Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2014 du préfet du Rhône déclarant cessibles au profit de la commune de Lozanne les parcelles nécessaires à la réalisation sur son territoire du projet d'agrandissement du rond-point dit " du Vesuvio " au carrefour de la RD 30 et de la RD 385 et de création de places de stationnement rue du Pont.
Par un jugement n° 1501337 du 21 juin 2018, le tribunal a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 août 2018 M. et Mme D..., représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement et l'arrêté ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais du litige.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est fondé sur des mémoires produits par la commune de Lozanne, dans lesquels était indiqué le coût des démolitions effectuées dans le cadre de la procédure d'expropriation, qui n'ont pas été communiqués, de sorte qu'ils n'ont pas été mis à même de le contester ;
- le dossier d'enquête parcellaire est incomplet ;
- ils excipent de l'illégalité de l'arrêté du 18 novembre 2014 du préfet du Rhône déclarant d'utilité publique le projet d'agrandissement du rond-point dit " du Vesuvio " au carrefour de la RD 30 et de la RD 385 et la réalisation de places de stationnement rue du Pont dès lors que l'estimation sommaire des dépenses présentée dans le dossier préalable à la déclaration d'utilité publique est insuffisante et le projet n'est pas conforme à l'intérêt général, est dépourvu d'utilité publique et peut être réalisé dans des conditions équivalentes moins onéreuses ;
- la procédure d'expropriation est entachée de détournement de pouvoir.
Par un mémoire enregistré le 2 novembre 2018, la commune de Lozanne, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des appelants au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 8 janvier 2020, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, qui déclare s'en rapporter aux mémoires produits en première instance par le préfet du Rhône, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir en outre que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Un mémoire enregistré le 10 octobre 2019 présenté pour M. et Mme D... n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme G...,
- et les observations de Me F..., représentant M. et Mme D... et celles de Me A..., représentant la commune de Lozanne.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 18 novembre 2014, le préfet du Rhône a déclaré d'utilité publique au profit de la commune de Lozanne le projet comportant d'une part, l'agrandissement du rond-point dit " du Vesuvio " au carrefour de la RD 30 et de la RD 385 et, d'autre part, la création de places de stationnement rue du Pont. Par un arrêté du 10 décembre 2014, il a déclaré cessibles les parcelles nécessaires à la réalisation de ce projet. M. et Mme D..., propriétaires de la parcelle cadastrée section AS n° 71, partiellement incluse dans le périmètre du projet déclaré d'utilité publique, ont demandé l'annulation de l'arrêté de cessibilité au tribunal administratif de Lyon. Par un jugement du 21 juin 2018 dont ils relèvent appel, le tribunal a rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire ou une pièce contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.
3. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Lozanne a produit devant le tribunal, postérieurement à la clôture de l'instruction, la facture, relative aux travaux de démolition des bâtiments appartenant aux époux D..., d'un montant de 31 440 euros réglée le 5 septembre 2017 et qui constituait un élément nouveau. Le tribunal ne s'est toutefois pas fondé sur ce document, alors même que le jugement mentionne le montant de 31 440 euros, pour écarter le moyen tiré de ce que l'appréciation sommaire des dépenses présentée dans le dossier préalable à la déclaration d'utilité publique était insuffisante. Par suite, le moyen soulevé par les appelants, tiré de l'atteinte au principe du caractère contradictoire de la procédure, doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le dossier d'enquête parcellaire :
4. Aux termes de l'article R. 11-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur : " L'expropriant adresse au préfet, pour être soumis à enquête dans chacune des communes où sont situés les immeubles à exproprier : / 1° Un plan parcellaire régulier des terrains et bâtiments ; / 2° La liste des propriétaires établie à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou à l'aide des renseignements délivrés par le service de la publicité foncière au vu du fichier immobilier ou par tous autres moyens. ".
5. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le dossier d'enquête parcellaire comportait outre un plan de situation et un plan figuratif, un plan parcellaire qui fixait sans ambiguïté la situation, la contenance ainsi que la désignation cadastrale des parcelles à exproprier. Il ne ressort pas des pièces versées au dossier que le plan parcellaire figurant dans le dossier soumis à l'enquête était raturé et que le document n'aurait pas permis au public de connaître le périmètre des parcelles à exproprier.
En ce qui concerne la légalité de la déclaration d'utilité publique :
6. En premier lieu, en vertu du I. de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur, lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrage, l'expropriant adresse au préfet pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant obligatoirement l'appréciation sommaire des dépenses. L'obligation faite par ces dispositions à l'autorité qui poursuit la déclaration d'utilité publique de travaux ou d'ouvrages a pour but de permettre à tous les intéressés de s'assurer que ces travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à l'époque de l'enquête, revêtent un caractère d'utilité publique.
7. L'appréciation sommaire des dépenses a intégré le coût prévisionnel de l'opération, d'un montant de 293 000 euros, dont 52 000 euros au titre de la valeur vénale de la dépendance située sur la parcelle cadastrée section AS n° 71 et 170 000 euros pour l'acquisition du bâti sis sur la parcelle cadastrée section AS n° 165, 9 000 euros TTC au titre des travaux de démolition et 20 000 euros HT au titre de la réalisation des trottoirs, bordures et places de stationnement. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la valeur vénale et le prix d'acquisition des biens auraient été manifestement sous-évalués dans les avis du service des domaines émis antérieurement à l'arrêté du 18 novembre 2014, alors même que le juge de l'expropriation, par des jugements du 3 août 2015, a alloué à M. et Mme D... une indemnité principale de 80 000 euros et fixé le prix d'acquisition de la maison située sur la parcelle cadastrée section AS n° 165 à la somme de 175 000 euros. Les devis produits par les appelants ne sont pas de nature à établir que le coût des travaux de démolition des bâtiments aurait été manifestement sous-évalué. Aucune disposition n'imposait que soit versée au dossier mis à l'enquête une évaluation détaillée du coût des places de stationnement, de la création d'un nouveau réseau d'assainissement sur les parcelles cadastrées section AS n°s 71 et 165, du déplacement des compteurs électriques et d'une clôture, de celui du désamiantage des bâtiments et des frais d'expert et d'huissier pour prévenir tout dommage sur les bâtiments conservés après les opérations de démolition. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du dossier soumis à l'enquête doit être écarté.
8. Il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.
9. Le projet d'agrandissement du rond-point dit " du Vesuvio " au carrefour des routes départementales 30 et 385 qui traversent le centre-bourg de la commune de Lozanne a pour objectifs, d'une part, de sécuriser le rond-point dont l'étroitesse génère, ainsi que cela ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'enquête publique, un ralentissement important du trafic routier et favorise les infractions au code de la route par les conducteurs de camions et de bus, contraints pour effectuer des manoeuvres de rouler sur le trottoir ou du mauvais côté de la voie faute de place suffisante et, d'autre part, de créer des places de stationnement de proximité pour la clientèle des commerces du centre-bourg, en cohérence avec la préoccupation de la commune, dont l'urbanisation, pavillonnaire, est éclatée, de structurer ce centre-bourg. Le projet répond ainsi à une finalité d'intérêt général, alors même que le conseil municipal, par la délibération du 19 septembre 2014, suivant en cela les recommandations du commissaire-enquêteur, a décidé de supprimer deux places de stationnement pour préserver la sécurité des piétons cheminant sur le trottoir de la route départementale 385 et de donner la jouissance privative de deux des places de stationnement créées aux locataires des époux D....
10. Il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir, au titre de l'examen du bilan des avantages et inconvénients de l'opération, d'apprécier l'opportunité du choix de ne pas déplacer le rond-point pour l'aménager du côté opposé au projet et de ne pas transformer en parc de stationnement l'arrière du bâtiment accueillant la mairie.
11. Compte tenu de ce qui précède et de ce que le conseil municipal, par la délibération du 19 septembre 2014, a décidé de lever la réserve émise par le commissaire enquêteur en limitant l'expropriation sur la parcelle cadastrée section AS n° 165 à la cour et à la servitude qui lui est attachée, l'atteinte aux droits de propriété et le coût de l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt présenté par le projet.
12. La circonstance que l'aménagement à réaliser permettra indirectement de mettre en valeur le bâtiment de la mairie, désormais plus visible, n'est pas de nature à priver cette opération de son utilité publique, ni à apporter la preuve du détournement de pouvoir allégué.
13. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à leur charge une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Lozanne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme D... sont condamnés à verser à la commune de Lozanne la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... D..., au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de Lozanne. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme B..., président assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 mars 2020.
2
N° 18LY03106