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11/06/2020 | FRANCE | N°18LY02273

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 11 juin 2020, 18LY02273


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'institut d'études politiques (IEP) de Lyon à lui verser la somme de 224 630 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis et de mettre la somme de 1 800 euros à la charge de cet établissement sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603155 du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :<

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Par une requête enregistrée le 15 juin 2018, M. B..., représenté par Me A..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'institut d'études politiques (IEP) de Lyon à lui verser la somme de 224 630 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis et de mettre la somme de 1 800 euros à la charge de cet établissement sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603155 du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juin 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1603155 du 12 avril 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner l'IEP de Lyon à lui verser la somme de 224 630 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de l'IEP de Lyon une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- au regard de ses notes obtenues au cours des deux semestres de l'année universitaire 2010-2011 et des dispositions de l'article 14 du règlement des examens des études de l'IEP de Lyon, il aurait dû être admis en deuxième année ;

- l'IEP de Lyon, par sa gestion fautive de sa scolarité, l'a conduit à l'échec, le jury étant en situation de compétence liée pour décider de son ajournement ; ainsi, il aurait pu valider sa première année si l'IEP de Lyon ne lui avait pas imposé un régime dérogatoire illégal ;

- l'attitude de l'IEP de Lyon consistant à l'informer tardivement de son refus de redoublement l'a privé de toute possibilité de réorientation ;

- l'erreur manifeste d'appréciation ayant entaché la légalité des délibérations du jury des 8 juillet et 9 septembre 2011, refusant de l'autoriser à redoubler, est fautive et de nature à engager la responsabilité de l'IEP de Lyon ;

- la gestion fautive de sa scolarité et le refus illégal de l'autoriser à redoubler ont eu pour conséquence de l'empêcher de poursuivre sa scolarité à l'IEP de Lyon et ainsi de l'obliger à se réorienter alors que son état de santé était compatible avec une poursuite de ses études à Lyon ;

- il a subi un préjudice moral évalué à la somme de 18 000 euros en raison du changement d'orientation qui lui a été illégalement imposé ;

- il a subi un préjudice d'incidence professionnelle du fait des fautes commises par l'IEP de Lyon ; ce préjudice est évalué, sur l'ensemble de sa carrière estimée à quarante-et-un ans, à la somme de 177 448 euros ;

- il a été contraint de poursuivre ses études à Paris, engendrant ainsi un surcoût de logement pour un montant de 17 182,15 euros entre octobre 2011 et décembre 2015 ;

- il a dû supporter des frais d'inscription dans une école privée, supérieurs aux frais de scolarité de l'IEP de Lyon, ce qui représente un surcoût de 12 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2018, l'IEP de Lyon, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, le jugement attaqué a été notifié à M. B... le 13 avril 2018 de sorte que sa requête d'appel, enregistrée le 15 juin 2018, est tardive ;

- la cour administrative d'appel de Lyon, par son arrêt n° 14LY01595 du 7 juillet 2015, a constaté que M. B... ne remplissait pas la double condition posée à l'article 14 du règlement des examens des études de l'IEP de Lyon et a confirmé la légalité de son ajournement ; il n'a pas commis de faute en décidant d'ajourner M. B... alors que le jury ne pouvait que prononcer l'ajournement ;

- les délibérations du jury refusant le redoublement de M. B... ne lui ont pas été préjudiciables dès lors qu'en raison de son état de santé, il n'aurait pas pu poursuivre son année de redoublement en étant soumis au régime de droit commun ;

- le régime dérogatoire dont a bénéficié M. B... a été accordé à sa demande et dans son seul intérêt ;

- il n'a pas été informé tardivement du refus de redoublement qui lui a été opposé par la délibération du jury du 8 juillet 2011, confirmée le 9 septembre 2011 ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis ;

- compte tenu de ce que M. B... était dans l'impossibilité de poursuivre sa scolarité à Lyon dans le cadre du régime de droit commun, le lien de causalité entre le refus de redoublement et le préjudice invoqué n'est ni direct ni certain.

Par ordonnance du 26 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 13 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. B..., et de Me C..., représentant l'IEP de Lyon.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., étudiant en première année à l'Institut d'études politiques (IEP) de Lyon au cours de l'année universitaire 2010-2011, a sollicité le bénéfice d'un régime dérogatoire d'études et d'examens en raison de son état de santé l'empêchant de poursuivre ses études à Lyon. A ce titre, il a été autorisé, à titre dérogatoire, à ne pas assister aux cours dispensés par l'IEP de Lyon au second semestre de l'année universitaire 2010-2011 et a été admis à suivre, en qualité d'auditeur libre, les enseignements dispensés par l'IEP de Paris au cours de ce semestre. Par une délibération du jury de l'IEP de Lyon de validation de la première année et de passage en deuxième année du 8 juillet 2011, confirmée le 9 septembre 2011, M. B... a été ajourné et n'a pas été autorisé à redoubler. Par un arrêt du 7 juillet 2015, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ces délibérations, en tant qu'elles ont refusé à M. B... l'autorisation de redoubler, comme entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, et a enjoint à l'IEP de Lyon de réunir le jury afin qu'il se prononce sur le redoublement par l'intéressé de sa première année d'études. M. B..., qui a informé l'IEP de Lyon qu'il n'entendait pas solliciter son redoublement, a présenté une demande indemnitaire, rejetée le 23 février 2016. M. B... fait appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'IEP de Lyon à lui verser une somme de 224 630 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait, d'une part, du régime dérogatoire mis en place en ce qu'il ne pouvait conduire qu'à son ajournement par le jury alors que les notes qu'il avait obtenues devaient lui permettre de valider sa première année, d'autre part, de ces délibérations illégales en tant qu'elles ne l'ont pas autorisé à redoubler et, enfin, de l'information tardive du refus de redoublement qui lui a été opposé.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. En premier lieu, l'article 14 du règlement des examens et des études de l'IEP de Lyon, dans sa version applicable à l'année universitaire 2010-2011, subordonne l'admission en deuxième année à la double condition que la moyenne générale de toutes les notes obtenues, affectées de leur coefficient, soit au moins égale à 10 sur 20 et que la moyenne des notes de chacun des quatre modules suivis en première année, à savoir droit, science politique, économie et histoire, soit au moins égale à 8 sur 20. Le tableau des coefficients, modules et crédits européens ECTS, annexé à l'article 14 du règlement, précise que le nombre de crédits ECTS affectés à l'ensemble des enseignements suivis au cours des deux semestres de la première année de scolarité est égal à 60. En vertu de l'article 9 de ce règlement, un régime dérogatoire peut être accordé par décision du directeur de l'IEP de Lyon, sur proposition de la commission pédagogique.

3. Il résulte de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon n° 14LY01595 du 7 juillet 2015, devenu définitif, que si M. B... a assisté à des enseignements de l'IEP de Paris en auditeur libre au cours du second semestre de l'année universitaire 2010-2011 et y a obtenu des notes et des crédits ECTS, il n'a en revanche passé aucun examen à l'IEP de Lyon à l'issue de ce semestre, hormis des épreuves de rattrapage de sorte que, n'ayant pas satisfait aux exigences posées à l'article 14 du règlement des examens et des études de l'IEP de Lyon, le jury ne pouvait que décider son ajournement.

4. M. B... fait valoir que l'IEP de Lyon a commis une faute en lui proposant un régime dérogatoire illégal et qui, en ne définissant pas les modalités d'évaluation et de contrôle des connaissances, l'a placé en situation d'échec alors pourtant qu'il avait satisfait aux conditions cumulatives de l'article 14 du règlement des études et des examens, au vu des moyennes obtenues aux examens qu'il a passés tant à l'IEP de Lyon qu'à l'IEP de Paris au titre des deux semestres de l'année universitaire 2010-2011.

5. Toutefois, si la direction de l'IEP de Lyon a accompagné M. B... dans ses démarches pour qu'il puisse assister, en qualité d'auditeur libre, aux enseignements de l'IEP de Paris au cours du second semestre, il résulte de l'instruction, notamment d'un courrier électronique du 22 octobre 2010 du directeur des études de l'IEP de Lyon, que le suivi par M. B... de ces enseignements ne lui permettrait pas se voir attribuer un certificat d'équivalence de la première année par l'IEP de Lyon et que la validation de cette année d'études ne pouvait relever, le cas échéant, que de l'IEP de Paris. Il n'est pas établi, contrairement à ce que soutient le requérant, que le directeur de l'IEP de Lyon aurait accepté, au demeurant en méconnaissance de l'article 14 du règlement des études et des examens, que les notes attribuées par l'IEP de Paris s'agissant des enseignements suivis lors du second semestre pussent faire l'objet d'une validation au titre du second semestre de scolarité de l'IEP de Lyon, pour des enseignements concernant d'ailleurs des matières différentes. Le directeur des études de cet établissement a seulement admis, par un courrier du 16 mars 2011 en réponse à une demande des parents de l'intéressé, que la première année de scolarité de M. B... puisse être validée si celui-ci justifiait de l'obtention, en fin d'année, d'un total de 60 crédits ECTS, correspondant au nombre de crédits figurant au tableau annexé à l'article 14 du règlement des études et examens. Il résulte de l'instruction que M. B..., qui a validé 19 crédits ECTS à l'IEP de Lyon et 26 à l'IEP de Paris, n'a pas satisfait à cette condition. Il suit de là que l'IEP de Lyon n'a pas, contrairement à ce que soutient M. B..., commis de faute en lui faisant bénéficier d'un régime dérogatoire qui serait illégal et ayant conduit à son ajournement.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le résultat des notes et crédits ECTS obtenus par M. B... au titre du second semestre a été émis par l'IEP de Paris le 6 juillet 2011, que le jury de l'IEP de Lyon l'a ajourné et a refusé son redoublement le 8 juillet 2011 et que ces éléments ont été portés à la connaissance de l'intéressé par un courrier électronique du directeur des études du 11 juillet 2011. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'IEP de Lyon aurait commis une faute en tardant à l'informer de la décision du jury de validation de la première année et de passage en deuxième année.

7. En troisième lieu, si l'illégalité dont est entachée une décision administrative constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, elle n'est de nature à ouvrir droit à réparation que dans la mesure où son application a entraîné un préjudice direct et certain.

8. M. B... fait valoir que l'illégalité des délibérations du jury des 8 juillet 2011 et 9 septembre 2011 en tant qu'elles lui refusent l'autorisation de redoubler l'ont privé d'une scolarité normale à l'IEP de Lyon et l'ont contraint à se réorienter pour suivre des études de sciences politiques dans un établissement supérieur d'enseignement privé. Il soutient avoir subi, en lien avec ce refus illégal de redoublement de sa première année à l'IEP de Lyon lors de l'année universitaire 2011-2012, un préjudice moral, un préjudice d'incidence professionnelle tenant à la perte de chance d'obtenir le diplôme de l'IEP de Lyon ainsi qu'un préjudice matériel lié au coût plus important des études à Paris et aux frais d'inscription dont il a dû s'acquitter.

9. Toutefois, M. B... a produit, dès le début de sa scolarité à l'IEP de Lyon, deux certificats médicaux, datés des 15 et 25 septembre 2010, relevant que son état de santé nécessite de " façon impérative " un changement d'établissement et " une réorientation géographique hors de Lyon ". Dans un courrier daté du 3 mars 2011, les parents de M. B... ont indiqué que l'hypothèse qu'il puisse poursuivre ses études à Lyon à compter du mois de septembre suivant était " peu envisageable ", compte tenu des contraintes médicales de l'intéressé. Un certificat d'un médecin psychiatre, en date du 18 mai 2011, relève que l'état de santé de M. B... " impose qu'il continue ses études de sciences politiques à Paris (...) où il retrouve un équilibre après avoir traversé des problèmes existentiels traumatisants ". De même, un certificat du médecin de prévention de l'université Paris 5, établi le 22 juin 2011, fait état de ce que l'état de santé de M. B... " justifie son inscription universitaire à Paris pour pouvoir y poursuivre les soins médicaux en cours et se retrouver dans un environnement familial ". Au vu de l'ensemble de ces éléments détaillés et concordants produits tout au long de l'année universitaire 2010-2011, M. B... ne justifie pas, par la seule production d'un certificat du 1er octobre 2011, peu circonstancié et émanant d'un médecin généraliste, d'une amélioration de son état de santé telle qu'elle lui aurait permis d'être apte, dès la rentrée universitaire de septembre 2011, à redoubler sa première année à l'IEP de Lyon. Par suite, en l'absence de lien direct et certain de causalité entre la faute résultant de l'illégalité du refus de redoublement opposé à M. B... et les préjudices invoqués, M. B... ne saurait prétendre à une indemnisation.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'IEP de Lyon, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'IEP de Lyon, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'IEP de Lyon présentées sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du l'IEP de Lyon présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à l'institut d'études politiques de Lyon.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 juin 2020.

4

N° 18LY02273


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02273
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Enseignement et recherche - Questions générales - Examens et concours - Jury - Délibérations.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP LAMY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-11;18ly02273 ?
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