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18/06/2020 | FRANCE | N°18LY01225

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 18 juin 2020, 18LY01225


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat intercommunal " Agence de gestion et de développement informatique " (A.GE.D.I) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, de fixer définitivement le montant de sa dette envers l'association Chambersign France et d'enjoindre à cette association de lui restituer la somme de 12 294,88 euros, augmentée des intérêts moratoires et de la majoration de ces intérêts ainsi que la somme de 1 500 euros mise à sa charge

par l'ordonnance du juge des référés du 13 décembre 2016, au titre des f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat intercommunal " Agence de gestion et de développement informatique " (A.GE.D.I) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, de fixer définitivement le montant de sa dette envers l'association Chambersign France et d'enjoindre à cette association de lui restituer la somme de 12 294,88 euros, augmentée des intérêts moratoires et de la majoration de ces intérêts ainsi que la somme de 1 500 euros mise à sa charge par l'ordonnance du juge des référés du 13 décembre 2016, au titre des frais du litige.

Par un jugement n° 1602259 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fixé le montant de la dette du syndicat intercommunal à la somme de 17 246,33 euros, a rejeté le surplus de ses conclusions et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais du litige.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 avril 2018, le syndicat intercommunal " Agence de gestion et de développement informatique " (A.GE.D.I), représenté par la SCP Margall-d'Alenas, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 février 2018 ;

2°) de juger qu'il n'a contracté aucune dette envers l'association Chambersign France ;

3°) d'ordonner la restitution de la somme de 17 246,33 euros, augmentée des intérêts moratoires et de la majoration de ces intérêts ;

4°) d'ordonner, le cas échéant, à l'association Chambersign France de lui remettre, dans le délai de quinze jours, l'identité et l'adresse de chacune des communes ayant reçu livraison d'une clé USB de signature électronique ;

5°) de mettre à la charge de cette association une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges se sont mépris sur la nature de l'association Chambersign France et sur la nature des relations nouées entre eux ; il n'a pas conclu de contrat à titre onéreux avec cette association pour répondre à un besoin qui lui est propre ;

- les certificats de signature électronique ont été délivrés aux communes concernées par son intermédiaire ; il agissait au nom et pour le compte de ces communes ; ce sont ces dernières qui sont clientes de l'association et doivent payer les factures correspondantes chacune en ce qui la concerne, d'ailleurs le mandat émis le 24 février 2013 a été rejeté par le comptable public pour défaut de pièces justificatives ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'ils avaient entendu poursuivre leurs relations contractuelles qui, en tout état de cause, n'avait pas l'objet allégué ; il n'a pas passé commande des clés USB mais intervenait comme autorité d'enregistrement déléguée chargée de la mission de délivrer aux abonnés ou titulaires leur clé de signature électronique ; certaines communes étaient en lien direct avec l'association Chambersign France tandis que d'autres n'adhèrent même pas au syndicat ; en vertu du principe selon lequel une personne publique ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas, il ne peut être condamné à régler des factures pour le compte d'autrui ;

- l'association Chambersign France n'établit, en tout état de cause, pas le volume des prestations qu'elle a fournies directement aux communes et dont elle lui demande le paiement ; elle se refuse à lui communiquer l'identité et les adresses des communes ayant reçu l'une des 345 clés USB de signature électronique qui lui sont facturées, alors qu'il serait en droit de refacturer à chacune d'entre elle le montant des factures mises à sa charge.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2018, l'association Chambersign France, représentée par le cabinet PwC société d'avocats, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la condamnation du syndicat intercommunal à lui verser la somme de 12 294,88 euros et, dans tous les cas, à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de l'appelant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle a conclu une convention avec l'A.GE.D.I, qui est son unique interlocuteur, portant sur des prestations de service ; l'A.GE.D.I agit en tant que centrale d'achats pour le compte de ses adhérents ;

- ce syndicat intercommunal a toujours réglé les factures émises par elle mais a arrêté de payer, sans raison particulière à compter de mars 2013 ;

- elle est une association de droit privé n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; en tout état de cause, l'A.GE.D.I est en mesure d'identifier elle-même les communes auxquelles elle a remis la clé USB puisqu'elle intervient en tant qu'autorité d'enregistrement déléguée ;

- la convention conclue entre eux ne prévoyait pas l'émission de bons de commande ; la preuve de l'obligation de payer repose sur les 349 factures émises et les aveux de l'A.GE.D.I ;

- conformément aux stipulations de la convention, en l'absence de dénonciation, le contrat a été reconduit tacitement jusqu'en 2013 ; les certificats de signature électronique émis peu avant la fin des relations contractuelles, ont continué à bénéficier aux collectivités après la rupture du contrat ; le syndicat intercommunal est donc redevable des factures émises en 2013 même si, pour faciliter le règlement du litige, elle avait, à l'origine, limité sa demande à la somme dont l'A.GE.D.I reconnaissait être débitrice ;

- il appartient au syndicat intercommunal de payer le montant résiduel restant dû en exécution du jugement.

Par un courrier du 10 janvier 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 6117 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office un moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Melun a, par un jugement définitif du 18 décembre 2008 (n° 0805296/2), annulé sur déféré du préfet de Seine-et-Marne, la délibération du 15 mars 2008 par laquelle le comité syndical de l'A.GE.D.I a autorisé son président à signer une convention avec l'association ChamberSign France relative à un système de certification ainsi que cette convention signée le 2 avril 2008 par le président de ce syndicat.

Le syndicat intercommunal A.GE.D.I a produit un mémoire, enregistré le 13 janvier 2020, en réponse à ce moyen d'ordre public.

Il conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient en outre que compte tenu de l'annulation prononcée par le tribunal administratif de Melun, il ne peut être regardé comme ayant manifestement entendu poursuivre ses relations contractuelles avec l'association ChamberSign France ; aucune somme ne peut donc être mise à sa charge sur le fondement contractuel.

L'association ChamberSign France a produit un mémoire, enregistré le 17 janvier 2020, en réponse au moyen d'ordre public.

Elle fait valoir que :

- l'annulation de la convention par le tribunal administratif de Melun ne lui est pas opposable dès lors que le jugement ne lui a pas été notifié ;

- en tout état de cause, elle peut prétendre au paiement des factures émises en 2012 et 2013 sur le fondement de l'enrichissement sans cause et de la responsabilité quasi-délictuelle du syndicat intercommunal.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

- les observations de Me A..., représentant le syndicat intercommunal A.GE.DI ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 juin 2020, présentée pour le syndicat intercommunal A.GE.D.I ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une ordonnance du 13 décembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le syndicat intercommunal " agence de gestion et de développement informatique " (A.GE.D.I) à verser à l'association ChamberSign France une somme provisionnelle de 12 294,88 euros en exécution d'une convention conclue le 7 avril 2008, reconduite tacitement jusqu'en 2013. Par un jugement du 8 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, saisi par l'A.GE.D.I sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, a fixé le montant de sa dette à 17 246,33 euros. Le syndicat intercommunal A.GE.D.I relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'association ChamberSign France commercialise des certificats de signature électronique en s'appuyant sur un réseau de bureaux d'enregistrement constitué des chambres de commerce et d'industrie, chargées de réaliser des " faces à faces ", c'est-à-dire la remise en main propre du certificat à son titulaire. Souhaitant élargir son réseau à des nouveaux partenaires, cette association a, par une convention conclue le 7 avril 2008, confié au syndicat intercommunal A.GE.D.I les missions d'autorité d'enregistrement déléguée (AED). Selon l'article 3 de cette convention, le syndicat intercommunal a accepté " la réalisation du Face à Face et la mise à disposition de certificats électroniques de classe III émanant de ChamberSign France. ". Il résulte de l'article 14 de cette convention que ces certificats, dès lors qu'ils sont délivrés par l'AED, sont facturés à cette dernière selon des tarifs et des modalités fixées en annexe. Il résulte de l'instruction que ces relations de partenariat se sont poursuivies jusqu'à ce que l'A.GE.D.I décide de confier à un autre prestataire, dans le courant de l'année 2013, un marché portant sur la fourniture de certificats de signature électronique de type RGS, pour lui-même et ses adhérents.

3. Cependant, par un jugement du 18 décembre 2008 devenu définitif, le tribunal administratif de Melun, saisi par le préfet de Seine-et-Marne, a annulé la délibération du 15 mars 2008 par laquelle le comité syndical de l'A.GE.D.I a autorisé son président à signer la convention avec l'association ChamberSign France, ainsi que cette même convention, signée par le président du syndicat intercommunal le 2 avril 2008. En poursuivant l'exécution de cette convention, et ce, sans informer son cocontractant, à qui le jugement n'avait pas été notifié, de cette annulation, le syndicat intercommunal a méconnu l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au jugement d'annulation du tribunal administratif de Melun et a ainsi commis une faute quasi-délictuelle de nature à engager sa responsabilité.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, que le syndicat intercommunal A.GE.D.I s'était engagé, en sa qualité d'AED, à honorer les factures des certificats électroniques émanant de l'association ChamberSign France, qu'il délivre à ses adhérents et autres clients. Il ne peut dès lors utilement se prévaloir du principe s'opposant à la condamnation d'une personne publique à une somme qu'elle ne doit pas ni de ce qu'il n'aurait pas émis de bons de commande.

5. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le syndicat intercommunal A.GE.D.I a cessé de payer à l'association ChamberSign France les factures émises à compter de janvier 2012 jusqu'au 15 novembre 2013, soit 82 factures pour commande initiale de certificats, 242 factures d'abonnement et 24 factures de renouvellement d'abonnement, ce qui représente 348 factures d'un montant unitaire de 47,84 euros toutes taxes comprises (TTC) auxquelles s'ajoute une facture pour l'achat de 10 clés USB avec leur carte à puce d'un montant de 598 euros TTC, soit un total de 17 246,33 euros TTC. Le syndicat intercommunal n'apporte à la cour aucun élément de nature à établir que les factures dont l'association ChamberSign France demande le paiement ne correspondraient pas à des certificats électroniques délivrés en 2012 et 2013, par ses soins, aux communes en ayant fait la demande. Il résulte au demeurant de l'instruction que l'A.GE.D.I s'est, par un courrier du 27 novembre 2013, reconnue redevable de la somme de 12 294 euros TTC, correspondant aux factures émises en 2012, et qu'un mandat a été émis le 24 février 2013, rejeté par le comptable public pour défaut de pièces justificatives.

6. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction, et ce alors que l'association ChamberSign France a mis le syndicat en demeure de verser la somme de 17 246,33 euros TTC par courrier du 7 juillet 2014, que cette association aurait abandonné le recouvrement d'une partie de sa créance, correspondant aux factures émises en 2013.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit en tout état de cause besoin d'enjoindre à l'association ChamberSign France de produire l'identité et l'adresse des communes concernées par la remise des certificats électroniques par l'A.GE.D.I lui-même, ni d'examiner les autres moyens invoqués en défense, que ce syndicat intercommunal n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser à l'association ChamberSign France la somme de 17 246,33 euros TTC. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions tendant à la restitution des sommes versées en application de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif et du jugement attaqué ainsi que ses conclusions au titre des frais du litige.

8. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du syndicat intercommunal A.GE.D.I la somme de 2 000 euros à verser à l'association ChamberSign France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat intercommunal A.GE.D.I est rejetée.

Article 2 : Le syndicat intercommunal A.GE.D.I versera à l'association ChamberSign France la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat intercommunal " agence de gestion et de développement informatique " et à l'association ChamberSign France.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2020.

2

N° 18LY01225


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01225
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Chose jugée - Chose jugée par le juge administratif.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Prix.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SCP MARGALL - D'ALBENAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-18;18ly01225 ?
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