Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1904584 du 6 août 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 septembre 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 août 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B... soutient que :
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- la décision attaquée méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision fixant pays de destination :
- la décision attaquée méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
L'affaire a été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.
Par une décision du 25 septembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de Mme B....
Par une décision du 9 janvier 2020, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté le recours formé par Mme B... contre la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 septembre 2019 portant rejet de sa demande d'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme C..., présidente-assesseure ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... B..., ressortissante guinéenne née le 1er juillet 1943, est entrée en France le 12 mai 2018, selon ses déclarations, et a sollicité le statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 octobre 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 avril 2019. Par un arrêté du 1er juillet 2019, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 6 août 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le préfet l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
3. Mme B... fait valoir que son état de santé est dégradé. Toutefois, le certificat médical qu'elle produit, établi par un cardiologue le 22 juillet 2019, qui se borne à indiquer que la requérante : " est suivie pour des pathologies cardiovasculaires et métaboliques qui justifient d'un traitement quotidien et d'une surveillance ", sans aucune autre précision sur la gravité de ces pathologies, ne permet pas d'établir qu'un défaut de prise en charge médicale pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, compte tenu de l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité, la circonstance que le traitement qui lui est prescrit ne lui serait pas accessible en Guinée est sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Si Mme B... fait valoir qu'elle a rejoint en France sa fille, qui réside régulièrement sur le territoire national depuis 2009 sous couvert d'une carte de résident, ainsi que ses petits-enfants, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée très récemment en France, à l'âge de soixante-quinze ans et qu'elle a vécu la majeure partie de son existence en Guinée, où elle n'établit pas être dépourvue de toute attache privée et familiale. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier de la brève durée et des conditions du séjour en France de l'intéressée, la décision contestée ne porte pas au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, en tout état de cause, celles de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " 1 Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ". En se bornant à soutenir qu'elle prend soin de ses petits-enfants qui résident régulièrement en France, Mme B... n'apporte aucun élément susceptible d'établir que l'intérêt supérieur de ces enfants serait menacé par la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
7. En quatrième lieu, indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement. Toutefois, il résulte de ce qui précède que Mme B... ne peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
8. En dernier lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de Mme B....
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. En premier lieu, eu égard à ce qui précède, le moyen tiré par Mme B... de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
10. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Si Mme B... soutient qu'elle a fait l'objet de mauvais traitements en Guinée en raison de l'engagement politique de son époux et de ses enfants, les éléments qu'elle produit ne suffisent pas à établir qu'elle serait effectivement exposée à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Au demeurant, la demande d'asile présentée par la requérante a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. La requérante n'établit pas davantage que son état de santé nécessite des soins dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne pourraient pas lui être prodigués en Guinée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme C..., présidente-assesseure,
Mme H..., première conseillère.
Lu en audience publique le 30 juin 2020.
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N° 19LY03441
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