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25/08/2020 | FRANCE | N°18LY04610

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 25 août 2020, 18LY04610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... G... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Gautier à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de provision à valoir sur l'entier préjudice résultant de la chute dont elle a été victime au sein de cet établissement le 9 novembre 2015 et d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale afin d'évaluer son préjudice.

La caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des tr

availleurs indépendants d'Auvergne, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... G... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Gautier à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de provision à valoir sur l'entier préjudice résultant de la chute dont elle a été victime au sein de cet établissement le 9 novembre 2015 et d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale afin d'évaluer son préjudice.

La caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Auvergne, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'EHPAD Gautier à lui rembourser la somme de 1 071,75 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2018.

Par un jugement n° 1600614 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2018, et des mémoires complémentaires enregistrés les 5 décembre 2019 et 21 février 2020, Mme G..., représentée par Me D..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, :

1°) d'annuler le jugement du 16 octobre 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de dire que l'EHPAD Gautier est responsable de la chute dont elle a été victime le 9 novembre 2015 en raison de la glissance du sol de l'établissement ;

3°) d'ordonner une expertise avant-dire droit aux fins de déterminer les préjudices subis et d'ordonner une expertise comptable de l'activité qu'elle a dû cesser pour définir sa perte financière ;

4°) de condamner l'EHPAD Gautier à lui verser une provision de 30 000 euros ;

5°) de mettre les frais d'expertise à la charge de l'EHPAD ;

6°) de mettre à la charge de l'EHPAD Gautier la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'accident est survenu dans les locaux de l'EHPAD en raison du sol glissant et humide des couloirs ; la directrice de l'EHPAD a indiqué qu'une personne était en train de nettoyer le sol du couloir qui était humide et glissant ;

- l'établissement reconnaît qu'aucune signalisation particulière sur le caractère humide et glissant du sol n'avait été mise en place pour que les usagers du couloir puissent s'en rendre compte et ce alors que le couloir n'était pas éclairé ; par suite, selon les règles de la responsabilité civile de droit commun et celles de la responsabilité de la puissance publique, faute de précaution, la responsabilité de l'établissement ne peut qu'être retenue ; il existe un défaut d'entretien normal ;

- le sol n'était pas dans un état normal en raison du nettoyage ; l'usager d'un EHPAD ne peut, dans le cadre du fonctionnement normal de celui-ci, s'attendre à ce que les sols soient glissants contrairement à ce qu'il en est des piscines ; un ancien agent de l'établissement atteste que des chutes étaient intervenues au sein de l'établissement ;

- ce n'est pas l'existence d'un charriot à plus de 20 mètres de l'endroit où elle a glissé qui peut satisfaire à l'obligation de signalisation ; la longueur du couloir est d'au moins 16 mètres ; le charriot en question n'était pas un charriot de ménage mais un charriot de soins ; l'éclairage du couloir était faible ;

- l'obstruction de l'établissement quant à la communication de la déclaration d'accident à son assurance confirme l'absence de précaution de l'établissement.

- elle n'a pas été imprudente ;

- à la suite de sa chute, elle a été contrainte à un arrêt de travail et l'accident a eu des répercussions physiques et financières ; elle est fondée à solliciter une provision de l'ordre de 30 000 euros et une expertise médicale ; ses préjudices sont en lien avec sa chute.

Par des mémoires, enregistrés le 11 mars 2019 et le 4 février 2020, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, représentée par Me A..., conclut à la condamnation de l'EHPAD Gautier à lui rembourser les débours engagés à hauteur de 1 071,75 euros, somme assortie des intérêts au taux légal, à ce que sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion soit réservée dans l'attente de la fixation définitive des débours ; à ce qu'il lui soit donné acte de ses réserves pour obtenir le remboursement des prestations qu'elle pourrait être amenée à verser ultérieurement à son assurée assorties des intérêts au taux légal à compter de l'engagement de la dépense ; à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'EHPAD Gautier en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- elle sollicite le remboursement des débours engagés ;

- elle formule des réserves quant aux débours relatifs à une éventuelle pension d'invalidité, au préjudice de perte de gains professionnels futurs et à l'incidence professionnelle.

Par des mémoires, enregistrés les 5 et 31 décembre 2019, l'EHPAD Gautier, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme G... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens et, à titre subsidiaire, si la cour retenait sa responsabilité, elle ne s'oppose pas à la mesure d'expertise sollicitée et sollicite le rejet de la demande d'indemnité provisionnelle.

Il soutient que :

- la présence d'un sol glissant dans les couloirs d'un ouvrage public affecté à l'hébergement des personnes âgées ne caractérise pas un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ; Mme G... ne pouvait ignorer que les couloirs étaient susceptibles d'être nettoyés ; la pause déjeuner n'est pas consacrée au nettoyage des sols ;

- il appartenait à l'intéressée de prendre garde de ne pas glisser et ce alors qu'au moment de l'accident, l'agent d'entretien était en train de nettoyer le sol et que son chariot était dans le couloir ; le chariot n'était pas situé à 20 mètres, le couloir mesurant 10 mètres ; si la requérante indique qu'il s'agit d'un chariot de soins et non de ménage, cette affirmation est formulée pour la première fois en appel et l'attestation de Mme E... par laquelle elle indique qu'elle effectuait le lavage du couloir ne peut être remise en cause ;

- la directrice de l'établissement a seulement reconnu qu'au moment de la chute, un agent effectuait le nettoyage du sol du couloir ;

- l'établissement n'a jamais été destinataire de plaintes pour des chutes qui n'auraient pas été prises en charge par son assurance ; les seules chutes qui ont pu survenir ont pour origine la situation médicale des personnes intéressées ; aucun crédit ne peut être accordé à l'attestation versée aux débats ;

- si la cour retenait sa responsabilité, la demande de provision devra être rejetée dès lors que les pièces médicales versées au dossier ne permettent pas d'établir le lien de causalité entre la cessation de l'activité de Mme G... et sa chute dans l'établissement et aucune pièce comptable n'est versée pour justifier l'octroi d'une provision de 30 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Le 9 novembre 2015, vers 15h00, alors qu'elle rendait visite à une amie hébergée au sein de l'EHPAD Gautier situé dans la commune de Beauregard l'Evêque, Mme G... a été victime d'une fracture du poignet gauche après avoir chuté en sortant de la chambre 201, en raison du caractère glissant du sol en cours de nettoyage. Le 6 janvier 2016, la directrice de l'établissement a informé Mme G... que son accident ne ferait l'objet d'aucune prise en charge par son assureur. Mme G... et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Auvergne, relèvent appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes.

Sur la responsabilité de l'EHPAD Gautier :

2. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

3. Il résulte de l'instruction que la chute de Mme G... a été provoquée par l'état glissant du sol qui venait d'être lavé par le service d'entretien, sans qu'il soit établi par l'attestation, insuffisamment circonstanciée, d'un ancien agent technique de l'établissement qui fait état de plusieurs chutes antérieures à l'accident de Mme G..., ni même allégué que cette glissance revêtait un caractère anormal. Cette opération de nettoyage, à supposer même qu'elle aurait été effectuée à un horaire inhabituel, s'est produite alors qu'il faisait jour et l'établissement indique, sans être sérieusement contredit, que le couloir était éclairé par une fenêtre dégagée existant à proximité de la chambre 201, peu important, dans ces conditions, la circonstance que l'éclairage du couloir ne fonctionnait pas le jour de l'accident. Si Mme G... fait valoir qu'aucun panneau de signalisation n'avait été mis en place et que le charriot présent dans le couloir n'était pas un charriot de ménage mais un charriot de soins, de sorte que son attention n'a pas été appelée par le risque de glissance du sol, l'agent d'entretien de l'EHPAD a attesté qu'elle procédait au nettoyage du couloir au niveau des chambres 202-203 au moment où Mme G... est sortie de la chambre 201. Par suite, la requérante ne pouvait ignorer qu'une opération de nettoyage était en cours. Ainsi Mme G... n'a pas été exposée à des risques qui excèderaient, par leur importance, ceux contre lesquels les usagers de l'établissement doivent se prémunir en prenant les précautions nécessaires. Par suite, les conséquences dommageables de la chute subie par la requérante résultent de la seule faute d'inattention qu'elle a commise.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme G... et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes indemnitaires.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, au titre des frais exposés par Mme G... et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, et non compris dans les dépens, à la charge de l'EHPAD Gautier qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme G... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme le versement à l'EHPAD Gautier de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme G... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'EHPAD Gautier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... G..., à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Gautier, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 août 2020.

2

N° 18LY04610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04610
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-02-03 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Régime de la responsabilité. Qualité de tiers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : GESSET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;18ly04610 ?
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