Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Nissauto a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 217 000 euros émis à son encontre par l'Agence de services et de paiement (ASP) le 13 août 2014.
Par un jugement n° 1409023 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16LY03868 du 10 août 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Nissauto contre ce jugement.
Par une décision n° 424801 du 11 décembre 2019, enregistrée au greffe de la cour le 12 décembre 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux sur le pourvoi de la société Nissauto, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon et lui a renvoyé l'affaire pour qu'elle y statue de nouveau.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 novembre 2016 et 8 juin 2017, la société Nissauto, représentée par la SELARL Europa Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 septembre 2016 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler le titre exécutoire du 13 août 2014, notifié le 4 septembre 2014, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux du 6 octobre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Agence de services et de paiement (ASP) une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal n'a pas répondu au moyen qu'elle soulevait dans sa note en délibéré du 19 septembre 2016 selon lequel l'ASP n'établissait pas le caractère indu des sommes réclamées ;
- l'ASP n'apporte pas la preuve que les véhicules qu'elle a cédés auraient été revendus par l'acheteur dans des conditions contraires à la réglementation ;
- il ne peut lui être reproché de ne pas avoir vérifié, a priori lors de la vente, que ces véhicules n'étaient pas destinés à la revente comme véhicules neufs ; aucune obligation de la sorte ne résulte de la convention conclue avec le CNASEA, devenu ASP, ni de l'arrêté du 26 décembre 2007 relatif aux modalités de gestion de l'aide à l'acquisition des véhicules propres ;
- si l'ASP peut procéder à des contrôles, ceux-ci portent uniquement sur les pièces constituant le dossier, précisées à l'annexe 1 de la convention ; elle n'avait pas à lui fournir ni l'attestation que le bénéficiaire du bonus écologique est demeuré propriétaire des véhicules un an après la vente ni, le cas échéant, les certificats de cession ; elle n'avait d'ailleurs pas le pouvoir d'imposer à son acheteur la production de tels documents ;
- il est constant qu'elle a fait l'avance du bonus écologique à son acheteur, son droit au remboursement est acquis en exécution de la convention du 14 février 2008 et des articles 1er et 3 de l'arrêté du 26 décembre 2007.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2017, l'Agence de services et de paiement (ASP), représentée par l'AARPI BRJ Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Nissauto au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement n'est pas irrégulier, la note en délibéré, visée par ce jugement, reprenait l'argumentation déjà développée par la société Nissauto dans ses précédentes écritures et à laquelle le tribunal a répondu ;
- il incombait, règlementairement et contractuellement, à la société Nissauto de s'assurer de l'éligibilité des dossiers de demandes d'aides à l'acquisition de véhicules propres de ses clients et de conserver les pièces permettant de s'assurer d'une telle éligibilité pendant un délai de trois ans ; force est de constater qu'elle a été dans l'incapacité d'établir que son client respectait les conditions pour bénéficier du bonus écologique et en particulier celle selon laquelle ces véhicules n'étaient pas destinés à être cédés en tant que véhicules neufs ; or, la liste des pièces justificatives figurant à l'annexe 1 de la convention du 14 février 2008 n'est pas exhaustive ;
- il appartient à la société Nissauto d'établir que les véhicules en cause n'ont pas été revendus par son client en tant que véhicules neufs en se référant aux définitions fiscales du véhicule automobile neuf et d'occasion applicables aux ventes intracommunautaires et internes de véhicules automobiles ;
- c'est à juste titre que l'ordre de reversement a été adressé à la société Nissauto, son cocontractant, bénéficiaire du remboursement de l'avance qu'elle a faite au titre du bonus écologique, et non au client final avec lequel elle n'a aucun lien.
Par trois mémoires, enregistrés les 7 et 27 février 2020 et le 28 mai 2020, la société Nissauto, représentée par la SELARL Europa Avocats, maintient ses conclusions en annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 septembre 2016, du titre exécutoire du 13 août 2014 et de la décision de rejet de son recours gracieux notifiée le 6 octobre 2014 et porte à 5 000 euros la somme dont elle demande la mise à la charge de l'Agence de services et de paiement (ASP) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient en outre que :
- dans sa décision du 11 décembre 2019, le Conseil d'Etat met à la charge de l'ASP la preuve du caractère indu du paiement du bonus écologique et si cette preuve est apportée, il lui appartient d'établir que son cocontractant n'a pas satisfait à l'obligation de s'assurer de l'éligibilité du dossier de demande d'aide ; l'ASP ne fait pas cette démonstration ;
- cette agence n'établit pas que les véhicules concernés auraient été revendus en tant que véhicules neufs ;
- elle a vendu les véhicules concernés à une société qui se prévalait de ce qu'elle se portait acquéreur d'un parc de voitures électriques pour les mettre en location ; elle ne pouvait anticiper une vente de ces véhicules par son client ;
- elle s'est assurée de l'éligibilité du dossier au moment de la vente conformément à ses obligations contractuelles.
Par un nouveau mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2020, l'ASP, représentée par l'AARPI BRJ Avocats, conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire.
Elle fait valoir en outre que :
- la société Nissauto ne justifie pas s'être assurée auprès de l'acheteur de son engagement à ne pas destiner les trente-et-un véhicules acquis à la vente en tant que véhicules neufs ;
- il lui appartenait de refuser de consentir une avance de 217 000 euros en présence d'un doute manifeste sur le respect par l'acheteur de la réglementation relative à l'aide ; or, la société New Car 69, nouvellement créée, ne disposait ni d'un établissement lui permettant d'exercer son activité, ni de capitaux suffisants.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 ;
- le décret n° 2007- 1873 du 26 décembre 2007 ;
- l'arrêté du 26 décembre 2007 relatif aux modalités de gestion de l'aide à l'acquisition des véhicules propres ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... ;
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
- les observations de Me A..., représentant la société Nissauto ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 14 février 2008, la société Nissauto a conclu une convention avec le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), intégré depuis dans l'Agence de services et de paiement (ASP), aux fins de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 8 du décret du 26 décembre 2007 instituant une aide à l'acquisition des véhicules propres et permettant au vendeur d'un véhicule neuf de faire bénéficier son client de l'avance du montant de cette aide. Dans ce cadre, la société Nissauto a reçu de l'ASP la somme de 217 000 euros, en remboursement de l'avance du même montant qu'elle a accordée à la société New Car 69 pour l'achat de trente-et-un véhicules électriques entre avril et juin 2013. A la suite d'une procédure de contrôle, initiée en avril 2014, l'ASP a exigé de la société Nissauto le remboursement de cette somme et émis à son encontre un titre exécutoire de 217 000 euros. Par un jugement du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la société Nissauto tendant à l'annulation de ce titre exécutoire du 13 août 2014, notifié par l'agent comptable de l'agence le 4 septembre suivant, ainsi que de la décision du délégué régional de l'ASP du 6 octobre 2014 rejetant son recours gracieux. Par une décision du 11 décembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 10 août 2018 de la cour administrative d'appel de Lyon confirmant ce jugement et a renvoyé l'affaire à la cour pour qu'elle soit de nouveau jugée.
2. Le V de l'article 63 de la loi du 25 décembre 2007 de finances rectificatives pour 2007 a institué un fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres. L'article 1er du décret du 26 décembre 2007 fixe en particulier les conditions d'attribution de cette aide que le véhicule automobile terrestre à moteur concerné doit satisfaire, à la date de sa facturation. Selon le 4° de cet article, cette aide ne peut être accordée que si le véhicule " n'est pas destiné à être cédé par l'acquéreur en tant que véhicule neuf. " Aux termes de l'article 8 de ce même décret, " En dehors de la procédure de paiement de droit commun, consistant dans le paiement direct au bénéficiaire, chaque vendeur (...) peut demander à passer avec le directeur général de l'Agence de services et de paiement une convention aux termes de laquelle l'avance de l'aide pourra être faite par le titulaire de la convention ou par son réseau, le titulaire de la convention en obtenant ensuite le remboursement par le fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres (...) "
3. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 26 décembre 2007 visé ci-dessus : " Dans le cas où le vendeur du véhicule neuf (...) fait, comme cela est prévu par l'article 8 du décret du 26 décembre 2007 susvisé, l'avance du montant de l'aide, il exige du bénéficiaire de l'aide les pièces justificatives nécessaires à la constitution du dossier prévu à l'article 1er ou à l'article 2 (...) ", ces deniers articles énumérant les pièces justificatives exigées en cas de demande adressée directement à l'ASP. L'article 4 du même arrêté précise que " (...) Le Fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres instruit les demandes de remboursement mentionnées à l'article 3. La convention conclue avec le demandeur définit les conditions d'instruction de ces demandes et les procédures de contrôle. ".
4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'aide à l'acquisition de véhicules propres est subordonnée au respect de conditions d'éligibilité et à un engagement du bénéficiaire de l'aide. D'une part, au titre des conditions d'éligibilité, le demandeur doit justifier d'un domicile ou d'un établissement en France et acquérir ou prendre en location, dans les conditions précisées par le décret du 26 décembre 2007, un véhicule neuf répondant à certaines caractéristiques techniques. D'autre part, en application du 4° de l'article 1er du décret, le bénéficiaire de l'aide s'engage à ne pas destiner le véhicule acquis à la vente en tant que véhicule neuf. Dans le cas contraire, il s'expose à une action en récupération de l'aide indûment perçue. Lorsque le montant de l'aide a été avancé à l'acheteur par le vendeur du véhicule, dans le cadre d'une convention signée sur le fondement de l'article 8 du décret cité au point 2, l'ASP peut, en cas de paiement indu, ordonner le reversement par le vendeur des véhicules du montant des aides que ce dernier avait avancé et dont il avait obtenu le remboursement, s'il est établi que le vendeur n'a pas satisfait à l'obligation qui lui incombe de s'assurer de l'éligibilité du dossier de demande présenté par l'acheteur. A ce titre, il appartient au vendeur de refuser de consentir une avance de l'aide en cas de doute manifeste sur le respect par l'acheteur de la règlementation relative à l'aide, notamment s'il apparait au vendeur que l'acheteur destine les véhicules en cause à la revente comme véhicules neufs.
5. Il résulte de l'instruction que par lettre du 23 avril 2014 et une lettre de relance du 28 mai suivant, l'ASP a, dans le cadre de la procédure de contrôle a posteriori prévue par l'article 5 de la convention du 14 février 2008, demandé à la société Nissauto de produire, avec une copie du certificat d'immatriculation, une attestation certifiant que la société New Car 69 est toujours propriétaire des trente-et-un véhicules achetés entre avril et juin 2013 ou, le cas échéant, de produire une copie des certificats de cession. Informée par la société Nissauto de ce que ces véhicules avaient été revendus par son client mais qu'elle n'avait pas pu obtenir auprès de ce dernier les certificats de cession, l'ASP en a déduit que les véhicules avaient été revendus en tant que véhicules neufs en méconnaissance du 4° de l'article 1er du décret du 26 décembre 2007 et que l'aide à l'acquisition de véhicules propres lui avait été indûment accordée par la société Nissauto. A supposer même que la société New Car 69 ait revendu les véhicules en cause comme des véhicules neufs, ce qui au demeurant n'est pas établi, l'ASP ne démontre pas que la société Nissauto aurait pu, au moment de la vente de ces véhicules et à la date de leur facturation, avoir un doute manifeste sur les intentions de son client. En effet, si l'extrait du registre du commerce et des sociétés de la société New Car 69, produit pour la constitution des dossiers d'éligibilité à l'aide à l'acquisition des véhicules propres, montrait ainsi que le fait valoir l'ASP, que cette société était nouvellement constituée sous forme d'une société par actions simplifiée à associé unique, que son capital était de 1 000 euros et que l'adresse personnelle de son président était aussi celle du siège social, il y était également indiqué que cette société avait une activité non seulement d'achat et de revente de véhicules neufs mais aussi d'occasion ainsi qu'une activité de location de véhicules. Aussi, et alors que ni l'arrêté du 26 décembre 2007 ni la convention du 14 février 2008 n'imposaient à la société Nissauto de demander à son client de lui fournir un engagement de ne pas procéder à la revente des véhicules propres comme véhicules neufs, l'ASP n'établit pas que son cocontractant, contacté par un professionnel de l'automobile pour la constitution d'une flotte de véhicules électriques dans le cadre de la création d'une société dont l'activité n'est pas seulement la vente de véhicules neufs, était à même, au vu des pièces exigibles pour la constitution des dossiers d'éligibilité à l'aide, de suspecter une intention de fraude de la part du bénéficiaire de cette aide. Ainsi, faute pour cette agence de caractériser un manquement de la société Nissauto dans les contrôles d'éligibilité réalisés par elle en vertu de la convention du 14 février 2008, lui confiant cette responsabilité, l'ASP ne pouvait légalement engager à son encontre une procédure en récupération de l'aide qu'elle a avancée à la société New Car 69.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la société Nissauto est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre en litige mettant à sa charge l'obligation de payer la somme en litige à l'ASP.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1409023 du 29 septembre 2016 du tribunal administratif de Lyon, le titre exécutoire du 13 août 2014, notifié le 4 septembre suivant, ainsi que la décision de rejet du recours gracieux du 6 octobre 2014 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nissauto et à l'Agence de services et de paiement.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2020.
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N° 19LY04561