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03/04/2020 | FRANCE | N°18LY03002

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 03 avril 2020, 18LY03002


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I) Par une demande, enregistrée sous le n° 1604977, M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier au titre de l'année 2010.

II) Par une demande, enregistrée sous le n° 1604978, M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2010,

2011 et 2012.

III) Par une demande, enregistrée sous le n° 1604979, M. D... F......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I) Par une demande, enregistrée sous le n° 1604977, M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier au titre de l'année 2010.

II) Par une demande, enregistrée sous le n° 1604978, M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2010, 2011 et 2012.

III) Par une demande, enregistrée sous le n° 1604979, M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012.

IV) Par une demande, enregistrée sous le n° 1604980, M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2013.

Par un jugement n° 1604977-1604978-1604979-1604980 du 4 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er août 2018, M. F..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 juin 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et de cette amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. F... soutient que :

- il n'a pas reçu la réponse aux observations du contribuable du 31 octobre 2014 de sorte qu'il a été privé de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires ; l'avis de réception a été signé par une autre personne ; celle-ci n'a pas été adressée à son avocat alors qu'il avait élu domicile à son cabinet ;

- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu dès lors que l'administration ne lui a pas communiqué les documents obtenus de tiers qu'il avait demandés ;

- l'avis de réception a été signé par une autre personne ;

- la proposition de rectification du 30 août 2011 ne lui a pas été notifiée ;

- c'est à tort que la comptabilité a été écartée ; un grand nombre de pièces comptables avaient fait l'objet d'une saisie et il ne pouvait donc les produire dans le cadre de la vérification de comptabilité ; les anomalies relevées sont en nombre limité et sont imputables au cabinet d'expertise comptable qui avait en charge de tenir la comptabilité ; pour établir les minorations de recettes, l'administration s'est fondé sur des documents internes à l'entreprise, provisoires et sans valeur comptable ; il n'y a pas eu de dissimulation de crédits puisqu'ils ont donné lieu à des écritures comptables d'attente, laissant une trace comptable ; ces encaissements correspondent à des ventes ayant donné lieu à des factures et auxquelles des charges doivent être reliées ;

- pour établir les minorations de recettes, l'administration s'est fondée sur des documents internes à l'entreprise, provisoires et sans valeur comptable ; l'administration aurait dû tenir compte des charges afférentes aux produits retenus ; n'ayant pas tenu compte du fonctionnement réel de l'entreprise, sa méthode est viciée et sommaire ; elle devait également tenir compte de la renonciation d'un client à l'achat d'un véhicule ;

- s'agissant de l'amende, l'administration n'a pas précisé la source du constat des paiements en espèce.

Par un mémoire enregistré le 4 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme H..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... F..., qui exerce une activité de négoce de véhicules d'occasion sous l'enseigne BK Auto, à Annemasse, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur l'année 2010, à la suite duquel le SIE d'Annemasse a, par notification du 30 août 2011, évalué d'office son bénéfice industriel et commercial à 35 000 euros. M. F... a par la suite fait l'objet, du 17 octobre 2013 au 4 juin 2014, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, prolongée, en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, jusqu'au 31 août 2013, diligentée par la 5ème brigade de vérification de Thonon-les-Bains, à la suite de laquelle l'administration a, par notification du 20 décembre 2013, porté à 86 637 euros le bénéfice de l'année 2010, qu'il avait entretemps déclaré pour un montant de 81 734 euros, et l'a assujetti à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises sur le fondement de la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Cette vérification de comptabilité a également donné lieu à l'envoi au contribuable d'une notification du 9 juillet 2014, par laquelle l'administration a, en premier lieu, évalué d'office le bénéfice industriel et commercial de l'année 2011, en deuxième lieu, rehaussé suivant la procédure contradictoire le bénéfice industriel et commercial déclaré au titre de l'année 2012, en troisième lieu, notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de la procédure contradictoire au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 et de la période du 1er janvier 2013 au 31 aout 2013 et suivant la procédure de taxation d'office au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, en quatrième lieu, notifié des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des année 2011 et 2012 selon la procédure de taxation d'office et, en cinquième lieu, a infligé à M. F... l'amende prévue à l'article L. 112-7 du code monétaire et financier. Par la présente requête, M. F... relève appel du jugement du 4 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté les quatre demandes qui lui étaient soumises tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu, des droits de taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises maintenues à la charge du contribuable à l'issue de la réclamation et de l'amende qui lui a été infligée.

Sur la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription. (...) ".

3. Si M. F... soutient qu'il n'a jamais reçu la proposition de rectification du 30 août 2011 et que celle-ci visait son établissement, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'il soutient, le pli recommandé contenant cet acte lui a été adressé personnellement et lui a été notifié à son adresse personnelle, l'enveloppe comportant des mentions précises, claires et concordantes, selon lesquelles il n'a pas été réclamé par son destinataire. En tout état de cause, les rehaussements contestés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux établis au titre de l'année 2010 ne procèdent pas de cette proposition de rectification mais de celle du 20 décembre 2013 qui lui a été notifiée à la suite de la vérification de comptabilité dont il a fait l'objet et qu'il ne conteste pas avoir reçue.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales applicable à la procédure de rectification contradictoire : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit être également motivée ".

5. M. F... soutient, d'une part, que la réponse aux observations du contribuable du 31 octobre 2014 consécutive aux observations qu'il a présentées le 8 septembre 2014 en réponse à la notification du 9 juillet 2014 ne lui a pas été notifiée et, d'autre part, qu'ayant élu domicile chez son conseil, une copie de la réponse aux observations du contribuable aurait dû être adressée à ce dernier.

6. Lorsque le destinataire d'une décision administrative soutient que l'avis de réception d'un pli recommandé portant notification de cette décision à l'adresse qu'il avait lui-même indiqué à l'administration n'a pas été signé par lui, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli en cause.

7. Toutefois, d'une part, l'administration produit l'avis de réception d'un pli recommandé envoyé à M. F... revêtu d'une signature, dont il résulte que le courrier est parvenu le 3 novembre 2014 à l'adresse exacte de l'intéressé. En se bornant à faire valoir que la signature sur son passeport est différente de celle apposée sur le pli, M. F... n'établit pas que le signataire de l'avis de réception n'avait pas qualité pour le recevoir. L'administration doit donc être regardée comme ayant régulièrement notifié à l'intéressé la réponse aux observations du contribuable du 31 octobre 2014.

8. D'autre part, il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce du dossier que le contribuable, qui ne produit aucune pièce en ce sens, aurait élu domicile chez son conseil. En tout état de cause aucune disposition ne prévoit l'envoi d'une copie de la réponse aux observations du contribuable au conseil du contribuable quand bien-même il a élu domicile chez lui.

9. En troisième lieu, à l'appui de ses conclusions, M. F... soulève le même moyen que celui soulevé devant le tribunal administratif, tiré de ce qu'il n'aurait pas reçu copie des documents obtenus par l'exercice de son droit de communication, suite à sa demande du 9 septembre 2014. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

10. Pour écarter la comptabilité de M. F... et reconstituer ses chiffres d'affaires sur la période vérifiée, le vérificateur, qui a établi un procès-verbal de défaut de présentation des livres de police pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et un procès-verbal d'irrégularités constatées dans la comptabilité pour les exercices clos en 2011, 2012 et 2013, a retenu que la comptabilité présentée par le requérant était affectée de nombreuses irrégularités tenant, notamment tant aux modalités de comptabilisation des recettes et des charges qu'au caractère incomplet des pièces justificatives. S'agissant de l'exercice clos en 2010, il a en outre constaté des anomalies dans les factures de vente, lesquelles ne comportaient pas la mention de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge alors que M. F... en faisait application, et, pour un certain nombre, ne comportaient pas les noms et adresses complets des acquéreurs. S'agissant des exercices clos en 2011 et 2012, le vérificateur a relevé que la comptabilité comportait des écritures non assorties de pièces justificatives, telles que celles se rapportant aux créances des clients et aux dettes des fournisseurs, que de nombreuses factures ne revêtaient pas les mentions obligatoires prévues par le I de l'article 242 nonies A de l'annexe 2 au code général des impôts, comme le prix de vente, l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, l'identité du client, ou comportaient des mentions erronées et que sur certaines, des mentions avaient été modifiées au correcteur et ne correspondaient pas à la réalité de l'exploitation. Le vérificateur a également relevé que certaines factures étaient manquantes, que la comptabilité ne comportait pas de compte de caisse, rendant impossible le suivi des espèces alors que l'activité de l'entreprise fait apparaître d'importantes manipulations en espèces, et qu'elle enregistrait les achats et les ventes en se référant uniquement au numéro d'ordre du véhicule sans renvoyer à l'identité des clients ou fournisseurs, ce qui ne permet pas d'assurer le suivi des règlements, ce d'autant plus lorsque les fournisseurs ou clients professionnels procèdent à des achats ou des ventes groupés. Il a également constaté que la comptabilité retraçait des mouvements financiers intervenus sur les comptes bancaires de l'entreprise au débit ou au crédit du compte 470 " compte d'attente " dont le solde était viré au crédit du compte de l'exploitant en fin d'exercice, sans que les sommes correspondantes ne soient affectées à aucun compte définitif. S'agissant de l'exercice clos en 2013, le vérificateur a constaté une minoration des produits comptabilisés et de nombreux crédits comptabilisés au compte d'attente, non identifiés, qu'il s'agisse de remises de chèques ou de dépôts d'espèce.

11. M. F... fait valoir que le caractère incomplet de sa comptabilité est imputable à la saisie par l'autorité judiciaire d'un certain nombre de ses pièces comptables. Toutefois, à supposer même qu'une partie des documents manquants aient effectivement été placés sous main de justice, il ne soutient pas, et a fortiori n'établit pas, qu'il aurait fait usage de la possibilité offerte par le 7ème alinéa de l'article 97 du code de procédure pénale, de demander une copie de tels documents.

12. Pour le reste, M. F... minimise l'importance des minorations de recettes et des produits non comptabilisés, sans contester la réalité de l'ensemble des anomalies rappelées ci-dessus au point 7 et qui sont suffisantes pour regarder la comptabilité comme dépourvue de valeur probante, quand bien même aucune anomalie concernant les factures n'aurait été détectée au titre de l'exercice clos en 2013 et en nombre limité au titre de l'exercice clos en 2012. La circonstance que sa comptabilité aurait été tenue par un cabinet d'expertise comptable est par ailleurs sans incidence sur l'appréciation du caractère probant de la comptabilité. Il suit de là que l'administration apporte la preuve du caractère irrégulier et non probant de la comptabilité de M. F... et était fondée à l'écarter et à procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires pour les exercices en litige.

En ce qui concerne la méthode de reconstitution :

13. A l'appui de ses conclusions, M. F... soulève les mêmes moyens que ceux soulevés devant le tribunal administratif, tirés de ce que le " tableau BK ", dont s'est servi l'administration pour établir les minorations de recettes, est dénué de valeur comptable, de ce que le prix définitif des transactions en cause est parfois inférieur à celui mentionné sur ce tableau, de ce que l'administration n'a pas pris en compte les charges liées aux véhicules de remplacement, de ce que les produits en litige ont déjà été fiscalisés et de ce que l'administration devait prendre en compte les charges afférentes aux produits qu'elle retenait. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.

Sur l'amende prévue par l'article L. 112-7 du code monétaire et financier :

14. En appel, M. F... soulève le même moyen que celui soulevé en première instance, tiré de ce qu'une contradiction utile n'est pas possible en l'absence de communication par l'administration de la source du constat des paiements en espèce. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

15. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 18 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme C... présidente-assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 3 avril 2020.

2

N° 18LY03002

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03002
Date de la décision : 03/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : RIERA-TRYSTRAM-AZEMA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-03;18ly03002 ?
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