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25/06/2020 | FRANCE | N°20LY00082

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 25 juin 2020, 20LY00082


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai, d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant

travailler, dans l'attente du réexamen de sa situation, dans le délai de quarante-hu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai, d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans l'attente du réexamen de sa situation, dans le délai de quarante-huit heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1904588 du 27 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904588 du 27 novembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mars 2019 du préfet de la Loire refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans l'attente du réexamen de sa situation, dans le délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- la demande de second renouvellement de son titre de séjour n'a pas donné lieu à une analyse par le préfet de sa situation au regard des violences conjugales subies sur le fondement du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; le préfet a ainsi méconnu sa compétence ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ont été méconnues ;

- les dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en n'usant pas de son pouvoir de régularisation exceptionnelle au titre du travail ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale pour les mêmes motifs que ceux développés à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2020, le préfet de la Loire a indiqué s'en remettre à ses écritures de première instance.

Un mémoire, enregistré le 13 mars 2020 et présenté pour Mme C..., n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pin, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., de nationalité algérienne, est entrée régulièrement en France le 18 juin 2015 après avoir épousé un ressortissant français le 18 janvier 2015. Elle s'est vue délivrer un certificat de résidence sur le fondement du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, valable du 29 juillet 2015 au 28 juillet 2016. Le préfet de la Loire a délivré à la requérante un second certificat de résidence, valable du 31 mai 2016 au 30 mai 2017, sur le fondement du 5) de l'article 6 de cet accord. Par un arrêté du 21 mars 2019, le préfet de la Loire a refusé de renouveler ce titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme C... relève appel du jugement du 27 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre époux ". Ces stipulations régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressée.

3. Il ressort des mentions de l'arrêté litigieux que le préfet, après avoir rappelé que Mme C... s'était vue délivrer un premier titre de séjour en qualité de conjointe de ressortissant français puis renouveler ce titre en raison des violences conjugales dont elle avait fait état à la suite de sa séparation avec son époux le 9 août 2015, a estimé que la réalité des violences conjugales n'était pas étayée, qu'il avait d'ailleurs satisfait aux obligations résultant de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que l'intéressée n'entrait dans aucune catégorie de délivrance de titre de séjour. Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme C..., il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Loire, alors même qu'il n'a pas visé les stipulations du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, a bien examiné la situation matrimoniale de la requérante ainsi que les violences conjugales qu'elle alléguait avoir subies et a estimé qu'il n'y avait pas lieu, en l'espèce, de régulariser sa situation à ce titre. Dès lors, le préfet de la Loire, qui n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence, n'a pas commis d'erreur de droit.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Mme C..., séparée de son époux et sans enfant, a vécu en Algérie jusqu'à son arrivée en France en 2015 à l'âge de vingt-quatre ans. Si la requérante a occupé plusieurs emplois depuis 2015, elle ne se prévaut d'aucun lien personnel sur le territoire français et ne démontre pas ainsi y avoir développé une vie privée et n'établit pas, par ailleurs, être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu pour l'essentiel. Dans ces conditions, et malgré l'activité professionnelle que la requérante a ponctuellement exercée sur le territoire national, l'arrêté contesté ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et comme ayant ainsi méconnu les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 2, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Dès lors, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer, à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, le bénéfice des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-11 de ce code auxquelles il renvoie, ne créent pas une catégorie spécifique de titres de séjour mais sont relatives aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Toutefois, bien que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, le préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. D'une part, Mme C..., eu égard à sa nationalité, ne peut utilement faire valoir que le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. D'autre part, en se bornant à se prévaloir de son investissement professionnel et à indiquer qu'elle a travaillé pendant près de huit mois au cours des deux années précédant l'édiction de l'arrêté attaqué, l'appelante n'établit pas que le préfet de la Loire, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation à laquelle il s'est livré de sa situation personnelle.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... épouse C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 juin 2020.

2

N° 20LY00082


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CUCHE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 25/06/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY00082
Numéro NOR : CETATEXT000042114555 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-25;20ly00082 ?
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