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09/07/2020 | FRANCE | N°20LY00578

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 09 juillet 2020, 20LY00578


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 2 septembre 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation, dans le délai

d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 2 septembre 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 1 200 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1906903 du 21 janvier 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1906903 du 21 janvier 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du préfet de l'Isère du 2 septembre 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- la production de son billet d'avion est suffisante pour démontrer son entrée en France le 10 juillet 2014, durant la période de validité de son visa l'autorisant à séjourner dans l'espace Schengen ; le préfet, qui ne pouvait donc pas lui opposer l'irrégularité de son entrée sur le territoire français, a méconnu les stipulations du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- marié à une ressortissante française, il a déplacé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France de sorte que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ont été méconnues ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Une mise en demeure a été adressée au préfet de l'Isère le 10 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, publiée par le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

Sur le refus de titre de séjour :

1. En premier lieu, aux termes du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 2) Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article 22 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités compétentes de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent. (...) ". Aux termes de l'article R. 211-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La déclaration d'entrée sur le territoire français est souscrite auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. A cette occasion, un récépissé est remis à l'étranger. Il peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. L'étranger assujetti à l'obligation de déclaration doit être en mesure de justifier, à toute réquisition des agents de l'autorité, qu'il a satisfait à cette obligation, par la production de ce récépissé (...) ".

2. Le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à M. B..., ressortissant algérien né le 11 mars 1983, marié avec une ressortissante française depuis le 17 novembre 2018, un certificat de résidence en qualité de conjoint de français sur le fondement des stipulations du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien au motif qu'il n'établissait pas être entré régulièrement sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré le 3 juillet 2014, par l'île de Malte, dans l'espace couvert par la convention d'application de l'accord de Schengen, muni d'un visa de court séjour valable pour une durée de huit jours du 19 juin 2014 au 11 juillet 2014. Si, pour tenter d'établir la date de son entrée sur le territoire français, il produit le reçu d'un billet électronique d'avion à son nom, daté du 15 juin 2014, pour un vol du 10 juillet 2014 en provenance de Malte à destination de Paris, ce document n'est toutefois pas, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, suffisant à lui seul pour apporter la preuve d'une entrée effective en France à cette même date. En outre, M. B... n'allègue pas avoir souscrit la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, dont l'obligation figure à l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat, partie à cette convention Schengen, qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire. Dans ces conditions, M. B... ne justifie pas que son entrée sur le territoire français serait régulière. Par suite, la décision contestée n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

3. En second lieu, aux termes du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " . Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. B..., qui serait entré en France le 10 juillet 2014 selon ses déclarations, s'y est maintenu en situation irrégulière. S'il s'est marié avec une ressortissante de nationalité française le 17 novembre 2018, ce mariage présentait un caractère récent à la date de la décision attaquée et le requérant ne justifie pas d'une vie commune avec son épouse antérieure au mariage par la seule production d'une facture du 8 février 2019 et d'un contrat postal de réexpédition temporaire de courrier valable à compter du 7 août 2019. Il ne se prévaut d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'il retourne en Algérie le temps de l'instruction de la délivrance d'un visa lui permettant d'entrer régulièrement en France en sa qualité de conjoint d'une ressortissante française, alors au demeurant qu'un tel visa ne peut, en application de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, être refusé à un conjoint de français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressé, et alors même qu'il exerçait une activité salariée à la date de la décision attaquée, le préfet de l'Isère n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

Sur l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :

5. En premier lieu, les moyens tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour ayant été écartés, il n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours.

6. En second lieu, M. B... se prévaut, au soutien du moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des mêmes arguments que ceux qui ont été précédemment exposés au point 4. Ce moyen doit, par suite, être écarté pour les mêmes motifs.

Sur la décision fixant le pays de destination :

7. Les moyens tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ayant été écartés, il n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 2 septembre 2019. Par voie de conséquence, les conclusions présentées aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 juillet 2020.

2

N° 20LY00578


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00578
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-09;20ly00578 ?
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