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10/03/2020 | FRANCE | N°18LY00665

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 10 mars 2020, 18LY00665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme à lui payer la somme de 23 102,74 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi entre le 21 décembre 2011 et le 31 octobre 2014, de condamner cet établissement public à régulariser ses cotisations de retraite auprès de la caisse du régime général (CNAV) et auprès de l'organisme de retraite complémentaire (IRCANTEC) sur la base

d'un traitement de 20 520 euros et de mettre à la charge du centre département...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme à lui payer la somme de 23 102,74 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi entre le 21 décembre 2011 et le 31 octobre 2014, de condamner cet établissement public à régulariser ses cotisations de retraite auprès de la caisse du régime général (CNAV) et auprès de l'organisme de retraite complémentaire (IRCANTEC) sur la base d'un traitement de 20 520 euros et de mettre à la charge du centre départemental de l'enfance et de la famille la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700799 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2018, et un mémoire enregistré le 31 octobre 2019, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700799 du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de condamner le centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme à lui payer la somme de 23 102,74 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi entre le 21 décembre 2011 et le 31 octobre 2014 ;

3°) de condamner cet établissement public à procéder à la régularisation de ses cotisations de retraite auprès de la caisse du régime général (CNAV) et de l'organisme de retraite complémentaire (IRCANTEC) sur la base d'un traitement annuel de 20 520 euros ;

4°) de mettre à la charge du centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la différence entre les indemnités journalières qu'elle a perçues et le montant de son traitement, déduction faite des primes, majorations et gratifications liées à l'exercice effectif de ses fonctions, s'élève, au titre de la période courant entre le 21 décembre 2011 et le 31 octobre 2014, à la somme de 25 010,40 euros, à laquelle il convient d'ajouter les indemnités de congés payés de 10 % et dont il y a lieu de déduire les sommes qui lui ont été versées au titre du traitement de base entre janvier et mai 2012, soit la somme de 23 102,74 euros ;

- il est légitime de prendre en considération la période de suspension de fonctions dans l'évaluation de son préjudice financier, au vu du détournement de pouvoir commis par le centre départemental de l'enfance et de la famille et du syndrome anxio-dépressif qu'elle a développé à compter du 21 décembre 2011 ;

- les conséquences de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions se sont étendues au-delà de la durée de deux mois ; cette sanction a en effet servi de fondement à la décision de suspension d'agrément prise par le président du conseil général du Puy-de-Dôme le 16 juillet 2012 et retirée le 9 octobre suivant et a été utilisée par le centre départemental de l'enfance et de la famille pour lui nuire ;

- elle a justifié de sa perte de rémunération ;

- son placement en congé maladie de longue durée, puis en invalidité, conséquence directe de la sanction injustifiée, a eu un impact sur son salaire pris en compte pour déterminer sa pension de retraite ; l'obligation qui incombe à son employeur en matière de régularisation de ses cotisations de retraite résulte du principe d'indemnisation intégrale ; elle a subi un manque à gagner qui s'élève à la somme de 20 520 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés le 14 octobre 2019 et le 22 novembre 2019, le centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mis à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- Mme A... n'établit pas avoir subi un préjudice financier en lien direct et certain avec la sanction illégale du 3 mai 2012, laquelle n'a reçu aucune exécution ;

- le préjudice allégué portant sur les droits à la retraite de Mme A... n'est pas davantage établi.

Par ordonnance du 26 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 13 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., recrutée le 15 janvier 2007 en qualité d'agent contractuel par le centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme pour exercer les fonctions d'assistante familiale, a fait l'objet le 3 mai 2012 d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux mois. Par un arrêt n° 13LY02394 du 26 mai 2016, devenu définitif, la cour administrative d'appel a annulé cette sanction disciplinaire au motif qu'elle ne reposait pas sur des faits matériellement établis et, au surplus, qu'elle était entachée de détournement de pouvoir, a condamné le centre départemental de l'enfance et de la famille à verser à Mme A... la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis liés à l'illégalité de la sanction révélant un comportement fautif et a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme A... tendant à la réparation de son préjudice financier au motif qu'il ne pouvait être regardé comme établi. Mme A... relève appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme à lui verser la somme totale de 43 622,74 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité du centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme :

2. L'illégalité de la sanction du 3 mai 2012 portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux mois constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement public et Mme A... est en droit d'obtenir la réparation des préjudices directs et certains ayant résulté pour elle de cette décision.

En ce qui concerne la perte de revenus :

3. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction.

4. Mme A... fait valoir que la sanction illégale prise à son encontre le 3 juin 2012 a engendré chez elle un syndrome dépressif qui a nécessité son placement en congé de maladie au cours de la période du 21 décembre 2011 au 31 octobre 2014 et qu'elle a subi de ce fait une perte de rémunération s'élevant à la somme de 23 102,74 euros correspondant à la différence entre les indemnités journalières qu'elle a perçues et son traitement de base.

5. Toutefois, les fautes commises par le centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme à l'égard de Mme A... ne peuvent ouvrir droit à réparation au profit de la requérante qu'à la condition qu'elles soient à l'origine de préjudices directs et certains subis par elle.

6. D'une part, si la cour, par l'arrêt n° 13LY02394 du 26 mai 2016, a indemnisé le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence liés à l'illégalité de la sanction révélant un comportement fautif de l'administration, elle a en revanche jugé qu'il ne résultait pas de l'instruction, et particulièrement des documents produits par Mme A..., que le préjudice financier qu'elle alléguait, consécutif à ce comportement fautif du centre départemental de l'enfance et de la famille, puisse être regardé comme établi. Mme A..., qui a été placée en congé de maladie dès le 21 décembre 2011, soit avant même l'engagement de la procédure disciplinaire à son encontre initiée au début de l'année 2012, n'établit pas davantage dans la présente instance que la perte de revenus qu'elle allègue avoir subie du fait de son placement en congé de maladie serait en lien direct avec cette procédure et la sanction illégale qui s'en est suivie. En outre, si Mme A... fait valoir qu'il y a lieu de prendre en considération dans l'évaluation de son préjudice financier la période à compter du 18 janvier 2012 durant laquelle elle a, à titre conservatoire, été suspendue de ses fonctions, il résulte de l'instruction qu'elle a, en tout état de cause, bénéficié de l'intégralité de son traitement durant cette période de suspension et n'a, ainsi, subi aucune perte de revenus.

7. D'autre part, il résulte de l'instruction que si l'exclusion temporaire de fonctions illégalement infligée à Mme A... a reçu un commencement d'exécution alors qu'elle était en congé de maladie, le centre départemental de l'enfance et de la famille lui a versé, à titre rétroactif, l'ensemble des traitements dont elle a été privée. Il n'est pas contesté que cette sanction n'a, par la suite, plus reçu d'application. Dès lors, Mme A..., qui ne justifie pas d'une perte de rémunération du fait de son éviction illégale du service, n'établit pas avoir subi de préjudice financier à ce titre.

En ce qui concerne la régularisation des cotisations pour la pension de retraite :

8. L'annulation d'une décision évinçant illégalement un agent public implique nécessairement, au titre de la reconstitution de sa carrière, la reconstitution des droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite, qu'il aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à l'administration de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, au même titre que de la part patronale.

9. Mme A... fait valoir qu'elle a également droit à la reconstitution des droits à pension de retraite au titre du régime général et des cotisations versées auprès de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques qu'elle aurait acquis si elle n'avait pas subi de perte de revenus du fait de la faute commise par le centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 6 et 7, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait subi une perte de revenus en lien direct avec l'illégalité fautive commise par centre départemental de l'enfance et de la famille. Par suite ses conclusions tendant à la reconstitution de ses droits à pension de retraite doivent être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme A... à l'occasion du litige.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre départemental de l'enfance et de la famille du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

Mme Caraës, premier conseiller,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 mars 2020.

5

N° 18LY00665


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00665
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : VERDEAUX-KERNEIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-03-10;18ly00665 ?
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