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06/04/2020 | FRANCE | N°19LY02157

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 06 avril 2020, 19LY02157


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner les Hôpitaux Drôme Nord, en réparation des conséquences dommageables du décès de son époux, M. C... B..., survenu le 18 mars 2016, à lui payer, en qualité de représentante légale de ses filles mineures E... D...-B... née le 28 avril 2006 et Jeanne D...-B... née le 21 août 2009, les indemnités respectives de 75 158,85 euros et de 86 527,39 euros et à lui payer une indemnité de 533 825,72 euros et de mettre à la charge des H

ôpitaux Drôme Nord les entiers dépens ainsi qu'une somme de 10 000 euros au titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner les Hôpitaux Drôme Nord, en réparation des conséquences dommageables du décès de son époux, M. C... B..., survenu le 18 mars 2016, à lui payer, en qualité de représentante légale de ses filles mineures E... D...-B... née le 28 avril 2006 et Jeanne D...-B... née le 21 août 2009, les indemnités respectives de 75 158,85 euros et de 86 527,39 euros et à lui payer une indemnité de 533 825,72 euros et de mettre à la charge des Hôpitaux Drôme Nord les entiers dépens ainsi qu'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme a demandé dans la même instance au tribunal administratif de Grenoble de condamner les Hôpitaux Drôme Nord à lui payer une indemnité de 12 847,44 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2018, en remboursement de ses débours et une somme de 1 066 euros au titre du 9ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de mettre à la charge de ce centre hospitalier les entiers dépens ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1605768 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a, avant dire droit sur cette demande et sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, ordonné une expertise médicale sur la prise en charge de M. C... B... aux Hôpitaux Drôme Nord.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juin 2019, Mme A... D..., agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentante légale de ses filles mineures, E... D...-B... née le 28 avril 2006 et Jeanne D...-B... née le 21 août 2009, représentée par la SCP Hartemann - Palazzolo, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1605768 du 30 avril 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Grenoble.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il porte atteinte au droit à un procès équitable en ordonnant une expertise médicale sur la prise en charge médicale de M. C... B... alors que la demande de première instance était fondée non pas sur l'existence de fautes médicales, mais sur l'existence de cinq fautes dans l'organisation du service public hospitalier et qu'il n'appartient pas à un expert médical mais au juge administratif d'apprécier l'organisation d'un service public hospitalier ;

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il révèle un autre déséquilibre du procès en prescrivant à l'expert de se faire communiquer " l'entier dossier médical et infirmier de M. C... B... aux Hôpitaux Drôme Nord ", ce qui laisse possible l'existence d'un " nouveau " dossier médical reconstitué après le décès du patient par ce centre hospitalier pour les besoins de sa défense, et en omettant d'autoriser l'expert à se fonder sur les pièces de l'enquête préliminaire de police, lesquelles révèlent que la porte de la salle de bains de la chambre de M. C... B... fermait à clé, que le patient disposait de sa ceinture et de son foulard et que les premiers soins lui ont été prodigués par le service d'aide médicale urgente du centre hospitalier de Valence ;

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il révèle un autre déséquilibre du procès en faisant apprécier la prise en charge du docteur Saladini, médecin qui a suivi M. C... B... au sein des Hôpitaux Drôme Nord et expert près les tribunaux, par un confrère expert ;

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il prescrit une expertise inutile et frustratoire, dès lors que l'ensemble des pièces médicales du dossier médical communiqué à Mme D... par les Hôpitaux Drôme Nord le 17 mai 2016 et des pièces de l'enquête préliminaire de police suffisent à établir l'existence de fautes dans l'organisation du service public hospitalier par la présence du foulard et de la ceinture laissés au patient, la possibilité de fermer à clé la porte de la salle de bain de sa chambre, le retard dans l'administration des premiers soins, l'absence de compte-rendu des visites familiales dans le dossier médical et le changement d'établissement sans justification médicale dans le dossier médical ;

- le jugement attaqué est peu motivé sur l'utilité de l'expertise.

Par un mémoire, enregistré le 23 juillet 2019, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, représentée par la SCP Folco Tourette Neri, avocat, déclare s'en rapporter à justice quant à la requête de Mme D....

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2019, les Hôpitaux Drôme Nord, représentés par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président assesseur,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- les conclusions de Me Czorny, avocat (SCP Hartemann - Palazzolo), pour Mme D...,

- et les observations de Me Demailly, avocat (Cabinet Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation), pour les Hôpitaux Drôme Nord.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une tentative de suicide par pendaison à son domicile, M. C... B..., né le 20 juillet 1975, a été admis le 13 février 2016 aux Hôpitaux Drôme Nord où il a de nouveau tenté, le même jour, de se suicider en s'étranglant avec un cordon. Hospitalisé en soins psychiatriques sans consentement au sein des Hôpitaux Drôme Nord, il a, dans la matinée du 15 mars 2016, tenté une nouvelle fois de mettre fin à ses jours en se pendant avec son foulard dans la salle de bain et des toilettes de sa chambre. Ayant sombré dans le coma à la suite de ce nouveau passage à l'acte, il a été transféré le même jour en urgence au service de réanimation du centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes où il est décédé le 18 mars 2016. Mme D..., épouse de M. C... B..., relève appel du jugement n° 1605768 du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, avant dire droit sur sa demande tendant à la réparation par les Hôpitaux Drôme Nord des conséquences dommageables du décès de son époux, M. C... B..., ordonné une expertise médicale sur la prise en charge de ce dernier aux Hôpitaux Drôme Nord.

2. En premier lieu, si Mme D... a invoqué devant le tribunal administratif de Grenoble l'existence de cinq fautes imputables aux Hôpitaux Drôme Nord et tenant à la présence du foulard et de la ceinture laissés au patient, à la possibilité de fermer à clé la porte de la salle de bain de sa chambre, au retard dans l'administration des premiers soins, à l'absence de compte-rendu des visites familiales dans le dossier médical et au transfert sans justification médicale vers un établissement psychiatrique moins sécurisé des Hôpitaux Drôme Nord, et si elle a produit en première instance notamment le dossier médical de son époux au sein des Hôpitaux Drôme Nord, le dossier médical de son époux au sein du centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes et les procès-verbaux et photographies du dossier de l'enquête préliminaire ordonnée par le procureur de la République de Valence à la suite de la plainte déposée par Mme D... pour homicide involontaire à l'encontre des Hôpitaux Drôme Nord, il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Grenoble ne disposait pas d'éléments suffisants pour retenir ou écarter l'existence des fautes ainsi alléguées. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'était frustratoire l'expertise médicale prescrite par le jugement n° 1605768 du 30 avril 2019 du tribunal administratif de Grenoble sur la conformité aux bonnes pratiques médicales du suivi médical de M. C... B..., sur le caractère adapté au risque suicidaire qu'il pouvait présenter, des conditions matérielles de son hospitalisation et de la surveillance dont il a fait l'objet et sur sa prise en charge après qu'il eut été découvert dans sa chambre le 15 mars 2016 au matin.

3. En deuxième lieu, les juges de première instance, en prescrivant la mission d'expertise dans les termes mentionnés au point précédent et en n'invitant pas l'expert à se prononcer sur le point de savoir si étaient fautives les conditions de l'hospitalisation et de la prise en charge de M. C... B..., n'ont pas porté atteinte au droit de Mme D... à un procès équitable.

4. En troisième lieu, les premiers juges, en prescrivant à l'expert de se faire communiquer l'entier dossier médical et infirmier de M. C... B... aux Hôpitaux Drôme Nord, n'ont pas davantage porté atteinte au droit de Mme D... à un procès équitable ni déséquilibré le procès. S'il n'est pas précisé dans la mission de l'expert que celui-ci est autorisé à consulter les pièces de l'enquête préliminaire de police, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les parties produisent à l'expert lors des opérations d'expertise toutes pièces qu'elles estiment utiles, dont les pièces de ladite enquête, que Mme D... a au demeurant produites, devant le tribunal administratif et devant la cour.

5. En quatrième lieu, la circonstance que le docteur Saladini, médecin qui a suivi M. C... B... au sein des Hôpitaux Drôme Nord, soit expert médical auprès les juridictions, ne fait pas obstacle à ce que soit ordonnée une expertise médicale portant sur la prise en charge de M. B... dans ce centre hospitalier et réalisée dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative et ne porte, dès lors, pas atteinte à l'équilibre du procès.

6. En dernier lieu, le jugement attaqué est suffisamment motivé.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'est entaché d'irrégularité le jugement n° 1605768 du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, avant dire droit sur sa demande tendant à la réparation des conséquences dommageables du décès de son époux et sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, ordonné une expertise médicale sur la prise en charge de M. C... B... aux Hôpitaux Drôme Nord.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme et aux Hôpitaux Drôme Nord.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 avril 2020.

5

N° 19LY02157


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02157
Date de la décision : 06/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02-02-01 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation. Expertise. Recours à l'expertise.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP HARTEMANN - BRUN - PALAZZOLO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-06;19ly02157 ?
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