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11/06/2020 | FRANCE | N°18LY02617

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 11 juin 2020, 18LY02617


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner solidairement la commune de Manglieu et la société Chupin Fabrice à lui verser la somme totale de 80 710,69 euros en réparation des préjudices subis sur la parcelle cadastrée ZL n°23 sur le territoire de cette commune, assortie des intérêts à compter du 4 septembre 2012, et de mettre solidairement à la charge de la commune de Manglieu et de la société Chupin Fabrice une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1

du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600348 du 5 juin 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner solidairement la commune de Manglieu et la société Chupin Fabrice à lui verser la somme totale de 80 710,69 euros en réparation des préjudices subis sur la parcelle cadastrée ZL n°23 sur le territoire de cette commune, assortie des intérêts à compter du 4 septembre 2012, et de mettre solidairement à la charge de la commune de Manglieu et de la société Chupin Fabrice une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600348 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné solidairement la commune de Manglieu et la société Chupin Fabrice à verser à M. E... une somme de 1 908 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2016, a mis à la charge solidaire de la commune de Manglieu et de la société Chupin Fabrice le versement à M. E... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2018, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1600348 du 5 juin 2018 en ce que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité à 1 908 euros l'indemnité mise à la charge de la commune de Manglieu et de la société Chupin Fabrice ;

2°) de condamner solidairement la commune de Manglieu et de la société Chupin Fabrice à lui verser la somme de 80 710,69 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2016 ;

3°) subsidiairement, d'ordonner avant-dire droit une expertise avec notamment pour mission de donner à la juridiction tous les éléments matériels, techniques et financiers lui permettant de juger de la réalité et du chiffrage des dommages et de leur réparation ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Manglieu et de la société Chupin Fabrice une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- les travaux publics de déboisement de la parcelle cadastrée section ZL n°21 effectués par la société Chupin Fabrice pour le compte de la commune de Manglieu ont empiété sur sa propriété ;

- la commune de Manglieu, maître de l'ouvrage, et la société Chupin Fabrice, entrepreneur, ayant reconnu être à l'origine des travaux, il convient de procéder à la réparation du préjudice qu'il a subi du fait des désordres constatés sur sa parcelle ;

- les désordres qu'il a subis, constatés par huissier, consistent en une destruction de sa clôture, en un déboisement d'une haie sauvage sur sa parcelle sur une largeur de 7 mètres et une longueur de 150 mètres et en un broyage sur place des branchages nécessitant un nettoyage de sa parcelle ;

- il a droit à une somme de 3 262,69 euros correspondant au coût de nettoyage de son terrain ;

- il a droit à une somme de 1 908 euros correspondant au coût du remplacement de sa clôture détériorée ;

- la réfection de sa haie, sur une largeur de 7 mètres et une longueur de 150 mètres, s'élève à la somme de 75 540 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 septembre 2018, la commune de Manglieu, représentée par Me B... C..., conclut, à titre principal, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 juin 2018 en tant qu'il a admis sa responsabilité et l'a condamnée à verser à M. E... une somme de 1 908 euros, à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement attaqué et au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la limite de propriété a été respectée et aucun débroussaillage n'a eu lieu sur la propriété de M. E... ; l'existence d'un tapis d'écorce sur la propriété du requérant ne permet pas, à elle seule, d'imputer une quelconque responsabilité à la commune ; le jugement attaqué doit être réformé sur ce point ;

- le lien de causalité entre le nettoyage de la parcelle du requérant et les travaux réalisés par la commune n'est pas établi ;

- la société Chupin s'est engagée à remettre en place la clôture existante à la fin des travaux de sorte que la demande indemnitaire présentée par M. E... sur ce fondement est sans objet ;

- seules des broussailles et quelques arbres ont été enlevés et ce uniquement sur la propriété communale.

La requête a été communiquée à la société Chupin Fabrice qui n'a pas présenté de mémoire.

Par ordonnance du 16 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 4 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François-Xavier Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Marie Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me B... C..., représentant la commune de Manglieu.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... est propriétaire, sur le territoire de la commune de Manglieu, de la parcelle cadastrée section ZL n°23. La commune de Manglieu, qui a décidé de réaliser une station d'épuration sur la parcelle voisine cadastrée section ZL n°21 lui appartenant, a fait procéder au défrichement de ce terrain les 9 et 10 juillet 2012. Estimant que ces travaux, qui ont été confiés par la commune à la société Chupin Fabrice, ont empiété sur une partie de sa propriété et ont causé des dommages à son terrain, M. E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner solidairement la commune de Manglieu et la société Chupin Fabrice à lui verser une indemnité de 80 710,69 euros. M. E... relève appel du jugement du 5 juin 2018 en ce que le tribunal administratif a limité à la somme de 1 908 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné solidairement la commune de Manglieu et la société Chupin Fabrice en réparation des préjudices qu'il a subis en relation avec les travaux de défrichement en cause. Par la voie de l'appel incident, la commune de Manglieu, conclut, à titre principal, à l'annulation de ce jugement et au rejet de la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité :

2. Même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage et, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables solidairement vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.

3. Les travaux de défrichement, à l'occasion desquels M. E... soutient que son terrain a été endommagé, ont été exécutés par la société Chupin Fabrice en vue de la réalisation d'une station d'épuration sur un terrain appartenant à la commune de Manglieu. Ces travaux, réalisés ainsi pour le compte d'une collectivité publique dans un but d'intérêt général, ont le caractère de travaux publics.

4. Il suit de là que la responsabilité sans faute de la commune de Manglieu, maître d'ouvrage des travaux d'aménagement de la station d'épuration, et de la société Chupin Fabrice, entrepreneur chargé des travaux de défrichement, est susceptible d'être engagée à l'égard de M. E..., tiers par rapport à ces travaux, dans la mesure toutefois où les dommages affectant sa propriété sont la conséquence directe desdits travaux.

5. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal de constat d'huissier du 4 septembre 2012, que la clôture de fil de fer barbelé implantée par M. E... en limite de propriété a été endommagée lors des travaux de défrichement de la parcelle communale et que des résidus broyés d'écorces et de branchages, d'une épaisseur de dix centimètres, ont été projetés à cette occasion sur la propriété du requérant sur une largeur de sept mètres et une longueur de cent cinquante mètres environ. La commune de Manglieu, qui relève d'ailleurs que la société Chupin Fabrice s'était engagée à remettre en place la clôture existante à la fin des travaux, ne conteste pas que cette clôture a été endommagée lors des travaux préalables à la réalisation de la station d'épuration. Il n'est pas davantage sérieusement contesté par la commune qu'une importante quantité de résidus de la coupe effectuée a été évacuée sur la parcelle de M. E.... Dès lors, le lien de causalité direct entre lesdits travaux publics et les dommages ainsi allégués est établi.

6. D'autre part, M. E... fait valoir que la société Chupin Fabrice a procédé, en empiétant sur sa propriété, au défrichement d'une haie sauvage lui appartenant sur une largeur de sept mètres et une longueur de cent cinquante mètres et recherche la responsabilité solidaire de la commune et de l'entrepreneur à raison de l'atteinte portée à sa propriété privée résultant de cette emprise irrégulière. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier des photographies produites par la commune prises avant la réalisation des travaux et qui font apparaître la clôture implantée en limite de propriété, que le terrain appartenant à M. E... ne comportait pas de plantations en dehors de quelques arbres isolés et qui n'ont pas été abattus lors des travaux de défrichement. L'absence de toute haie implantée sur le terrain de M. E... n'est pas remise en cause, contrairement à ce qu'il soutient, par le constat d'huissier qu'il produit et qui ne procède pas à la constatation d'un défrichement effectif réalisé sur sa parcelle mais se borne à rapporter les propos de celui-ci quant à la préexistence en limite de propriété d'une haie composée de différentes essences. En particulier, la circonstance qu'il a été constaté par huissier, près de deux mois après la réalisation des travaux, la présence de résidus végétaux projetés au-delà de la limite de propriété n'est pas de nature à établir que des plantations auraient existé au niveau de ces projections et auraient été détruites. De même, les différentes prises de vue versées pour la première fois en appel par M. E..., si elles ont font apparaître la situation avant et après les travaux, ne permettent pas, en l'absence de matérialisation de la limite de propriété, d'établir que le défrichement en cause aurait pour partie été opéré sur la propriété de l'appelant. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la commune de Manglieu et la société Chupin Fabrice ont été à l'origine de travaux d'abattage d'une haie sur sa propriété constitutifs d'une emprise irrégulière.

7. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité solidaire de la commune de Manglieu et de la société Chupin Fabrice n'est engagée à l'égard de M. E... qu'à raison des dommages liés à l'arrachage de sa clôture et à la présence sur son terrain de résidus broyés de végétaux.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

8. En premier lieu, M. E... a droit à la réparation du préjudice correspondant à la réfection d'une clôture de fil de fer barbelé tendue sur des piquets de bois, endommagée lors des travaux publics de défrichement sur une longueur non contestée de cent cinquante mètres. Si la commune fait valoir qu'elle a chargé la société Chupin Fabrice de procéder à la réfection de la clôture, ces travaux, prévus en 2017, n'ont pas été réalisés, M. E... s'y étant opposé. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas de la facture émise le 11 juillet 2012 par la société Chupin Fabrice pour un montant de 5 023,20 euros et relative aux seuls travaux de débroussaillage de l'emplacement de la future station d'épuration, que la commune de Manglieu se serait, ainsi qu'elle le fait valoir, déjà acquittée auprès de cette société du coût correspondant aux travaux de réparation de la clôture endommagée. M. E... a produit un devis, en date du 21 novembre 2014, estimant à 1 908 euros le coût de réfection d'une clôture agricole d'une longueur de cent cinquante mètres et présentant les mêmes caractéristiques que celle qui a été détériorée. Ainsi, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des circonstances de l'espèce en fixant à 1 908 euros le montant de l'indemnité due à M. E... à ce titre.

9. En second lieu, M. E... est fondé à demander à être indemnisé du coût de remise en état de son terrain correspondant à l'évacuation des branches et broussailles broyées qui ont été projetées sur une largeur de sept mètres et une longueur de cent cinquante mètres, soit une surface d'environ mille mètres carrés. Il résulte de l'instruction, en particulier d'un devis du 19 décembre 2012 produit par le requérant, que le coût lié à l'évacuation de l'ensemble de ces résidus végétaux s'élève à la somme de 2 070 euros hors taxe, soit la somme de 2 484 euros toutes taxes comprises. En revanche, si M. E... demande à être indemnisé à ce titre à hauteur d'une somme totale de 3 262,69 euros, incluant des frais de semis d'ivraie vivace, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas soutenu par le requérant, que l'herbe recouvrant cette portion du terrain aurait été endommagée par le dépôt des résidus broyés en litige. Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande indemnitaire présentée par M. E... sur ce fondement à hauteur de 2 484 euros seulement.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant-dire droit une expertise, qu'il y a lieu de porter à 4 392 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 février 2016, date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif de la demande de M. E..., le montant de l'indemnité due solidairement par la commune de Manglieu et la société Chupin Fabrice à M. E... et de réformer en ce sens le jugement attaqué du 5 juin 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. E..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de Manglieu une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Manglieu la somme demandée par M. E... au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 1 908 euros que la commune de Manglieu et la société Chupin Fabrice ont été solidairement condamnées à verser à M. E... par le jugement n° 1600348 du 5 juin 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est portée à 4 392 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 février 2016.

Article 2 : Le jugement n° 1600348 du 5 juin 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... et les conclusions présentées devant la cour par la commune de Manglieu sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à la commune de Manglieu et à la société Chupin Fabrice.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 juin 2020.

4

N° 18LY02617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02617
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : DMMJB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-11;18ly02617 ?
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