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20/02/2020 | FRANCE | N°18LY01286

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 20 février 2020, 18LY01286


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... et Mme H... J... A... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Pont-Salomon à leur verser la somme totale de 32 156,86 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait d'infiltrations d'eau dans leur maison d'habitation en provenance d'un bassin de rétention aménagé par la commune.

Par un jugement n° 1502165 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cou

r :

Par une requête enregistrée le 30 mars 2018, et des mémoires enregistrés le 30 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... et Mme H... J... A... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Pont-Salomon à leur verser la somme totale de 32 156,86 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait d'infiltrations d'eau dans leur maison d'habitation en provenance d'un bassin de rétention aménagé par la commune.

Par un jugement n° 1502165 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 mars 2018, et des mémoires enregistrés le 30 mai 2018 et le 24 octobre 2018, M. et Mme J... A..., représentés par Me I..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1502165 du 6 février 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de condamner la commune de Pont-Salomon à leur verser la somme de 32 156,86 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer et d'évaluer leurs préjudices après l'étanchéification du bief par la commune de Pont-Salomon ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Pont-Salomon une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige, n'exigeait pas de recours préalable en matière de travaux publics ;

- les insuffisances techniques du dispositif de vidange du bief remis en eau par la commune de Pont-Salomon à proximité de leur habitation et l'absence de réalisation d'un drainage et d'une étanchéité de la digue ont été à l'origine d'infiltrations d'eau dans le bâtiment dont ils sont propriétaires ; la commune reconnaît en outre, dans sa délibération du 6 mars 2014, que l'entreprise ayant procédé aux travaux d'étanchéité du bassin en 2013 a dégradé le mur de leur propriété ; ces dommages résultant de travaux publics, ils recherchent la responsabilité de la commune de Pont-Salomon ;

- leur propriété a subi des dommages de maçonnerie, à hauteur de 7 623,96 euros et de travaux de remise en état de pièces de l'habitation à hauteur de 7 992,90 euros ;

- le contenu stocké dans le sous-sol endommagé s'élève à la somme de 4 460 euros ;

- l'humidité a engendré la survenance de mérule, qui leur a causé un préjudice qui sera réparé à hauteur de 3 080 euros ;

- leur garage a été rendu inutilisable depuis les infiltrations constatées en 2010 jusqu'aux travaux réalisés par la commune en 2014 ; ils ont ainsi subi un préjudice de jouissance, évalué à 150 euros par mois, soit 9 000 euros ;

- ces préjudices n'ont pu être établis qu'à la fin des travaux réalisés par la commune, de sorte qu'à la date du rapport d'expertise, rendu le 11 octobre 2011, le préjudice définitif ne pouvait être évalué.

Par un mémoire enregistré le 27 juin 2018, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), représentée par la SCP G... - Genevois et associés, conclut à titre principal au rejet de la requête de M. et Mme J... A..., à titre subsidiaire à une réduction de leurs prétentions indemnitaires et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à leur charge en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête d'appel présentée par M. et Mme J... A..., qui ne fait que reprendre l'argumentation de première instance sans aucune critique du jugement attaqué, est irrecevable ;

- en l'absence de demande indemnitaire préalable, la requête de M. et Mme J... A... est irrecevable ;

- la requête, insuffisamment motivée, est irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, l'appel en garantie à son encontre présenté par la commune de Pont-Salomon n'est possible qu'à hauteur de la moitié des condamnations éventuellement mises à la charge de la commune dès lors que la SAMBTP, en sa qualité d'assureur du bureau d'études E..., a accepté d'intervenir à hauteur de la moitié des désordres survenus par le protocole de transaction conclu avec la commune le 18 octobre 2012 ;

- ni le lien de causalité ni les préjudices allégués ne sont établis ;

- M. et Mme J... A... n'ont pas fait valoir de préjudice particulier lors des opérations d'expertise ;

- les dommages évalués par l'expertise, non contradictoire, de l'assurance de protection juridique des requérants ne sont pas justifiés ;

- l'indemnisation sollicitée par les requérants quant à la perte de jouissance de leur garage est calculée sur une durée qui prend en considération les erreurs procédurales de M. et Mme J... A... qui ont introduit leur demande initiale devant la juridiction judiciaire ;

- le bureau d'études E... ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire, elle est en droit d'opposer aux époux J... A... la franchise opposable à son assuré, qui s'élève à la somme de 1 610 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés le 27 août 2018 et le 23 avril 2019, la commune de Pont-Salomon, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement à la condamnation in solidum de la société Moulin et de la SMABTP, en qualité d'assureur du bureau d'études techniques E..., à la garantir de l'intégralité des condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle, y compris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme J... A..., ou qui mieux le devra, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, M. et Mme J... A..., en méconnaissance de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, n'ont formé aucune demande indemnitaire préalable de sorte que leur requête est irrecevable ;

- les requérants se contentent de reprendre leur argumentation de première instance, sans développer de critique du jugement rendu par le tribunal administratif ; la requête d'appel est ainsi irrecevable ;

- la requête ne comporte aucun moyen de droit fondant la demande d'indemnisation ;

- la demande tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise judiciaire est irrecevable car nouvelle en appel ;

- à titre subsidiaire, les requérants ne justifient pas des préjudices qu'ils allèguent, et n'établissent pas le lien de causalité entre ces préjudices et les travaux réalisés par la commune de Pont-Salomon au cours des années 2007 et 2008 ;

- les travaux de reprise réalisés en 2013 sont sans lien avec le préjudice allégué et ayant fait l'objet d'une évaluation en 2012 ;

- les requérants n'ont fait état d'aucun préjudice, même évolutif, lors des opérations d'expertise ;

- l'expert n'a pas constaté de présence de mérule et le devis produit par les requérants à cet effet date de plus de six ans après la réception des travaux ; l'existence de ce préjudice ni en tout état de cause le lien de causalité n'est ainsi démontré ;

- le préjudice de jouissance du garage allégué n'est pas démontré ;

- en application du protocole d'accord transactionnel du 18 octobre 2012, la SMABTP, es-qualité d'assureur du bureau d'études E..., et la société Moulin seront condamnées in solidum à garantir la commune de la totalité des condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle ; ce protocole ne prévoit pas que la participation de la SMABTP ou celle de la société Moulin aux éventuelles condamnations prononcées contre la commune soit limitée à 50 % ;

- la SMABTP ne saurait opposer la franchise contractuelle qui n'est pas justifiée en l'espèce et qui n'est pas opposable aux tiers, s'agissant d'une garantie obligatoire.

Par un mémoire, enregistré le 10 janvier 2019, la société Moulin, représentée par la SCP G... - Genevois et associés, conclut, à titre principal au rejet de la requête de M. et Mme J... A..., à titre subsidiaire à une réduction de leurs prétentions indemnitaires et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à leur charge en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête d'appel présentée par M. et Mme J... A..., qui ne fait que reprendre l'argumentation de première instance sans aucune critique du jugement attaqué, est irrecevable ;

- en l'absence de demande indemnitaire préalable, la requête de M. et Mme J... A... est irrecevable ;

- la requête, insuffisamment motivée, est irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, ni le lien de causalité ni les préjudices allégués ne sont établis ;

- M. et Mme J... A... n'ont pas fait valoir de préjudice particulier lors des opérations d'expertise ;

- les dommages évalués par l'expertise, non contradictoire, de l'assurance de protection juridique des requérants ne sont pas justifiés ;

- l'indemnisation sollicitée par les requérants quant à la perte de jouissance de leur garage est calculée sur une durée qui prend en considération les erreurs procédurales de M. et Mme J... A... qui ont introduit leur demande initiale devant la juridiction judiciaire.

Par ordonnance du 23 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2019.

Les parties ont été informées le 20 décembre 2019, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions de la commune de Pont-Salomon tendant à ce que la SMABTP, assureur du bureau d'études techniques E..., la garantisse des condamnations prononcées à son encontre au profit de M. et Mme J... A..., eu égard, d'une part, à la nature du protocole d'accord transactionnel conclu le 18 octobre 2012 et, d'autre part, au fait que l'assureur est uni à son assuré par un contrat de droit privé.

Par mémoire, enregistré le 24 décembre 2019 en réponse au moyen d'ordre public, la commune de Pont-Salomon indique que le protocole qui organise entre la société Moulin, le bureau d'études techniques E... et son assureur leur contribution à l'indemnisation des dommages subis par M. et Mme J... A... a trait à des dommages de travaux publics de sorte que le litige né de son exécution relève de la compétence de la juridiction administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune de Pont-Salomon, et de Me G..., représentant la société Moulin et la SMABTP.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Pont-Salomon a décidé, en 2007, de procéder à la remise en eau d'un ancien bief asséché contigu à la propriété de M. et Mme J... A..., afin d'y aménager un étang de pêche. Elle a conclu à cet effet un marché de maîtrise d'oeuvre avec le bureau d'études techniques E... et un marché de travaux avec la société Moulin. Ces travaux ont notamment consisté en la création d'un mur de retenue et d'un dispositif destiné à réguler la hauteur de l'eau dans le bassin. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 4 avril 2008. Se plaignant d'infiltrations d'eau dans leur garage, M. et Mme J... A... ont demandé au juge des référés du tribunal de grande instance du Puy-en-Velay de désigner un expert afin que celui-ci détermine l'origine des désordres affectant leur maison ainsi que les travaux nécessaires pour les faire cesser. L'expert a remis son rapport le 11 octobre 2011. Par un jugement du 6 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de M. et Mme J... A... tendant à être indemnisés des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de ces infiltrations en se fondant sur le motif qu'ils n'apportaient pas d'élément probant de nature à justifier la réalité et l'étendue desdits préjudices. M. et Mme J... A... interjettent appel de ce jugement.

Sur les fins de non-recevoir :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ".

3. En vertu des dispositions alors applicables de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, les conclusions de la requête de M. et Mme J... A..., qui tendent à l'engagement de la responsabilité de la commune de Pont-Salomon pour dommages de travaux publics, sont recevables même en l'absence de demande préalable d'indemnité adressée à la commune.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

5. M. et Mme J... A... ont présenté devant la cour administrative d'appel une requête d'appel qui ne constitue pas la seule reproduction littérale de leur demande de première instance, mais énonce à nouveau, de manière suffisamment précise, le fondement de responsabilité recherché et les chefs de préjudice invoqués, en les complétant d'ailleurs, en page 7 de la requête, par une critique du jugement attaqué. Une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative.

6. Par suite, les fins de non-recevoir opposées en défense par la commune de Pont-Salomon, la SMABTP et la société Moulin doivent être écartées.

Sur la responsabilité de la commune de Pont-Salomon :

7. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

8. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance du Puy-en-Velay, que les infiltrations constatées dans la maison de M. et Mme J... A... ont été causées par des défaillances du dispositif de vidange de l'étang, réalisé après que le remblaiement au dos de la digue a été effectué, ainsi que par l'absence de réalisation d'un drainage et d'une barrière étanche par un apport d'argile à l'arrière du mur en béton armé de la digue de cet étang, contigu à la propriété des requérants. Après avoir mis en oeuvre au cours de l'été 2011 les mesures conservatoires préconisées par l'expert, la commune de Pont-Salomon a fait procéder en 2013 à des travaux de reprise, consistant notamment en l'étanchéification de la digue, dont il est constant qu'ils ont permis de mettre un terme aux infiltrations constatées. Les constatations opérées par l'expert ne sont pas sérieusement contestées en défense, alors au demeurant que ces travaux de reprise ont préalablement donné lieu le 18 octobre 2012 à la conclusion d'un protocole d'accord transactionnel entre la commune de Pont-Salomon, le bureau d'études E..., la SMABTP et la société Moulin, qui sont convenus de la nécessité de reprendre l'ouvrage en cause. Dans ces conditions, doit être regardé comme établi le lien de causalité direct et certain entre l'ouvrage public que constitue la digue de retenue d'eau de l'étang et son dispositif de vidange et le dommage, qui présente un caractère accidentel, constitué par les infiltrations constatées dans l'immeuble des époux J... A..., lesquels ont la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage public. Il n'est pas soutenu en appel, ni même allégué, qu'une faute de M. et Mme J... A... aurait contribué à la survenance du sinistre. Par suite, la commune de Pont-Salomon doit être déclarée, sur le fondement du régime de responsabilité sans faute pour dommages accidentels de travaux publics causés aux tiers, responsable de la totalité des conséquences dommageables des infiltrations d'eau constatées dans l'immeuble de M. et Mme J... A... durant la période comprise entre la date de remise en eau du bassin contigu à leur propriété et la date de réalisation des travaux de reprise.

Sur les préjudices :

9. En premier lieu, M. et Mme J... A... font valoir que les infiltrations dues aux désordres affectant les ouvrages destinés à retenir l'eau de l'étang rendent nécessaires des travaux de maçonnerie extérieure, à hauteur de 7 623,96 euros, ainsi que des travaux " d'embellissement " de trois chambres, consistant en la réfection des sols, murs et plafonds de ces pièces, à hauteur de 7 992,90 euros. S'ils se prévalent à cet égard d'une estimation réalisée le 20 septembre 2012 par un cabinet d'expertise mandaté par leur assureur " protection juridique ", cette seule estimation ne permet pas, en l'absence de tout autre élément produit par les requérants, d'établir que lesdits travaux sont en lien direct et certain avec l'ouvrage public en cause. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la commune de Pont-Salomon, dans sa délibération du 6 mars 2014, n'a pas reconnu que le mur de leur propriété aurait été dégradé du fait des infiltrations en cause mais a seulement admis que ce mur avait été endommagé lors des travaux de reprise effectués en 2013, constituant ainsi un fait générateur différent, pour lequel les requérants ne présentent d'ailleurs pas de demande indemnitaire. Au demeurant, alors que l'expert judiciaire, dans son pré-rapport du 19 septembre 2011, avait invité les époux J... A... à fournir tous éléments permettant d'évaluer leur préjudice, ils n'ont fait état d'aucun préjudice lors des opérations d'expertise. Ainsi les travaux de réparation et d'embellissement dont il s'agit ne peuvent être regardés comme un préjudice ayant été causé, de façon directe et certaine, par l'ouvrage public en cause et ne peuvent par suite ouvrir droit à indemnisation.

10. En deuxième lieu, M. et Mme J... A... demandent à être indemnisés à hauteur de 4 460 euros correspondant à la valeur d'usage des objets stockés dans le sous-sol de leur habitation et endommagés lors d'inondations consécutives aux infiltrations. Toutefois, en se bornant à produire, tant en première instance qu'en appel, l'estimation effectuée le 20 septembre 2012 par leur assureur " protection juridique " énumérant une liste du matériel qui aurait été entreposé dans le sous-sol sans en justifier et des photographies de cette pièce, prises par un huissier le 8 juin 2010 ayant constaté d'importantes infiltrations d'eau et sur lesquelles n'apparaissent pas les objets cités, et alors au demeurant qu'ils n'avaient pas fait état de tels dommages lors des opérations d'expertise, M. et Mme J... A... ne justifient pas, malgré une mesure d'instruction effectuée par la cour, de la réalité du préjudice qu'ils allèguent.

11. En troisième lieu, les requérants soutiennent que l'humidité consécutive aux infiltrations est à l'origine de dommages causés par la présence d'un champignon du bois, la mérule, qui nécessite un nettoyage et un traitement des parties atteintes. Toutefois, si M. et Mme J... A... produisent à l'appui de ce chef de préjudice un devis, établi à la date du 24 octobre 2014, évaluant à la somme de 3 080 euros les opérations de traitement contre ce champignon dans une pièce à usage de dépôt, ils n'ont pas justifié de la réalité de ce préjudice ni, en tout état de cause, de son imputabilité aux désordres d'infiltration constatés entre 2010 et 2011. Le préjudice ainsi allégué ne saurait ouvrir droit à indemnisation.

12. En dernier lieu, il résulte des constatations opérées par l'expert lors d'une visite des lieux que d'abondantes infiltrations d'eau, en provenance du bief, arrivent sous le plafond du garage situé en rez-de-cour de la propriété de M. et Mme J... A..., entraînant une déstabilisation du sol. Ce constat est d'ailleurs corroboré par les clichés photographiques joints au constat d'huissier du 8 juin 2010, établissant le débit important avec lequel l'eau s'infiltre dans le garage. Si les requérants indiquent que ces désordres affectant leur garage ont débuté en 2010, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que des infiltrations d'une telle ampleur auraient perduré après la réalisation des travaux conservatoires de la digue, effectués au cours de l'été 2011. Ainsi, M. et Mme J... A... ne sont fondés à demander réparation du trouble de jouissance résultant de la privation partielle de leur garage qu'au titre de cette seule période. Il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en fixant à la somme de 2 000 euros le montant de l'indemnité mise à la charge de la commune de Pont-Salomon au titre des troubles de jouissance subis par M. et Mme J... A....

13. Il résulte de de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. et Mme J... A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande par le jugement attaqué et à demander la condamnation de la commune de Pont-Salomon à leur verser la somme de 2 000 euros.

Sur l'appel en garantie présenté par la commune de Pont-Salomon contre la SMABTP et la société Moulin :

14. Le 18 octobre 2012, la commune de Pont-Salomon, la SMABTP, en sa qualité d'assureur du bureau d'études techniques E..., M. E... et la société Moulin, ont conclu une convention dénommée " protocole de transaction ".

15. Eu égard à ses énonciations, cette convention s'analyse comme ayant un double objet. Elle vise, d'une part, à mettre un terme définitif au litige pouvant concerner les signataires quant à la prise en charge des travaux de reprise de l'ouvrage public. A ce titre les parties sont convenues du montant des travaux de reprise de l'ouvrage et de leur règlement à hauteur de 50 % par la SMABTP et son assuré et de 50 % par la SA Moulin. Elle réserve, d'autre part, l'hypothèse où M. et Mme A... ou leur ayants droits, tiers à la convention, formeraient un recours indemnitaire contre la commune de Pont Salomon en réparation de leurs préjudices. En ce cas il est convenu que M. E..., son assureur, la SMABTP et la société Moulin répondront vis à vis de la commune de l'intégralité des demandes indemnitaires des intéressés. Les stipulations ainsi énoncées dans le préambule et à l'article 1er de ce contrat, qui sont relatives à un litige de travaux publics et qui présentent dès lors un caractère administratif, ont un objet distinct de la transaction relative à la reprise de l'ouvrage public que constitue la digue de retenue d'eau de l'étang et son dispositif de vidange et qui a mis fin au litige portant sur la remise en état dudit ouvrage.

16. L'appel en garantie dont il s'agit, présenté par la commune de Pont-Salomon, est fondé sur les stipulations de l'article 1er de ce contrat. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les causes et origines des infiltrations affectant la propriété de M. et Mme J... A... sont dues à la fois à des insuffisantes techniques d'exécution au niveau du dispositif de vidange de l'étang mais également au fait que les prescriptions techniques de drainage et d'étanchéité, prévues au dos de la digue, n'ont pas été réalisées par l'entreprise Moulin en charge des travaux. Il résulte également de l'instruction que le bureau d'études techniques E..., qui était chargé notamment des missions de direction de l'exécution des travaux et d'assistance aux opérations de réception, n'a pas émis de remarques au sujet des malfaçons relevées par l'expert lors de l'exécution des travaux ni n'a alerté le maître d'ouvrage à ce sujet lors des opérations de réception en proposant une réception sans réserve. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu de ces manquements, la commune de Pont-Salomon, laquelle présente, dans le dernier état de ses écritures, des conclusions d'appel en garantie dirigées contre la SMABTP, en sa qualité d'assureur du maître d'oeuvre, et la société Moulin, est fondée à demander que celles-ci la garantissent chacune à hauteur de la moitié des condamnations prononcées à son encontre.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme J... A..., qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Pont-Salomon, la SMABTP et la société Moulin au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Pont-Salomon la somme de 1 000 euros au profit de M. et Mme J... A... au même titre. Il y a lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, de condamner la SMABTP et la société Moulin à garantir chacune pour moitié la commune de Pont-Salomon à hauteur de la somme de 1 000 euros mise à sa charge.

DECIDE:

Article 1er : Le jugement n° 1502165 du 6 février 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : La commune de Pont-Salomon est condamnée à verser une indemnité de 2 000 euros à M. et Mme J... A... en réparation de leur préjudice de jouissance.

Article 3 : La commune de Pont-Salomon versera à M. et Mme J... A... la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La SMABTP, d'une part, et la société Moulin, d'autre part, garantiront la commune de Pont-Salomon à hauteur, chacune, de la moitié des condamnations prononcées aux articles 2 et 3 ci-dessus.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme J... A..., à la commune de Pont-Salomon, à Me D..., mandataire liquidateur du bureau d'études E..., à la société Moulin et à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 février 2020.

2

N° 18LY01286


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01286
Date de la décision : 20/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : MAZUR CHAMPANHAC LADISLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-20;18ly01286 ?
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