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28/01/2020 | FRANCE | N°18LY02644

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 28 janvier 2020, 18LY02644


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1505358 du 7 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté, à l'article 1er, qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de l'imposition de l'année 2011, a prononcé, à l'article 2,

la décharge partielle des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme F......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1505358 du 7 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté, à l'article 1er, qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de l'imposition de l'année 2011, a prononcé, à l'article 2, la décharge partielle des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme F... ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 et des majorations correspondantes, et a rejeté, à l'article 3, le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 juillet 2018 et le 4 janvier 2019, M. et Mme F..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1505358 du 7 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 et des majorations correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la comptabilité de la SARL Imperial ne peut être regardée comme tenue au moyen de systèmes informatisés au sens des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- l'administration ne pouvait proroger la durée de la vérification de comptabilité en application du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que l'administration a écarté cette comptabilité comme irrégulière et non probante, dès lors que les lacunes constatées font suite à un dégât des eaux ;

- la méthode de reconstitution est sommaire dès lors qu'elle ne tient pas compte de l'activité de bar qui est distincte de celle de restaurant ;

- les résultats reconstitués par le vérificateur sont exagérés, dès lors que le ratio représentatif de la part des liquides alcoolisés par rapport aux ventes de nourriture et d'autres boissons non alcoolisées tel que calculé par le vérificateur est erroné, s'agissant de l'année 2010, que le résultat de l'activité de bar devait être reconstitué à part, qu'il n'a pas été suffisamment tenu compte du vin utilisé en cuisine ainsi que des vins bouchés et que les prix retenus par le vérificateur sont erronés ;

- l'administration ne démontre pas que les insuffisances d'imposition en cause auraient le caractère de manquement délibéré.

Par des mémoires, enregistrés le 20 décembre 2018 et le 28 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête, à hauteur des dégrèvements, d'un montant total de 2 293 euros, prononcés en cours d'instance, au rejet du surplus des conclusions de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 2 du jugement n° 1505358 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge partielle des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme F... ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 ainsi que des majorations correspondantes, et au rétablissement des impositions et majorations déchargées.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu qui ont été assignés aux requérants au titre des années 2009 et 2010 compte tenu de l'insuffisance de prise en compte du vin utilisé en cuisine et de l'erreur quant au prix des bouteilles revendues ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme G..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... est l'associée unique et la gérante de la SARL Imperial, société relevant du régime fiscal des sociétés de personnes dont les résultats sont imposables à l'impôt sur le revenu entre ses mains et qui exploite un restaurant-bar à Menton (Alpes-Maritimes). Cette société a fait l'objet en 2012 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, étendue au 31 décembre 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle l'administration fiscale, après avoir écarté la comptabilité comme irrégulière et non probante et avoir reconstitué ses chiffres d'affaires et ses résultats, a assujetti M. et Mme F... à des compléments d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, au titre des années 2009 et 2010 assortis de majorations. L'administration, après avoir également procédé au contrôle sur pièces des déclarations de revenus souscrites par M. et Mme F... au titre de l'année 2011, les a assujettis à un complément d'impôt sur le revenu au titre de cette année assorti de majorations. Le tribunal administratif de Grenoble, par jugement du 7 mai 2018, a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme F... tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu de l'année 2011 dégrevé en cours d'instance, a prononcé la décharge partielle des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme F... ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des majorations correspondantes, et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. M. et Mme F... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'action et des comptes publics demande la réformation du même jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. et Mme F..., et conclut au rétablissement de l'intégralité des impositions et majorations déchargées.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 6 décembre 2018, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a prononcé le dégrèvement du complément d'impôt sur le revenu auquel M. et Mme F... ont été assujettis au titre de l'année 2009, et des majorations correspondantes, à concurrence des sommes de 1 528 euros et 765 euros. Les conclusions de M. et Mme F... sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. " Aux termes de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. (...). ". Doivent être regardés comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité, au sens de ces dispositions, dont les données sont soumises au contrôle qu'elles prévoient, les progiciels de comptabilité sur lesquels sont reportées les recettes journalières ainsi que les caisses ou équipements de nature comparable dotés de logiciels informatiques participant, même indirectement, à la centralisation des recettes journalières dès lors qu'ils concourent effectivement à l'établissement de la comptabilité. Est à cet égard sans incidence la circonstance que les données de ces caisses ou équipements ne soient pas transmises de manière informatique au progiciel de comptabilité.

4. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la période en litige, la SARL Imperial a utilisé une caisse enregistreuse, équipée d'un logiciel informatique, à partir de laquelle la société a enregistré les commandes, édité les reçus destinés aux clients, encaissé les recettes, centralisé les données de caisse journalières, édité les bandes de caisse correspondantes et enfin conservé les données de caisse qui étaient enregistrées sur des disquettes. Cette caisse, dotée d'un logiciel informatique participant à la centralisation des recettes journalières qui concourt ainsi à la formation des résultats comptables et fiscaux doit, en conséquence, être regardée comme un système informatisé de tenue de comptabilité. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la SARL Imperial avait tenu sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, alors même que, comme les requérants le soutiennent sans au demeurant l'établir, Mme F... élaborait par ailleurs une comptabilité " papier " transmise à l'expert-comptable pour la souscription des déclarations de résultat. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " I.-Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) II.-Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. ".

6. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de la SARL Imperial, qui s'est tenue du 10 mai 2012 au 13 juillet 2012, n'a pas excédé la durée de trois mois prévue au I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Il résulte de l'instruction que les impositions contestées ont été établies suivant la procédure contradictoire et que les rectifications n'ont pas été acceptées. Dans ces conditions, il incombe à l'administration d'établir, d'une part, la preuve des irrégularités entachant la comptabilité de la SARL Imperial, l'autorisant à reconstituer les résultats de celle-ci, et d'autre part, le bien-fondé de cette reconstitution.

En ce qui concerne la valeur probante de la comptabilité :

8. Il résulte des dispositions de l'article 54 du code général des impôts que les contribuables relevant du régime des bénéfices industriels et commerciaux sont tenus de présenter à la demande de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration.

9. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la SARL Imperial n'a pas été en mesure de présenter, lors de la vérification de comptabilité, les disquettes sur lesquelles étaient enregistrées les données de caisse ni aucun justificatif de l'enregistrement chronologique des ventes journalières. A cet égard, M. et Mme F... affirment que ces disquettes ont été rendues définitivement inexploitables par un dégât des eaux survenu au mois d'août 2011. Toutefois, à la supposer établie, cette circonstance, dont il n'est pas démontré qu'elle aurait revêtu en l'espèce un caractère de force majeure, ne faisait pas obstacle à ce que le service écarte la comptabilité de la SARL Imperial. Si M. et Mme F... produisent un échantillon de tickets Z, il résulte de l'instruction que ces tickets n'ont pas été édités de façon quotidienne, ainsi que les requérants le reconnaissent eux-mêmes, que certains tickets regroupent les opérations de plusieurs jours tandis que d'autres forment doublons pour une même journée et enfin que plusieurs tickets ont été modifiés de façon manuscrite. Ces tickets ne permettent pas, en conséquence, de justifier de façon probante l'intégralité des recettes encaissées. Enfin, l'administration fait valoir, sans être contredite, que la comptabilité de la SARL Imperial ne comportait, lors du contrôle, aucun élément permettant de justifier des stocks de boissons au titre de la période vérifiée. Dans ces conditions, compte tenu de l'absence de justification des recettes ainsi que des autres manquements relevés, le service a pu estimer que la comptabilité tenue par la SARL Imperial était irrégulière et non probante et, par suite, procéder à la reconstitution extra-comptable de ses chiffres d'affaires et de ses résultats.

En ce qui concerne la reconstitution des chiffres d'affaires et des résultats :

S'agissant de l'appel principal :

10. Pour reconstituer les chiffres d'affaires réalisés par la SARL Imperial, le vérificateur, après avoir dépouillé les factures d'achat des boissons alcoolisées présentées par la société, a procédé au calcul des achats revendus d'après la méthode des " liquides ", en multipliant les recettes provenant des boissons alcoolisées, constituées par les apéritifs, divers vins non détaillés, les vins, bières, digestifs et champagne, par un coefficient calculé à partir du dépouillement de six tickets Z mensuels édités par la société en 2009 et de sept tickets Z en 2010, et permettant de déterminer la part de ces boissons alcoolisées par rapport aux ventes de nourriture et d'autres boissons. Il n'a pas tenu compte des stocks, en l'absence d'inventaire détaillé, et a eu recours, pour déterminer les quantités servies et les prix de vente pratiqués, aux indications données par la société et aux prix figurant sur les tickets Z produits. Après avoir déduit les pertes, offerts et prélèvements de l'exploitant, il a ainsi déterminé des chiffres d'affaires dont le montant a été fixé, au stade de la réponse aux observations du contribuable, à 416 770 euros et 424 397 euros au titre respectivement des années 2009 et 2010. M. et Mme F... soutiennent que la méthode adoptée par l'administration est excessivement sommaire, que des erreurs ont été commises par l'administration et demandent, à titre subsidiaire, que les impositions soient établies en retenant des chiffres d'affaires de 392 966 euros et 390 862 euros au titre de chacune de ces deux années.

11. En premier lieu, si M. et Mme F... font valoir qu'outre son activité de restauration, la SARL Imperial exerce une activité de bar, consistant dans la vente de boissons sans fourniture de repas, qui aurait dû faire l'objet d'une reconstitution distincte, il résulte de l'instruction, d'une part, que le vérificateur a tenu compte de la spécificité de l'activité de bar, en excluant les ventes de boissons comptabilisées en tant que " divers bar " et " divers à emporter " des boissons prises en compte pour le calcul du coefficient représentatif de la part des ventes de boissons alcoolisées par rapport aux ventes de nourriture et d'autres boissons, et, d'autre part, que la comptabilité de la société, qui ne comportait aucun inventaire des stocks de boissons ni aucune ventilation des ventes en fonction du secteur d'activité, ne permettait pas de déterminer les bases d'imposition de la société avec une précision meilleure que celle qui a été atteinte par la méthode utilisée par l'administration. Par suite, M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que cette méthode de reconstitution serait excessivement sommaire.

12. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, pour déterminer la part des boissons alcoolisées vendues au sein des ventes totales, le service s'est fondé sur des données propres à l'entreprise, et, notamment, sur les tickets Z que la SARL Imperial a remis au vérificateur, pour, respectivement, six et sept périodes mensuelles représentatives de l'activité au cours des mois de juin à novembre des années 2009 et 2010. Le service a ainsi calculé des ratios, représentant la part des recettes résultant de la vente de boissons alcoolisées par rapport aux ventes de nourriture et d'autres boissons, fixés, au stade de la réponse aux observations du contribuable, à 17,74 % au titre de l'année 2009 et à 17,79 % au titre de l'année 2010. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le ticket Z mensuel édité le 1er septembre 2010 ne fait pas état de recettes d'un montant de 62 798 euros mais d'un montant de 79 960 euros, dont le vérificateur a déduit les recettes liées à la location d'emplacements sur la plage, soit 9 165 euros, pour déterminer le montant de 70 795 euros qu'il a utilisé pour procéder au calcul du ratio précité. Par suite, le service n'a pas commis d'erreur dans le calcul du ratio applicable au titre de l'année 2010. En outre, les requérants n'explicitent pas la méthode par laquelle ils ont calculé les ratios de 17,90 % et 18,66 % qui auraient dû selon eux être substitués à ceux calculés par le service. Dans de telles conditions, l'administration doit être regardée comme ayant justifié que les chiffres d'affaires devaient être calculés sur la base de ratios, représentant la part des recettes résultant de la vente de boissons alcoolisées par rapport aux ventes de nourriture et d'autres boissons, de, respectivement, 17,74 % et 17,79 % au titre des années 2009 et 2010.

13. En troisième lieu, l'administration, pour reconstituer le chiffre d'affaires résultant de la vente de vin en bouteille, s'est fondée sur les factures d'achat produites par la SARL Imperial au cours du contrôle. Si M. et Mme F... soutiennent qu'un de leurs fournisseurs a repris 75 bouteilles de vin, dont le contenu était détérioré, en 2010, ils n'apportent, à l'appui de cette affirmation, aucune précision ni aucun justificatif de nature à la tenir pour établie. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a inclus ces bouteilles dans les achats revendus au titre de cette année.

14. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit plus haut, que le service a procédé à la reconstitution des chiffres d'affaires de la SARL Imperial selon une méthode qui n'est pas excessivement sommaire et dont il n'est pas établi qu'elle serait entachée d'erreurs. En se bornant à affirmer, sans autre précision, que les chiffres d'affaires de la société s'établissent à, respectivement, 392 966 euros et 390 862 euros au titre des années 2009 et 2010 alors que les chiffres d'affaires retenus par l'administration dans la réponse aux observations du contribuable sont de, respectivement, 416 770 euros et 424 397 euros au titre de ces deux années, M. et Mme F... n'apportent pas d'élément de nature à remettre en cause la reconstitution opérée par le service. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé de la reconstitution critiquée.

S'agissant de l'appel incident :

15. En premier lieu, les premiers juges ont fait droit à la demande de M. et Mme F... tendant à ce que les prix appliqués pour les ventes de vin en bouteille soient fixés à 18 euros pour le Riesling 75 cl, 17 euros pour le Côtes-du-Rhône 75 cl, 18 euros pour le Bordeaux 75 cl et 14 euros pour le Bandol 50 cl. Il résulte toutefois de l'instruction que l'administration avait déjà pris en compte ces prix de vente au stade de la réponse aux observations du contribuable du 6 novembre 2012. Dans ces conditions, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a prononcé à due concurrence une réduction du complément d'impôt sur le revenu assigné à M. et Mme F... au titre de l'année 2009.

16. En second lieu, le ministre de l'action et des comptes publics conteste, également par la voie de l'appel incident, la réduction en base accordée par le tribunal administratif de Grenoble au titre des années 2009 et 2010 à raison de l'application d'un abattement de 20 % sur les reventes de vin en cubitainers, pour tenir compte de l'utilisation de ce vin dans la préparation des plats. Il résulte de l'instruction que le vérificateur, après avoir consulté des recettes en présence du cuisinier de la société, a estimé que la part du vin acheté en vrac utilisé pour la préparation des plats devait être évaluée à 10 %. L'administration soutient que le nombre des pichets de vin susceptibles d'être revendus, compte tenu de l'utilisation en cuisine à proportion de 10 %, se limite à 8,75 pichets en moyenne par jour en 2009 et à 10 pichets par jour en 2010 et fait valoir que l'abattement de 20 % retenu par les premiers juges est exagéré au regard de la quantité de vin nécessaire pour assurer le fonctionnement de l'établissement. L'administration ne produit toutefois à l'appui de son affirmation aucun autre élément circonstancié et, notamment, aucune estimation du nombre de repas servis quotidiennement par la SARL Imperial, permettant d'évaluer la quantité de vin en pichet susceptible d'être vendue à table au cours des années en litige. En outre, elle n'apporte aucune critique précise de la méthode d'évaluation de la quantité de vin utilisé en cuisine retenue par les premiers juges, fondée sur le nombre de plats de moules et de plats de pâtes aux fruits de mer servis au titre de l'année 2009, multiplié par les quantités de vins utilisées selon les recettes produites, soit respectivement 20 cl et 3 cl, établissant qu'une part de 20 % des achats de vins en cubitainers a été utilisée pour la préparation des plats. Dans ces conditions, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a considéré que la part de vin en vrac utilisée pour la préparation des plats devait être évaluée à 20 %.

Sur les majorations pour manquement délibéré :

17. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ".

18. Les compléments d'impôt sur les sociétés auxquels M. et Mme F... ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 ont été assortis de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré.

19. Pour justifier l'application de cette majoration, l'administration fait état, d'une part, de l'importance et du caractère répété des dissimulations de recettes, de l'ordre de 50 % des montants déclarés au titre de l'ensemble de la période vérifiée, et, d'autre part, des manquements relevés dans la tenue de la comptabilité, et, notamment de l'absence de justification du détail des ventes opérées. Ces éléments, qui vont au-delà de la simple négligence dans la tenue de la comptabilité, démontrent la volonté des requérants d'empêcher tout contrôle et, par conséquent, son intention délibérée d'éluder l'impôt dû.

20. Il résulte de l'ensemble de tout ce qui précède, et sous réserve du dégrèvement intervenu en cours d'instance, d'une part, que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions restées en litige, et, d'autre part, que le ministre de l'action et des comptes publics est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif a prononcé la décharge du complément d'impôt sur les revenus auquel M. et Mme F... ont été assujettis au titre de l'année 2009 à raison d'erreurs quant au prix des vins revendus en bouteille.

Sur les frais liés au litige :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 2 293 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme F....

Article 2 : Dans la mesure de la réduction des bases d'imposition définie au point 15 relative au complément d'impôt sur le revenu de l'année 2009 résultant des recettes provenant de la vente de vin en bouteille, l'imposition à l'impôt sur le revenu et la majoration correspondante sont remises à la charge de M. et Mme F....

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 mai 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. et Mme F... et du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... F... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme C..., présidente-assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2020.

2

N° 18LY02644


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02644
Date de la décision : 28/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : PIOZIN BENEDICTE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-28;18ly02644 ?
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