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06/08/2020 | FRANCE | N°18LY02549

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 06 août 2020, 18LY02549


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

- Sous le n° 1702302, la société Enedis a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le titre exécutoire n° 00459 émis à son encontre le 21 juillet 2017 par le président de la Communauté Urbaine Creusot Montceau pour un montant de 6 027,59 euros au titre de la redevance d'occupation provisoire de son domaine public en 2016.

- Sous le n° 1702303, la société Enedis a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le titre exécutoire n° 00458 émis à son encontre le 21 juillet 20

17 par le président de la Communauté Urbaine Creusot Montceau pour un montant de 60 27...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

- Sous le n° 1702302, la société Enedis a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le titre exécutoire n° 00459 émis à son encontre le 21 juillet 2017 par le président de la Communauté Urbaine Creusot Montceau pour un montant de 6 027,59 euros au titre de la redevance d'occupation provisoire de son domaine public en 2016.

- Sous le n° 1702303, la société Enedis a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le titre exécutoire n° 00458 émis à son encontre le 21 juillet 2017 par le président de la Communauté Urbaine Creusot Montceau pour un montant de 60 275,85 euros au titre de la redevance d'occupation de son domaine public en 2016.

Par un jugement n°s 1702302, 1702303 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé ces deux titres exécutoires.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2018, la Communauté Urbaine Creusot Montceau (CUCM), représentée par la SELARL Itinéraires Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 3 mai 2018 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de la société Enedis ;

3°) de mettre à la charge de la société Enedis une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'exception d'illégalité des délibérations du conseil communautaire des 4 novembre 2015 et 28 avril 2016, les dispositions de l'article R. 2333-106 du code général des collectivités territoriales ne lui étant pas applicables ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Dijon, les articles R. 2133-105 et R. 2133-105-2 du code général des collectivités territoriales lui sont directement applicables et ce, en application de l'article L. 5215-24 de ce code et du renvoi opéré par l'article R. 2133-106 du même code ;

- elle est seule concernée par l'implantation des ouvrages de la société Enedis et par la réalisation de travaux sur ces ouvrages ; en tout état de cause, le moyen tiré de l'erreur de droit est inopérant puisqu'il n'a emporté aucune incidence sur les modalités de calcul de la redevance ; la population devant être prise en compte pour le calcul de la redevance d'occupation du domaine public est nécessairement celle de l'établissement public de coopération intercommunale ;

- cette méthode de calcul n'est pas contraire au principe de sécurité juridique dès lors qu'il n'existe aucune " situation consolidée dans le temps " ;

- elle est fondée en droit comme en fait à raisonner par analogie avec les modalités de calcul prévues pour la fixation du montant des redevances d'occupation du domaine public en matière d'électricité s'agissant de l'occupation du domaine public départemental.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2019, la société Enedis, représentée par la SELARL Carbonnier Lamaze Rasle et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la Communauté Urbaine Creusot Montceau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par la communauté urbaine ne sont pas fondés.

Un mémoire présentée pour la Communauté Urbaine Creusot Montceau, enregistré le 17 octobre 2019, n'a pas été communiqué.

Par un courrier du 24 janvier 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de la méconnaissance du champ d'application de l'article L. 2333-84 du code général des collectivités territoriales auquel renvoie l'article L. 323-2 du code de l'énergie, en ce que le régime particulier de redevance d'occupation du domaine public par les ouvrages de transport et de distribution d'électricité qu'il crée et qui est fixé par les articles R. 2333-105 et suivants du code général des collectivités territoriales, s'applique au domaine public communal, y compris lorsqu'il est mis à la disposition d'un établissement public de coopération intercommunale dans les conditions fixées par l'article L. 1321-2 du code général des collectivités territoriales, et non au domaine public intercommunal.

Des réponses à ce moyen d'ordre public ont été présentées les 31 janvier et 3 février 2020 par la Communauté Urbaine Creusot Montceau et la société Enedis.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

- les observations de Me A..., représentant la communauté urbaine Creusot Monceau et celles de Me C..., représentant la société Enedis.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux délibérations des 4 novembre 2015 et 28 avril 2016, le conseil communautaire de la Communauté Urbaine Creusot Montceau (CUCM) a institué des redevances pour l'occupation de son domaine public par les ouvrages de transport et de distribution d'électricité et en a fixé le montant par application des dispositions des articles R. 2333-105, R. 2333-105-1 et R. 2333-105-2 du code général des collectivités territoriales. Sur le fondement de ces délibérations, le président de la CUCM a émis, le 21 juillet 2017, à l'encontre de la société Enedis deux titres exécutoires n°s 458 et 459 d'un montant de 60 275,85 euros et de 6 027,59 euros. Par un jugement du 3 mai 2018, dont la CUCM relève appel, le tribunal administratif de Dijon a annulé ces titres exécutoires.

2. Aux termes de l'article L. 323-2 du code de l'énergie : " Le régime des redevances dues en raison de l'occupation du domaine public des collectivités territoriales par les ouvrages de transport et de distribution d'électricité est fixé par les articles L. 2333-84 à L. 2333-86 et L. 3333-8 à L. 3333-10 du code général des collectivités territoriales (...) ". Aux termes de l'article L. 2333-84 du code général des collectivités territoriales : " Le régime des redevances dues aux communes en raison de l'occupation de leur domaine public par les ouvrages de transport et de distribution d'électricité et de gaz et par les lignes ou canalisations particulières d'énergie électrique et de gaz, ainsi que pour les occupations provisoires de leur domaine public par les chantiers de travaux, est fixé par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Si, en l'absence de réglementation particulière, toute autorité gestionnaire du domaine public est compétente pour délivrer, le cas échéant, des permissions d'occupation de ce domaine et pour fixer le tarif de la redevance due en contrepartie, en tenant compte des avantages de toute nature que le permissionnaire est susceptible de retirer de cette occupation, le législateur, par les dispositions précitées, a confié au pouvoir réglementaire le soin de fixer, par décret en Conseil d'Etat, un régime particulier de redevances d'occupation du domaine public communal par les ouvrages de transport et de distribution d'électricité et de gaz et par les lignes ou canalisations particulières d'énergie électrique et de gaz, ainsi que par des chantiers de travaux relatifs à de tels ouvrages.

4. En vertu de l'article R. 2333-105 du code général des collectivités territoriales, la redevance due chaque année à une commune pour l'occupation de son domaine public par les ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d'énergie électrique est fixée par le conseil municipal dans la limite de plafonds, fixés par cet article selon un barème progressif tenant compte de la population sans double compte de la commune, telle qu'elle résulte du dernier recensement publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Les articles R. 2333-105-1 et R. 2333-105-2 précisent que les redevances dues chaque année à une commune pour l'occupation provisoire de son domaine public par les chantiers de travaux sur des ouvrages du réseau public de transport, d'une part, et de distribution d'électricité, d'autre part, sont fixées par le conseil municipal en tenant compte, pour l'une, de la longueur, exprimée en mètres, des lignes de transport d'électricité installées et remplacées sur le domaine public communal et mises en service au cours de l'année précédant celle au titre de laquelle la redevance est due, et pour l'autre, du plafond de redevance due par le gestionnaire du réseau de distribution au titre de l'article R. 2333-105.

5. L'article R. 2333-106 du même code précise que " Lorsqu'une partie du domaine public communal est mise à la disposition d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un syndicat mixte, dans les conditions fixées à l'article L. 1321-2 du présent code, la commune, l'établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte fixent, chacun en ce qui le concerne, le montant des redevances dues pour l'occupation du domaine public qu'ils gèrent par les ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d'énergie ou par les chantiers de travaux sur ces ouvrages. (...) ".

6. Les articles L. 5211-5, L. 5211-17 et L. 5211-18 du même code portant respectivement sur la création, les modifications relatives aux compétences et celles relatives au périmètre et à l'organisation des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), quel que soit leur statut, entraînent de plein droit l'application des trois premiers alinéas de l'article L. 1321-1 de ce code qui rendent obligatoire la mise à disposition de l'établissement public des biens meubles et immeubles nécessaires à l'exercice des compétences transférées ainsi que, en vertu du premier alinéa de l'article L. 1321-2 auquel renvoie l'article R. 2333-106 précité, l'ensemble des obligations du propriétaire qui y sont attachées et les droits y afférents, en particulier celui de percevoir les fruits et produits des biens mis à disposition. Néanmoins, selon l'article L. 5215-28 du code général des collectivités territoriales applicable aux communautés urbaines : " Les immeubles et meubles faisant partie du domaine public des communes appartenant à l'agglomération sont affectés de plein droit à la communauté urbaine, dès son institution, dans la mesure où ils sont nécessaires à l'exercice des compétences de la communauté. / Le transfert définitif de propriété ainsi que des droits et obligations attachés aux biens transférés est opéré par accord amiable. / A défaut d'accord amiable, un décret en Conseil d'Etat, (...) procède au transfert définitif de propriété au plus tard un an après les transferts de compétences à la communauté urbaine. (...) "

7. Il résulte de l'instruction que la CUCM, créée par décret du 13 janvier 1970, exerce en application de l'article L. 5215-20-1 du code général des collectivités territoriales, la compétence obligatoire " voirie et signalisation ". En application de l'article L. 5215-28 précité, l'ensemble de la voirie communale des vingt-sept communes membres de la CUCM en 2016 a fait l'objet d'un transfert en pleine propriété à cet EPCI, par conventions successives.

8. En application de l'article L. 5215-24 du code général des collectivités territoriales, " Le transfert de compétences à la communauté urbaine emporte transfert au président et au conseil de communauté de toutes les attributions conférées ou imposées par les lois et règlements respectivement au maire et au conseil municipal. ". Il résulte de ces dispositions que le président et le conseil de communauté urbaine, à qui la compétence " voirie " a été transférée, exercent en lieu et place des communes membres, les attributions relatives en particulier à la création, l'aménagement et l'entretien du domaine public routier, devenu propriété de la communauté urbaine. Ces dispositions ne confèrent en revanche pas à la communauté urbaine le droit, en l'absence de dispositions spécifiques en ce sens, de fixer les modalités de calcul de la redevance d'occupation du domaine public par les ouvrages de transport et de distribution d'électricité selon le régime spécial créé par l'article L. 2333-84 de ce code et fixé par les articles R. 2333-105 et suivants du même code dès lors que ce régime s'applique à l'ensemble du domaine public communal, y compris lorsqu'il est mis à la disposition d'un EPCI dans les conditions fixées par l'article L. 1321-2 du code général des collectivités territoriales, et non au domaine public intercommunal, en particulier, comme en l'espèce, en cas de transfert en pleine propriété à un EPCI.

9. La CUCM, en réponse au moyen d'ordre public communiqué aux parties par la cour tiré de la méconnaissance du champ d'application de l'article L. 2333-84 du code général des collectivités territoriales, fait valoir qu'en application de l'article L. 5211-36 du même code, les dispositions du livre III de la deuxième partie, relatives aux finances communales, et plus précisément celles relatives aux catégories de recettes, au nombre desquelles les redevances dues pour le transport et la distribution de l'électricité, sont applicables aux EPCI. Toutefois, ces dispositions ne sont applicables que " sous réserve des dispositions qui leur sont propres ". Or, si l'article L. 5215-32 de ce code précise en son 5° que les recettes du budget de la communauté urbaine comprennent " le revenu de ses biens meubles et immeubles ", il n'est pas fait de renvoi expresse aux dispositions particulières de l'article L. 2333-84.

10. Il résulte de ce qui précède que la CUCM ne pouvait, par les délibérations des 4 novembre 2015 et 28 avril 2018, fixer le montant des redevances en raison de l'occupation de son domaine public par les ouvrages de transport et de distribution d'électricité par application des dispositions des articles R. 2333-105, R. 2333-105-1 et R. 2333-105-2 sans méconnaître le champ d'application de l'article L. 2333-84 du code général des collectivités territoriales.

11. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, la CUCM n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé les titres exécutoires n°s 458 et 459 du 21 juillet 2017. Sa requête doit donc être rejetée y compris ses conclusions au titre des frais du litige.

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Enedis présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la CUCM est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Enedis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Communauté Urbaine Creusot Montceau et à la société Enedis.

Délibéré après l'audience du 8 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Evrard, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller,

Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 août 2020.

2

N° 18LY02549


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02549
Date de la décision : 06/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-06;18ly02549 ?
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