ACS 21 à ses fournisseurs et à ses clients, ainsi que des timbres humides établis au nom de l'entreprise. Ces documents ont mis en évidence que l'activité de cette dernière était exercée par M. F... à partir du bureau situé dans son domicile, où il disposait des moyens matériels, et, notamment, d'un ordinateur portable et d'un téléphone qu'il a utilisés pour contacter les clients et les fournisseurs en vue de négocier les modalités de transaction, de paiement et de livraison. Si M. et Mme F... font valoir que cette activité était en réalité réalisée au siège de l'entreprise en Pologne, il résulte de l'instruction et, notamment, de la réponse des autorités polonaises fournie dans le cadre de l'assistance administrative internationale que le bureau, d'une superficie limitée à 1,5 m2 , sous-loué à l'entreprise, pour un loyer mensuel de 12,50 euros, par le cabinet comptable Barbara Kurylo, chargé de la tenue de la comptabilité de l'entreprise, n'était pas pourvu des équipements permettant l'exercice de l'activité en cause. En outre, l'administration fait valoir, sans être contredite, que l'activité de l'entreprise, qui n'employait aucun salarié, était le fait de M. F... et que l'analyse des notes de frais de déplacement comptabilisées démontre que ce dernier ne se rendait en Pologne, en moyenne, qu'à deux reprises par an, pour des séjours limités à quelques jours et qu'il effectuait ainsi son activité depuis son domicile en France.

8. Il résulte ainsi de l'instruction que M. F... résidait en France de façon permanente, que l'activité en cause a été effectuée depuis son domicile durant l'ensemble de la période en litige, et que le local utilisé par l'entreprise exploitée en France présentait ainsi un caractère suffisant de permanence.

9. Enfin, il résulte de l'instruction que les coordonnées téléphoniques figurant sur le site internet de l'entreprise, www.acs21.com, de même que celles indiquées sur les courriers électroniques envoyés par cette dernière correspondent au numéro de téléphone portable de M. F..., qu'il utilisait depuis la France. L'administration fait également valoir, sans être contredite, que la majorité des appels donnés depuis ce téléphone portable étaient des appels internationaux, que le règlement des différentes opérations était effectué par des virements bancaires dont les ordres étaient passés par M. F... lui-même et que, dans le cadre d'un litige avec un client, l'entreprise a communiqué à ce dernier l'adresse personnelle du requérant à Lamarche-sur-Saône.

10. Dans ces conditions, l'intégralité de l'activité de l'entreprise, et, notamment, la recherche de véhicules, l'établissement des contacts avec les clients et les fournisseurs, la facturation, la livraison ainsi que la gestion des flux financiers étaient gérés depuis le domicile de M. F... en France. Ainsi, il résulte de tout ce qui précède que l'administration a réuni suffisamment d'éléments permettant d'établir qu'au titre des années en litige, l'entreprise Adrian F... ACS 21 exploitait en France un établissement stable. Par suite, elle était fondée à imposer M. F... en France à raison des bénéfices réalisés par cet établissement stable.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ".

12. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des mentions figurant sur la proposition de rectification n° 3924 du 12 mai 2015 adressée à M. F... en sa qualité de représentant de la société Adrian F... ACS 21, que cette dernière a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 21 novembre 2014 au 6 mai 2015. Il est constant que M. F... a été avisé de ce contrôle par un avis de vérification de comptabilité adressé à son domicile situé 24 impasse des Côteaux à Lamarche-sur-Saône le 4 novembre 2014.

13. D'une part, M. et Mme F... soutiennent que l'avis de vérification de comptabilité aurait dû être adressé à M. F... en tant qu'entrepreneur individuel. Il résulte toutefois de ce qui a été dit précédemment que l'entreprise Adrian F... ACS 21 a exercé une activité de négoce de véhicules à partir d'un établissement stable situé en France au domicile de M. F.... Il est constant que M. F... a reçu l'avis de vérification de comptabilité portant sur les bénéfices réalisés à partir de cet établissement stable, lequel a été envoyé à son nom et à son domicile. Dans ces conditions, et alors même que l'avis de vérification de comptabilité a été adressé à M. F... en sa qualité de représentant de la société Adrian F... ACS 21, les requérants, qui ont été averti du contrôle, n'ont été privé d'aucune garantie. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière.

14. D'autre part, l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un membre d'une profession non commerciale lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise ou ce contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude.

15. Il est constant que l'administration a reçu, le 25 février 2015, la réponse des autorités polonaises à la demande d'assistance administrative internationale qui leur avait été envoyée le 8 décembre 2014. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la réception d'une telle pièce, qui, au demeurant, est intervenue avant l'achèvement de la vérification de comptabilité commencée le 21 novembre 2014, ne saurait être regardée comme révélant l'engagement d'une nouvelle vérification de comptabilité justifiant l'envoi d'un nouvel avis de vérification de comptabilité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette obligation ne peut qu'être écarté.

16. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales : " I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte :1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition (...) II. - Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit. "

17. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des observations formulées par M. et Mme F... le 7 juillet 2015 à la suite de la réception de la proposition de rectification n° 2120 du 12 mai 2015, ainsi que du courrier du 17 août 2015 par lequel les requérants ont sollicité la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, que les observations formulées par les requérants avaient trait uniquement à la détermination des revenus tirés d'un établissement stable par une société de personnes étrangère et au bien-fondé de l'application du régime des auto-entrepreneurs. Ainsi le litige opposant les contribuables à l'administration portait sur le principe de l'imposition en France des bénéfices réalisés par l'entreprise Adrian F... ACS 21 et sur le régime d'imposition de ces bénéfices. Un tel litige, qui n'a pas trait au montant du bénéfices industriels et commerciaux déterminé selon le mode réel d'imposition, est relatif à une question de droit ne relevant pas du champ de compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Dans ces conditions, en s'abstenant de saisir cette commission, l'administration fiscale n'a entaché la procédure d'imposition d'aucune irrégularité.

18. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°. " Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure (...) 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 ". Enfin, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 169 du même livre : " Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. "

19. L'administration a évalué d'office les résultats de l'entreprise Adrian F... ACS 21 au titre des années 2011, 2012 et 2013, au motif que l'entreprise n'avait pas déposé de déclaration de résultat en dépit d'une mise en demeure, datée du 4 novembre 2014, et ne s'était pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce à raison des activités de négoce de véhicules et de courtage qu'elle avait déployées en France depuis un établissement stable au titre des années en cause. M. et Mme F... soutiennent que la mise en demeure du 4 novembre 2014 est irrégulière, dès lors qu'elle ne portait que sur les déclarations n° 2031 des résultats des années 2011, 2012 et 2013 que M. F... avait déjà souscrites, et qu'ainsi, cette mise en demeure était de nature à les induire en erreur sur l'étendue de leurs obligations déclaratives.

20. Il résulte de l'instruction, et notamment des mentions de la proposition de rectification n° 2120 du 12 mai 2015 adressée à M. et Mme F..., et n'est d'ailleurs pas contesté par l'administration, que M. F... a déclaré en France une entreprise individuelle exerçant les activités d'achat-revente de véhicules et de courtage et qu'il a déclaré les résultats de cette entreprise individuelle, qui exerce ainsi une activité d'une nature identique à celle de l'entreprise Adrian F... ACS 21, dans la déclaration de revenu global souscrite par lui-même et par son épouse au titre des années 2011 et 2012, et dans une déclaration n° 2031 souscrite au titre de l'année 2013. Il est constant que cette mise en demeure a été adressée à M. F... en sa qualité de représentant de la société Adrian F... ACS 21. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 13, M. F... a été rendu destinataire, le même jour, d'un avis de vérification de comptabilité portant sur les résultats de la société Adrian F... ACS 21, non sur ceux, qu'il avait déclarés, de son entreprise individuelle. Dans de telles conditions, l'administration ne pouvait se borner, comme elle l'a fait, à adresser, le 4 novembre 2014, une mise en demeure de souscrire " la déclaration n° 2031 des résultats " mais devait mettre M. F... en demeure de souscrire une déclaration relative à l'ensemble de son activité incluant les résultats de l'entité polonaise. Par suite, la mise en demeure du 4 novembre 2014, qui a été de nature à induire en erreur M. F..., était irrégulière. Une telle irrégularité est de nature à vicier la procédure à l'issue de laquelle l'administration a arrêté les bénéfices réalisés par l'établissement stable de l'entreprise Adrian F... ACS 21.

21. Toutefois, il est constant que l'administration a mis en oeuvre la procédure contradictoire pour rectifier le revenu global de M. et Mme F... à la suite de la réintégration dans les revenus du foyer fiscal des bénéfices industriels et commerciaux réalisés par l'entreprise Adrian F... ACS 21. Il résulte de l'instruction que l'administration a adressé le 12 mai 2015 à M. et Mme F... une proposition de rectification n° 2120, dont il n'est pas soutenu qu'elle n'était pas suffisamment motivée, qui offrait aux contribuables la possibilité de faire valoir leurs observations dans un délai de trente jours. Les requérants ayant fait usage de cette faculté le 7 juillet 2015, l'administration leur a répondu le 30 juillet 2015. Cette réponse aux observations du contribuable indiquait expressément qu'ils avaient la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Par suite, M. et Mme F... ont bénéficié de l'ensemble des garanties tenant à la procédure contradictoire. La circonstance que la procédure d'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux réalisés par l'établissement stable de l'entreprise Adrian F... ACS 21 ait été suivie irrégulièrement est, par suite, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition à l'issue de laquelle les compléments d'impôt sur le revenu en litige ont été assignés à M. et Mme F....

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

22. Il résulte de l'instruction que les bénéfices réalisés par l'entreprise Adrian F... ACS 21 au titre de la période en litige sont distincts de ceux déclarés par M. F... à raison de son activité d'entrepreneur individuel en France. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 10 que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les bénéfices en litige ont été réalisés par l'établissement stable polonais de l'entreprise individuelle que M. F... exploitait en France. En outre, si les requérants soutiennent que les bénéfices de l'entreprise Adrian F... ACS 21 ont déjà été imposés en Pologne, ils n'apportent à l'instance aucune précision ni aucun justificatif de nature à l'établir. Dans ces conditions, M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que les bénéfices réalisés par l'entreprise auraient subi une double imposition.

Sur les majorations :

23. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré ".

24. M. et Mme F... contestent la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts dont ont été assortis les compléments d'impôt sur le revenu résultant de l'activité d'auto-entrepreneur de M. F... déclarée en France. Pour justifier l'application de cette majoration, l'administration a relevé que M. F... avait exercé en France une activité imposable au travers de l'établissement stable de la société Adrian F... ACS 21, dont l'existence n'avait pas été révélée aux autorités françaises, et que c'est en toute connaissance de cause que le requérant avait minoré ses déclarations de revenus. En se fondant sur ces éléments, qui démontrent que M. F... ne pouvait ignorer que les résultats de l'activité de l'entreprise Adrian F... ACS 21, exercée en France, devaient être déclarés, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de M. F... d'éluder l'impôt dû, sans que ce dernier puisse utilement se prévaloir d'un courrier électronique de l'administration fiscale du 6 septembre 2012, lequel concerne uniquement les modalités d'imposition de ses revenus salariaux. Par suite, c'est à bon droit que le service a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. F... a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 demeurant en litige de la majoration pour manquement délibéré.

25. Il résulte de ce qui précède, et sous réserve du dégrèvement intervenu en cours d'instance, que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

26. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme F... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : A concurrence d'une somme de 9 137 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel M. et Mme F... ont été assujettis au titre de l'année 2011 et des majorations correspondantes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. et Mme B... F... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme C..., présidente-assesseure,

Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 septembre 2020.

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N° 19LY00519

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00519
Date de la décision : 07/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-02-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Taxation d'office. Pour défaut ou insuffisance de déclaration.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : TAUZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-07;19ly00519 ?
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