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30/01/2020 | FRANCE | N°18LY00181

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 janvier 2020, 18LY00181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Sury-le-Comtal à lui verser une somme de 10 000 euros au titre du préjudice subi dans ses conditions d'existence à raison de l'arrachage d'une haie se trouvant sur sa propriété et de mettre à la charge de la commune de Sury-le-Comtal une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Par un jugement n° 1506683 du 14 novembre 2017, le tribunal admin

istratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Sury-le-Comtal à lui verser une somme de 10 000 euros au titre du préjudice subi dans ses conditions d'existence à raison de l'arrachage d'une haie se trouvant sur sa propriété et de mettre à la charge de la commune de Sury-le-Comtal une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Par un jugement n° 1506683 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 janvier 2018, et un mémoire enregistré le 15 octobre 2019, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1506683 du 14 novembre 2017 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner la commune de Sury-le-Comtal à lui verser une somme de 10 000 euros au titre du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sury-le-Comtal une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir dès lors que la haie qui a été arasée était située sur sa propriété, ce dont il justifie, et non sur une dépendance du domaine public routier ;

- cette haie située sur la parcelle cadastrée section AS n°229 a été coupée à blanc à l'aide d'un engin des services techniques de la commune de Sury-le-Comtal ; cette emprise irrégulière est ainsi rattachable au fonctionnement des services municipaux ; aucune contravention n'ayant été dressée sanctionnant une hauteur anormale de la haie ou un non-respect de la distance de plantation, l'abattage de la haie a été réalisé sans titre ;

- la commune ayant irrégulièrement porté atteinte à sa propriété, sa responsabilité est engagée ;

- ces travaux illégaux ont entraîné un trouble dans ses conditions d'existence dès lors que cette haie le préservait des nuisances sonores de la route départementale et l'abritait des vues sur sa propriété ; au vu de ces troubles et du coût de replantation de la haie, il sollicite une indemnité à hauteur de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2018, la commune de Sury-le-Comtal, représentée par Me B..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la condamnation soit fixée à une juste proportion et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, rien ne permet d'attester que la haie en cause se situait sur le tènement foncier appartenant à M. E... alors que cette propriété est délimitée par un mur situé à l'arrière de la haie ; M. E..., qui ne justifie pas d'un titre de propriété sur la haie prétendument élaguée, est ainsi dépourvu d'intérêt à agir de sorte que sa requête est irrecevable ;

- il n'est pas établi que l'extrait cadastral produit par le requérant soit toujours en vigueur ;

- la haie est située sur une bande de terre engazonnée servant de soutènement à la voie publique de sorte qu'elle constitue un accessoire du domaine public routier en vertu de l'article L. 2111-2 du code de la propriété des personnes publiques ; il n'y a dès lors pas d'emprise irrégulière ;

- à titre subsidiaire, rien ne permet d'imputer le dommage allégué à la commune ;

- les photographies produites en appel ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges ;

- à titre infiniment subsidiaire, le coût de plantation de la haie d'une longueur de dix mètres peut être évaluée à 200 euros ;

- les troubles allégués dans les conditions d'existence ne sont pas établis ; le préjudice ne saurait ainsi excéder 200 à 400 euros selon les dimensions de la haie en cause.

Par ordonnance du 16 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la commune de Sury-le-Comtal.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... est propriétaire, sur le territoire de la commune de Sury-le-Comtal, d'un tènement immobilier, comprenant les parcelles cadastrées section AS n° 229 et 230, situé en bordure de la route départementale n° 54 dénommée, dans cette partie de la commune, " Route des Monts ". Estimant avoir subi un préjudice du fait de l'arrachage, le 25 septembre 2012, d'une haie lui appartenant, il a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Sury-le-Comtal à lui verser à ce titre une indemnité de 10 000 euros. M. E... fait appel du jugement du 14 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de M. E... :

2. Il résulte de l'ensemble des pièces produites, notamment du rapprochement du document d'arpentage dressé le 10 septembre 2005, de l'extrait du plan cadastral actualisé et de la vue aérienne de la propriété de M. E... que la limite de la parcelle cadastrée section AS n° 229 jouxte la chaussée de la RD n° 54 et qu'un mur de clôture, situé sur cette parcelle, est édifié, contrairement à ce que soutient la commune, en retrait de la limite parcellaire. En outre, il est établi, par les photographies et les plans versés au débat, qu'une haie de thuyas, plantée entre ce mur et la voie publique, était située sur la propriété de M. E.... Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que le département de la Loire a confirmé, par un courrier du 11 août 2014, ne pas être propriétaire de la portion de terrain située entre le mur de clôture et la voie publique. A la supposer même établie, la circonstance avancée par la commune, selon laquelle la haie en cause serait située sur une bande de terre engazonnée assurant le soutènement de la voie, ne peut faire regarder cet espace comme un élément du domaine public routier départemental, dès lors que le département n'en est pas propriétaire. Il suit de là que M. E..., en sa qualité de propriétaire du terrain sur lequel était se trouvait cette haie, justifie d'un intérêt à agir en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de son arrachage. La fin de non-recevoir opposée par la commune de Sury-le-Comtal doit, dès lors, être écartée.

Sur la responsabilité de la commune de Sury-le-Comtal :

3. M. E... fait valoir que les services techniques de la commune de Sury-le-Comtal ont procédé, le 25 septembre 2012, à une coupe à blanc de la haie de thuyas lui appartenant située le long de sa propriété en bordure de la RD 54 et recherche la responsabilité de la commune à raison de l'atteinte portée à sa propriété privée résultant de cette emprise irrégulière.

4. Outre une photographie prise à l'occasion des travaux en cause montrant la présence d'une tractopelle à proximité de la haie de thuyas après que les troncs ont été coupés à une hauteur d'un mètre environ et les branchages rassemblés autour de cet engin et pour certains chargés dans son godet, M. E... produit, pour la première fois en appel, plusieurs autres photographies desquelles il résulte que ce même engin est habituellement stationné dans l'enceinte des locaux des services techniques de la commune de Sury-le-Comtal. Si, ainsi que le fait valoir la commune, il ne résulte pas de l'instruction que l'élagage de la haie aurait été réalisé au moyen de cette tractopelle, dotée uniquement de godets, les éléments produits en appel par M. E... sont de nature à établir suffisamment que cet engin de chantier appartient à la commune, ce que cette dernière ne conteste d'ailleurs pas sérieusement, et que la présence de cet engin municipal sur les lieux au moment des travaux permet d'établir, au vu de ces indices convergents et probants, que la commune de Sury-le-Comtal est à l'origine de ces travaux sur la propriété du requérant, lesquels sont constitutifs d'une emprise irrégulière. Par suite, M. E... est fondé à rechercher la responsabilité de la commune de Sury-le-Comtal à raison du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à sa propriété.

Sur l'évaluation des préjudices :

5. En premier lieu, M. E... a droit à la réparation du préjudice correspondant au coût d'arrachage des vingt-sept souches de la haie existante et de plantation d'une nouvelle haie. Selon le devis qu'il produit, le coût de dessouchage, d'évacuation des déchets et de replantation de résineux d'une hauteur équivalente à ceux qui ont été arrachés s'élève à la somme de 4 020 euros. Si la commune fait valoir que le coût d'achat de nouveaux plants s'établit entre 200 et 400 euros, cette estimation concerne des plants de plus petite taille et ne tient pas compte du coût d'arrachage et d'évacuation des souches. Il y a lieu, par suite, de faire droit à la demande indemnitaire de M. E... à hauteur de 4 020 euros.

6. En second lieu, le requérant ne justifie d'aucun trouble dans ses conditions d'existence devant donner lieu à indemnisation.

7. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sury-le-Comtal le paiement à M. E... d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la commune de Sury-le-Comtal, partie perdante dans la présente instance, bénéficie d'une somme au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : La commune de Sury-le-Comtal est condamnée à verser à M. E... la somme de 4 020 euros.

Article 3 : La commune de Sury-le-Comtal versera à M. E... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. E... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Sury-le-Comtal tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et à la commune de Sury-le-Comtal.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 janvier 2020.

2

N° 18LY00181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00181
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages créés par l'exécution des travaux publics. Travaux publics de voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELAS DFP et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-30;18ly00181 ?
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