Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 1er février 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, et d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ou, à titre encore plus subsidiaire de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de le mettre en possession, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.
Par un jugement n° 1901523 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 juillet 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 juin 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er février 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et à défaut de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de le mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans l'attente de ce réexamen et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :
- les décisions méconnaissent le 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors qu'il a résidé de façon continue en France de 2005 à 2016 ; ses séjours en Algérie ne peuvent lui être reprochés ; il a rejoint l'Algérie lorsque sa carte de résident a expiré en 2015 ;
- les décisions méconnaissent le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il justifie de la présence en France des membres de sa famille en situation régulière, notamment ses parents et son frère ; il a résidé en France de 2005 à 2015 ; ses enfants résident chez sa mère en France et ils sont scolarisés ; il participe à leur entretien et leur éducation ; sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que ses quatre enfants résident en France ;
Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :
- les condamnations prononcées à son encontre sont anciennes et la condamnation de 2016 concerne des faits de 2005 ; durant son incarcération, il s'est parfaitement conduit ; il n'a pas échappé à sa peine en s'exilant en Algérie puisqu'il a été incarcéré ;
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant algérien né le 27 décembre 1971, déclare être entré en France en février 2005 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa délivré par les autorités grecques et valable jusqu'en 2006. A la suite de son mariage avec une ressortissante portugaise dont il a divorcé en 2010, M. C... a obtenu une carte de résident de dix ans en qualité de conjoint d'une ressortissante de l'Union européenne valable du 5 juillet 2005 au 4 juillet 2015. Le 31 octobre 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 1 et du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 1er février 2019, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2019.
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention 'vie privée et familiale' est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (...) ".
3. Pour justifier de sa présence continue sur le territoire français depuis 2005, M. C... produit, pour chacune des années 2008 à 2015, une ordonnance médicale et pour les années 2015 et 2016, un avis d'impôt sur le revenu de zéro euro. Ces pièces ne sauraient suffire à démontrer une présence continue de M. C... sur le territoire français depuis 2005 et ce alors que deux de ses enfants sont nés en Algérie en 2007 et 2015 et que l'intéressé s'est installé en qualité de commerçant en Algérie en 2016. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié doit être écarté.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5) Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de son refus ".
5. Si M. C... invoque la durée de sa présence en France ainsi que la présence de sa famille et notamment de ses parents et de ses cinq enfants, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'établit pas, ainsi qu'il vient d'être dit, résider habituellement en France depuis dix ans. Par ailleurs, il n'établit pas participer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants qui pour quatre d'entre eux résident chez leur grand-mère à Saint-Fons, selon l'attestation de cette dernière en date du 12 septembre 2017, en se bornant à produire des attestations générales et une procuration bancaire établie au nom de sa mère postérieurement à la décision critiquée. Il ne justifie pas que son dernier enfant né à Feyzin le 11 avril 2018 résiderait en France et non en Algérie avec sa concubine, ressortissante algérienne et mère de ses cinq enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, de même que les moyens tirés de la méconnaissance du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'arrêté au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. En se bornant à soutenir que ses enfants résident en France alors qu'il n'établit pas participer à leur entretien et à leur éducation, M. C... n'apporte aucun élément susceptible d'établir que l'intérêt supérieur de ses enfants serait menacé par les décisions refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français. Dans ces conditions et alors qu'il n'est pas contesté que sa concubine et mère ses enfants réside en Algérie, les moyens tirés de ce que ces décisions méconnaissent les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :
8. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".
9. La décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est fondée sur la menace à l'ordre public que représente le comportement de M. C.... S'il ressort des pièces du dossier que les faits d'escroquerie pour lesquels il a été condamné à un an d'emprisonnement ont été commis le 25 juillet 2005, la condamnation a été prononcée par un arrêt du 23 novembre 2016 de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Lyon, après qu'il a eu fait l'objet d'un mandat d'arrêt en 2011. Par suite, eu égard au caractère récent de la condamnation, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code précité en estimant que le comportement de M. C... constituait une menace pour l'ordre public, en dépit de la circonstance qu'il a bénéficié de crédits de réduction de peine.
Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :
10. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
11. Ainsi qu'il a été dit au point 9, par un arrêt du 23 novembre 2016, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Lyon a condamné M. C... à une peine d'un an d'emprisonnement pour des faits d'escroquerie commis le 25 juillet 2005. Par suite, et eu égard au caractère récent de la condamnation, les attestations produites par M. C... ne peuvent suffire à établir qu'il ne représente plus une menace pour l'ordre public.
12. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, cette décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne présente pas un caractère disproportionné.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 20 février 2020.
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N° 19LY02587