Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 12 février 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1801692 du 17 décembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 avril 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 décembre 2018 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 février 2018 du préfet de l'Yonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour et de lui délivrer, sous quarante-huit heures, un récépissé ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il est régulièrement entré en France en 2016 ; qu'il justifie d'une communauté de vie ancienne, stable et pérenne avec Mme F... ; de cette union sont nés deux enfants dont il est le père biologique et qui sont nés et scolarisés en France ; il justifie participer à l'entretien et l'éducation des enfants ; l'état de santé de son épouse justifie sa présence à ses côtés ; sa femme dispose d'attaches familiales en France ; il est parfaitement intégré ;
- le préfet avait la possibilité de régulariser sa situation au regard de son pouvoir général d'appréciation ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour les mêmes motifs que précédemment évoqués ;
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
- cette décision sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- la décision sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français
Par un mémoire, enregistré le 26 septembre 2019, le préfet de l'Yonne, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le préfet n'avait pas à examiner d'office une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ce d'autant plus que l'intéressé est de nationalité algérienne et ne peut se prévaloir de ces dispositions ;
- la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors que sa présence en France depuis 2016 n'est ni stable ni continue et il ne démontre pas ne pas bénéficier d'attaches familiales dans son pays et ce alors que son mariage religieux date de 2017 ; il a déclaré aux services de la préfecture qu'il n'était pas le père biologique des enfants qu'il a reconnus ; il ne démontre pas participer à l'entretien et l'éducation des enfants ;
- la décision ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que les enfants, qui ne sont pas ceux de l'appelant, ont vocation à rester avec leur mère en France ; M. B... n'entretient aucun lien avec eux et en a été séparé depuis de nombreuses années.
Le mémoire, enregistré le 3 janvier 2020, présenté par M. B..., n'a pas été communiqué.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
Considérant ce qui suit :
1. M. G... B..., ressortissant algérien né le 28 novembre 1979, est entré en France, en dernier lieu, le 2 août 2016, sous couvert d'un visa de court séjour. Le 6 juillet 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en invoquant son union religieuse avec Mme D... F..., ressortissante algérienne titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'au 11 janvier 2026. Par un arrêté du 12 février 2018, le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 17 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
En ce qui concerne la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
3. M. B... fait valoir qu'il est uni religieusement avec sa compagne, Mme D... F..., ressortissante algérienne titulaire d'un certificat de résidence de dix ans et qu'il est le père des deux enfants du couple, nés le 22 décembre 2009 et le 30 août 2011 en France, et qui y sont scolarisés. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. M. B... ne peut se prévaloir d'une vie commune suffisamment stable et ancienne avec sa compagne, avec laquelle il s'est marié religieusement le 2 avril 2017, dès lors qu'il n'établit pas résider avec celle-ci depuis qu'il est entré sur le territoire français. Par ailleurs, s'il soutient être le père des deux enfants de Mme F..., il n'a procédé à la reconnaissance de ces deux enfants que le 6 avril 2017 et il n'établit pas participer à leur entretien et leur éducation en se bornant à produire un certificat de l'orthophoniste du 1er mars 2018 indiquant que M. B... accompagne l'une de ses filles à chaque séance de rééducation orthophonique, une attestation de paiement de la CAF du 18 février 2019 établie au nom du couple et un certificat médical du 12 février 2018 indiquant que M. B... s'occupe de ses deux filles, Aida et Kheira, tous ces documents étant au demeurant postérieurs à la décision critiquée du 12 février 2018. S'il soutient également que le médecin traitant a précisé, dans un certificat médical des 21 février et 18 octobre 2018, que sa compagne " présente un état de santé fragile et souffre de nombreuses pathologies invalidantes nécessitant une aide d'un tiers quasi-permanente ", il n'est pas établi que le requérant serait la seule personne à pouvoir assurer cette assistance. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de son séjour en France, et nonobstant la promesse d'embauche dont il se prévaut, la décision par laquelle le préfet de l'Yonne a refusé de délivrer un certificat de résident à l'intéressé, n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus. Elle ne méconnaît ni les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Eu égard au jeune âge des enfants à la date de la décision critiquée et alors qu'aucune circonstance impérieuse de nature à faire obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie n'est établie, le préfet de l'Yonne ne peut être regardé comme ayant méconnu ces stipulations.
5. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. En l'espèce, M. B... ne fait état d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel justifiant que lui soit délivrée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Dans ces conditions, le préfet de l'Yonne n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de son pouvoir de régularisation.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
7. Les moyens dirigés contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ayant été écartés, M. B... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
8. Pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 3 et 4, l'obligation faite à M. B... de quitter le territoire français ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :
9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme C..., premier conseiller,
Lu en audience publique le 30 janvier 2020.
2
N° 19LY01607