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30/01/2020 | FRANCE | N°18LY01351

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 janvier 2020, 18LY01351


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et M. F... I... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 2 avril 2015 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins a autorisé le docteur G... à exercer sur un site distinct de sa résidence professionnelle à Yssingeaux.

Par un jugement n° 1600244 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 avril 2018, et des mémoi

res complémentaires enregistrés les 17 septembre et 23 octobre 2019, M. D... C... et M. F... I...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et M. F... I... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 2 avril 2015 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins a autorisé le docteur G... à exercer sur un site distinct de sa résidence professionnelle à Yssingeaux.

Par un jugement n° 1600244 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 avril 2018, et des mémoires complémentaires enregistrés les 17 septembre et 23 octobre 2019, M. D... C... et M. F... I..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 février 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 avril 2015 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins a annulé la décision du conseil départemental de la Haute-Loire du 7 juillet 2014 et a autorisé le docteur G... à exercer sur un site distinct de sa résidence professionnelle à Yssingeaux ;

3°) de mettre à la charge de M. G... et du conseil national de l'ordre des médecins la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le conseil national de l'ordre des médecins ne vise pas l'avis du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Loire en méconnaissance de l'article R. 4127-85 du code de la santé publique qui impose la consultation du conseil départemental au tableau duquel le médecin est inscrit ;

- la décision est insuffisamment motivée dès lors que le conseil national n'a pas déterminé le ratio de la population pour chaque médecin spécialiste en urologie ni indiqué en quoi l'offre est insuffisante ou encore la distance avec le cabinet principal ;

- le code de la santé publique précise qu'un médecin ne peut s'installer sur un site distinct du lieu de son activité principale que lorsqu'il existe dans le secteur géographique considéré une carence ou une insuffisance de l'offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la permanence des soins ; ils se sont installés en juin 2014 à Yssingeaux et il convient d'apprécier à cette date si la présence de ces deux urologues rend l'offre de soins suffisante ; s'agissant du secteur géographique, le bassin de santé intermédiaire d'Yssingeaux comprend 9 bassins de santé de proximité dont celui du bassin de santé de proximité d'Yssingeaux composé de 14 200 habitants ; dans sa défense, le conseil national fait une confusion entre le bassin de santé intermédiaire d'Yssingeaux et le bassin de santé de proximité d'Yssingeaux qui traduit une méconnaissance des découpages des bassins ; s'agissant de l'offre de soins, le nouvel état des lieux de l'offre de soins établi par l'Agence régionale de santé (ARS) précise que le bassin de soins de proximité d'Yssingeaux présente une offre ambulatoire de premier recours de niveau satisfaisant, qu'Yssingeaux bénéficie d'un centre hospitalier dans lequel de nombreux spécialistes consultent depuis 2013 ; le docteur I... a signé une convention portant sur l'organisation d'une consultation en urologie au centre hospitalier d'Yssingeaux le 2 juillet 2014 ; il existe donc une offre de soins en chirurgie urologique dans le bassin d'Yssingeaux ; les patients peuvent bénéficier de consultations en pré et post opératoires et n'ont pas besoin de se déplacer au Puy-en-Velay ; aucune intervention chirurgicale ne se fait à Yssingeaux en l'absence de bloc opératoire et d'autorisation de l'ARS et l'installation du docteur G... ne change rien à cette situation ; les données communiquées par le docteur G... en première instance sont erronées car opérant une confusion entre le bassin de santé intermédiaire d'Yssingeaux (80 000 habitants) et le bassin de santé de proximité d'Yssingeaux (14 200 habitants) et obsolètes car datant de 2013 ; compte tenu de la faible densité démographique dans le secteur du bassin de santé de proximité, l'installation de deux urologues couvre le besoin local ; l'argument des distances entre les différents cabinets ne correspond pas aux réalités ; l'installation du docteur G... n'entraîne pas une permanence des soins meilleure dès lors qu'il n'y a que des consultations ponctuelles ; le conseil national ne peut indiquer que 20 % de la clientèle du docteur G... provient du bassin d'Yssingeaux de 14 200 habitants dès lors qu'en 2014, seulement 12 patients en chirurgie du bassin de proximité d'Yssingeaux ont subi une intervention à la clinique où exercent les docteurs Levigne, Armand et G... ; le délai d'attente pour obtenir une consultation dans leur cabinet varie entre 15 jours et 1 mois ; s'agissant de la proximité, leur cabinet au Puy-en-Velay se situe à 29 kilomètres et 35 minutes de leur cabinet secondaire d'Yssingeaux ; il n'existe pas d'urgence en urologie ; il existe une offre de santé publique en urologie puisque le docteur I... exerce en tant que praticien attaché depuis 2014 au sein du centre hospitalier du Puy-en-Velay et assure des consultations à Yssingeaux depuis juillet 2014 ; l'installation du docteur G... est axée sur l'intérêt économique de la clinique " Hôpital privé de la Loire " (HPL) ;

- peu importe la circonstance que le nombre de médecins spécialisés en cardiologie ou en orthopédie soit faible, il convient uniquement de déterminer si les besoins de la population sont satisfaits en matière d'urologie ;

- les données produites par le docteur G... sont anciennes ; les chiffres montrent que les besoins en consultations spécialisées dans le bassin d'Yssingeaux sont modestes ; à ce jour, et selon le planning de consultation, seulement deux consultations par mois sont assurées par le docteur Armand, seule urologue à faire apparaître son cabinet secondaire à Yssingeaux sur le site doctolib ; les données ATIH de 2018 établissent qu'en 2018, 49% des patients ayant une pathologie urologique sont hospitalisés dans les centres de soin du bassin du Puy-en-Velay et donc par les docteurs I... et C... alors que l'hôpital privé de la Loire gérait 14 % des patients du bassin de proximité d'Yssingeaux ;

- l'analyse des pièces montre une discontinuité des soins puisque ni le docteur Armand, ni ses collègues n'ont donné de consultations pendant les mois d'août et septembre 2018 ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle précise qu'il existe une insuffisance de l'offre de soins qui n'est pas compensée par les deux autorisations en site distinct d'exercice qui ont pu être accordées aux deux praticiens du Puy-en-Velay alors que l'autorisation du docteur Armand et du docteur Levigne devaient être prises en compte ;

Par un mémoire, enregistré le 21 juin 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 4 octobre 2019, le conseil national de l'ordre des médecins, représenté par la SCP Matuchansky-Poupot-Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge des docteurs C... et I... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a retenu à juste titre que l'information du conseil départemental au tableau duquel le docteur G... est inscrit, si elle est prévue avant la décision du conseil départemental saisi de la demande d'exercice dans un site distinct, n'a pas à être réitérée à l'occasion du recours exercé devant le conseil national ; à supposer qu'il faille comprendre la critique comme un moyen tiré d'un vice de procédure devant le conseil départemental, le moyen relatif à l'absence d'information du conseil départemental est inopérant dès lors que la décision du conseil national s'est substituée à celle du conseil départemental ; l'absence d'information du conseil départemental, qui ne constitue pas une garantie, quant à la demande du docteur G... est sans influence sur le sens de la décision prise ;

- la décision est suffisamment motivée ;

- le secteur géographique à prendre en compte pour apprécier la carence ou l'insuffisance de l'offre de soins en application de l'article R. 4127-85 du code de la santé publique correspond au bassin de santé intermédiaire d'Yssingeaux qui réunit près de 14 200 habitants ; le conseil national n'a entretenu aucune confusion quant au secteur géographique ; le département de la Haute-Loire souffre d'une offre de soins insuffisante en urologie puisque les docteurs C... et I... sont les deux seuls praticiens qualifiés en urologie qui y ont leur résidence professionnelle ; l'offre de soins en urologie dans ce département, comptant près de 225 700 habitants, est insatisfaisante puisqu'elle correspond à un ratio de 0,8 urologue pour 100 000 habitants quand la moyenne nationale s'élève à 1,7 ; le conseil national ne pouvait prendre en compte l'étude de l'ARS d'Auvergne de septembre 2015 alors que sa décision date d'avril 2015 ; cette insuffisance de l'offre de soins oblige de nombreux patients à parcourir de longs trajets pour se rendre au Puy-en-Velay et à Saint-Etienne ; à la date de la décision, les consultations par les docteurs C... et I... ne semblaient pas encore en place puisqu'elles n'ont eu lieu qu' à compter de février 2016 ; le site d'Yssingeaux n'est que l'un des quatre lieux dans lesquels les docteurs C... et I... exercent leur activité puisqu'ils exercent au Puy-en-Velay, à Brioude et à Saint-Agrève ; il est indifférent que le délai d'attente pour obtenir une consultation en urologie à Yssingeaux varie entre 15 jours et 1 mois ; il n'est pas établi que les consultations des docteurs C... et I... au centre hospitalier d'Yssingeaux auraient permis de répondre aux besoins propres à la chirurgie urologique ;

- si les requérants prétendent que le docteur G... ne pourrait pas avoir 20 % de sa clientèle dans le bassin de vie intermédiaire d'Yssingeaux, dès lors qu'en 2014 et selon les chiffres de l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation, seulement 12 patients de ce bassin de vie ont subi une intervention à la clinique dans laquelle il exerce, les chiffres retenus par le tribunal administratif portent uniquement sur les seules interventions ayant donné lieu à une hospitalisation et n'incluent pas les simples consultations ou les autres interventions et les chiffres ne concernent que la chirurgie en général et non la seule chirurgie urologique ; le tableau produit par les requérants, qui ne porte que sur les patients de la commune d'Yssingeaux, précise que pour l'année 2014, la patientèle en urologie de l'hôpital privé de la Loire a atteint un total de 20 personnes, ce qui n'est pas en contradiction avec les chiffres fournis par le docteur G... et il résulte également de ce tableau que seuls 36 % des patients seraient traités en urologie dans le département de la Haute-Loire contre plus de 50 % dans le département de la Loire ; le conseil national aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les autres motifs de la décision ;

- la circonstance que les docteurs C... et I... seraient géographiquement proches d'Yssingeaux n'est pas de nature à caractériser l'absence de carence ou d'insuffisance de l'offre de soins ; une distance de 45 kilomètres entre l'établissement principal et le site distinct n'empêche pas la prise en charge d'urgences et ne nuit pas à la continuité des soins ; le site sur lequel le docteur G... exerce son activité principale se trouve à 52 kilomètres de la commune d'Yssingeaux ;

- les affirmations des requérants selon lesquelles la demande du docteur G... serait motivée par le souhait, pour l'hôpital privé de la Loire, de développer ses activités faute de patientèle suffisante ne sont étayées par aucune pièce du dossier et sont étrangères à l'appréciation de la légalité de la décision contestée ;

- la circonstance que le docteur Guandalino serait inscrite en qualité de spécialiste en chirurgie urologique depuis avril 2019 et exercerait au sein de la clinique du Bon secours au Puy-en-Velay est sans incidence sur le litige ; les différentes pièces produites par les requérants et dépourvues de date certaine sont indifférentes quant à la légalité de la décision prise le 2 avril 2015 ; les consultations des docteurs C... et I... demeuraient très limitées et insuffisantes pour répondre aux besoins propres à la chirurgie urologique dans le secteur géographique considéré ; le contrat de travail du docteur I... conclu le 20 août 2014 avec le centre hospitalier du Puy-en-Velay fait état de ce qu'il exerce la gynécologie-obstétrique ; les docteurs C... et I... se trouvent dans une situation comparable à celle des docteurs Armand, G... et Levigne en termes de distance par rapport à leur résidence professionnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant M. C... et M. I..., et de Me E..., représentant le conseil national de l'ordre des médecins.

Considérant ce qui suit :

1. Le docteur Pascal C... et le docteur Jacques I... sont médecins spécialistes en chirurgie urologique et exercent leur activité libérale au sein de la clinique du Bon secours située 67 bis avenue du Maréchal Foch au Puy-en-Velay. Le 25 mars 2014, ils ont sollicité l'autorisation d'exercer en site distinct dans la commune d'Yssingeaux. Par décisions du 17 juin 2014, le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Haute-Loire leur a délivré cette autorisation. Le 31 mars 2014, les docteurs Frédéric Levigne, Yves G... et Corine Armand, médecins spécialistes en chirurgie urologique exerçant à Saint-Etienne dans le cadre de la clinique " Hôpital privé de la Loire " détenue par le Groupe général de santé, ont déposé une demande d'autorisation d'exercice en site distinct dans la commune d'Yssingeaux. Par décision du 7 juillet 2014, le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Haute-Loire a rejeté la demande d'autorisation présentée par le docteur G... au motif que les attentes de la population en matière de soins étaient satisfaites. Par deux décisions du 2 avril 2015, le conseil national de l'ordre des médecins a rejeté les recours exercés, les 8 et 9 septembre 2014, par les docteurs Levigne, G... et Armand contre les décisions du 17 juin 2014 du conseil départemental de l'ordre des médecins autorisant les docteurs C... et I... à exercer en site distinct. Par une autre décision du 2 avril 2015, le conseil national de l'ordre des médecins a annulé la décision du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Haute-Loire du 7 juillet 2014 et a autorisé le docteur G... à exercer en site distinct à Yssingeaux. MM. C... et I... relèvent appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 2 avril 2015 du conseil national de l'ordre des médecins autorisant le docteur G... à exercer en site distinct.

Sur la légalité de la décision du 2 avril 2015 autorisant le docteur G... à exercer en site distinct :

2. Aux termes de l'article R. 4127-85 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable, " Le lieu habituel d'exercice d'un médecin est celui de la résidence professionnelle au titre de laquelle il est inscrit sur le tableau du conseil départemental, conformément à l'article L. 4112-1 du code de la santé publique./Dans l'intérêt de la population, un médecin peut exercer son activité professionnelle sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle :- lorsqu'il existe dans le secteur géographique considéré une carence ou une insuffisance de l'offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la permanence des soins ;- ou lorsque les investigations et les soins qu'il entreprend nécessitent un environnement adapté, l'utilisation d'équipements particuliers, la mise en oeuvre de techniques spécifiques ou la coordination de différents intervenants. /Le médecin doit prendre toutes dispositions et en justifier pour que soient assurées sur tous ces sites d'exercice la réponse aux urgences, la qualité, la sécurité et la continuité des soins. /La demande d'ouverture d'un lieu d'exercice distinct est adressée au conseil départemental dans le ressort duquel se situe l'activité envisagée. Elle doit être accompagnée de toutes informations utiles sur les conditions d'exercice. Si celles-ci sont insuffisantes, le conseil départemental doit demander des précisions complémentaires. /Le conseil départemental au tableau duquel le médecin est inscrit est informé de la demande lorsque celle-ci concerne un site situé dans un autre département. /Le silence gardé par le conseil départemental sollicité vaut autorisation implicite à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date de réception de la demande ou de la réponse au supplément d'information demandé. /L'autorisation est personnelle et incessible. Il peut y être mis fin si les conditions fixées aux alinéas précédents ne sont plus réunies. / Les recours contentieux contre les décisions de refus, de retrait ou d'abrogation d'autorisation ainsi que ceux dirigés contre les décisions explicites ou implicites d'autorisation ne sont recevables qu'à la condition d'avoir été précédés d'un recours administratif devant le Conseil national de l'ordre. ".

3. Si l'exercice d'un recours administratif préalable obligatoire a pour but de permettre à l'autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l'intervention du juge, la décision prise sur le recours demeure soumise elle-même au principe de légalité.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Loire au tableau duquel le docteur G... est inscrit a été informé de la demande d'ouverture d'un lieu d'exercice distinct à Yssingeaux comme le prévoient les dispositions de l'article R. 4127-85 du code de la santé publique.

5. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. En l'espèce, l'information du conseil départemental de l'ordre des médecins au tableau duquel M. G... est inscrit quant à sa demande d'ouverture d'un lieu d'exercice distinct ne peut être regardée comme constituant une garantie pour le médecin et il ne ressort pas des pièces du dossier que cette absence d'information a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision contestée.

7. Il ressort des pièces du dossier que la décision du conseil national de l'ordre des médecins du 2 avril 2015 rappelle les dispositions applicables de l'article R. 4127-85 du code de la santé publique et précise, pour apprécier si l'offre de soins est suffisante en chirurgie urologique, que le bassin de vie intermédiaire d'Yssingeaux est le secteur géographique pertinent à prendre en considération pour apprécier les besoins de la population en matière d'offre de soins en chirurgie urologique, que dans ce secteur géographique, les patients sont dans l'obligation de se déplacer, pour certains au Puy-en-Velay à la clinique du Bon secours où exercent les deux seuls praticiens de la spécialité du département de la Haute-Loire et pour d'autres dans le département de la Loire, particulièrement à Saint-Etienne pour les interventions chirurgicales, les consultations pré et post opératoires et les consultations d'urologie et que le docteur G... fait état de ce que 20 % de sa clientèle provient du bassin d'Yssingeaux. Par suite, et nonobstant la circonstance que ne soient pas mentionnés le ratio de la population pour chaque médecin spécialiste en urologie ou encore la distance avec le cabinet principal, la décision critiquée est suffisamment motivée en droit et en fait.

8. Si le conseil national de l'ordre des médecins fait référence pour définir le secteur géographique de l'offre de soins à la notion de bassin de santé intermédiaire d'Yssingeaux, il doit être regardé comme ayant entendu se référer en réalité au bassin de santé de proximité d'Yssingeaux tel que défini par l'agence régionale de santé (ARS) d'Auvergne dans le document " Portraits de santé - L'état des territoires d'Auvergne " actualisé en mai 2013, dès lors qu'il apparaît clairement que le conseil national a pris en considération le chiffre non contesté de 14 200 habitants composant ce bassin de santé de proximité. La mention " bassin de santé intermédiaire " dans la décision du 5 avril 2015 et les écritures du conseil national de l'ordre des médecins, alors que le secteur réellement pris en compte est nécessairement celui du bassin de santé de proximité, constitue une erreur de plume qui n'affecte pas la légalité de la décision.

9. La légalité d'une décision administrative doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle elle a été prise. Pour estimer que l'offre de soins en urologie dans le bassin de santé de proximité d'Yssingeaux était insuffisante à la date du 2 avril 2015, le conseil national de l'ordre des médecins a pris en compte la nécessité pour les patients de se déplacer au Puy-en-Velay à la clinique Bon secours ou dans le département de la Loire et plus particulièrement à Saint-Etienne en soulignant que les deux autorisations d'exercice sur un site distinct délivrées aux docteurs C... et I... n'avaient pas permis de compenser l'insuffisance dans l'offre de soins.

10. La circonstance que l'état des lieux du programme territorial de santé du bassin de santé intermédiaire d'Yssingeaux du 18 septembre 2015 fait état de ce que, suivant l'étude réalisée au 31 décembre 2012 par l'ARS sur l'offre médicale de premier recours sur les 9 bassins de santé de proximité, 5 bassins de santé de proximité dont celui d'Yssingeaux sont de niveau satisfaisant est sans influence sur l'appréciation de la légalité de la décision critiquée compte tenu de ce que ce constat concerne uniquement l'offre médicale de premier recours construite autour d'un pôle de santé de base comportant a minima un médecin généraliste, un infirmier, un masseur-kinésithérapeute, un chirurgien-dentiste et une pharmacie.

11. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée et selon le document " Démographie médicale urologie CNOM 2016 ", le département de la Haute-Loire ne dispose que de deux praticiens qualifiés en urologie, les docteurs C... et I... dont la résidence professionnelle est située au Puy-en-Velay à la clinique Bon secours, alors que le département compte près de 225 700 habitants et que dans ce département, l'offre de soins en urologie correspond au ratio de 0, 8 urologue pour 100 000 habitants quand la moyenne nationale s'établit à 1, 7.

12. Si le programme territorial de santé du bassin de santé intermédiaire d'Yssingeaux précise que, dans le cadre du regroupement hospitalier de territoire, le centre hospitalier Emile Roux du Puy-en-Velay a développé 13 consultations de spécialistes au sein de l'hôpital d'Yssingeaux et que les prises en charge sont pour plus de 90 % des patients domiciliés dans le bassin " et qu'afin d'améliorer l'accès aux soins des patients résidant sur le bassin de santé intermédiaire d'Yssingeaux, le docteur I... a signé, le 2 juillet 2014, une convention portant sur l'organisation d'une consultation en urologie au centre hospitalier d'Yssingeaux sous forme de demi-journée ou de journée complète, il ressort des pièces du dossier que seul le docteur I... assure effectivement, au centre hospitalier d'Yssingeaux depuis juillet 2014, les consultations d'urologie tous les mercredis des semaines impaires à raison principalement d'une matinée ou d'un après-midi ainsi qu'en atteste le planning des consultations en urologie alors que, d'une part, le docteur C... assure une consultation à Saint-Agrève tous les mardis après-midi une fois par mois et tous les mercredis des semaines paires en alternance avec le docteur I... à Brioude et que, d'autre part, le docteur I... a été nommé, à compter du 21 août 2014, en qualité de praticien attaché à temps partiel au pôle Femme-Enfant et affecté au sein du service de gynécologie-obstétrique pour exercer la spécialité d'urologie à raison de deux demi-journées hebdomadaires à la suite de la signature de son contrat de travail avec le centre hospitalier du Puy-en-Velay, le 20 août 2014. Par ailleurs, les requérants n'établissent pas que le délai moyen pour obtenir un rendez-vous auprès du docteur I... pour une consultation serait de l'ordre de 15 jours à 1 mois seulement.

13. Si le secteur géographique pris en compte par le conseil national de l'ordre des médecins dispose d'une offre de premier recours suffisante par rapport au bassin de santé, il ressort des pièces du dossier que, dans cette zone, des dispositifs ont été mis en place pour favoriser l'installation de spécialistes à travers des partenariats avec le centre hospitalier d'Yssingeaux ou le projet de création du centre de consultations médicales d'Yssingeaux afin de répondre aux besoins de la population. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été indiqué, seul le docteur I... exerce à Yssingeaux principalement un demi-mercredi tous les quinze jours et il n'est pas établi que la fréquence de cette consultation suffit à répondre aux besoins de la population du bassin de santé de proximité d'Yssingeaux.

14. Si les requérants font valoir que leur cabinet au Puy-en-Velay se situe à 29 kilomètres et 35 minutes de leur cabinet secondaire d'Yssingeaux alors que le cabinet du docteur G... à Saint-Etienne est situé à 48 kilomètres et 50 minutes du lieu de consultation à Yssingeaux, le conseil national de l'ordre des médecins indique, sans être sérieusement contredit, que la liaison entre Yssingeaux et le Puy-en-Velay nécessite le passage par le col du Pertuis dont le franchissement en hiver peut présenter des difficultés. En tout état de cause, la distance entre la résidence professionnelle principale et le site distinct de M. G... n'est pas contraire à la qualité, la sécurité et la continuité des soins.

15. Par suite, compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, l'autorisation d'exercice en site distinct délivrée à M. G..., quand bien même elle ne permet pas de procéder à des opérations nécessitant un bloc opératoire, est de nature à répondre à une insuffisance de l'offre de soins préjudiciable aux besoins des patients du secteur géographique considéré. Il s'ensuit que le conseil national de l'ordre des médecins n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 4127-85 du code de la santé publique et n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en autorisant le docteur G... à exercer sur un site distinct de sa résidence principale professionnelle à Yssingeaux compte tenu de l'insuffisance de l'offre de soins en matière d'urologie dans le secteur du bassin de santé de proximité d'Yssingeaux.

16. Les requérants font valoir que la décision serait entachée d'une erreur de fait compte tenu de ce qu'il y est indiqué que 20 % de la patientèle du docteur G... provient du bassin d'Yssingeaux et ce alors que seulement 12 patients en chirurgie du bassin de proximité d'Yssingeaux, en se fondant sur les données de l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation, ont subi une intervention à la clinique où exercent les docteurs Levigne, Armand et G.... Toutefois, les données de l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation qui ne concernent que les séjours hospitaliers dans les différentes disciplines médicales des établissements de santé, ne sauraient être regardées comme représentatives de l'activité des praticiens qui peuvent être amenés à examiner des patients dans le cadre de simples consultations qui ne nécessitent pas forcément une prise en charge hospitalière ultérieure. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision critiquée serait entachée d'une erreur de fait.

17. La circonstance qu'à la date du 2 avril 2015, le conseil national de l'ordre des médecins a délivré aux docteurs Levigne, Armand et G... l'autorisation d'exercer sur un site distinct de leur résidence professionnelle principale en estimant que l'offre de soins assuré par les docteurs Métois et I... était insuffisante pour répondre aux besoins de la population du bassin de santé de proximité ne suffit pas à faire regarder la décision comme entachée d'une erreur de fait au motif que le conseil national aurait dû prendre également en compte l'autorisation délivrée le même jour au docteur Armand dès lors que ces trois autorisations ont été délivrées concomitamment pour tenir compte de la collaboration de ces trois urologues qui permet d'assurer la permanence des soins à l'égard des patients suivis à Yssingeaux et de ne pas altérer la permanence des soins sur le site principal d'exercice de ces praticiens. Par suite, le conseil national de l'ordre des médecins n'a pas commis d'erreur de fait en appréciant le caractère suffisant de l'offre de soins en se limitant aux seules prestations délivrées par les docteurs C... et I....

18. Il résulte de tout ce qui précède que MM. C... et I... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. G... et du conseil national de l'ordre des médecins, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que MM. C... et I... demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés.

20. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de MM. C... et I... le versement au conseil national de l'ordre des médecins de la somme qu'il demande au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 18LY01351 de MM. C... et I... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le conseil national de l'ordre des médecins au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à M. F... I..., au conseil national de l'ordre des médecins et à M. A... G....

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 janvier 2020.

2

N° 18LY01351


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01351
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-035 Santé publique. Professions médicales et auxiliaires médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SOULIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-30;18ly01351 ?
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