Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2018 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1801955 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du préfet de l'Allier du 5 octobre 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 juin 2019, et un mémoire, enregistré le 25 octobre 2019, le préfet de l'Allier demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801955 du 28 mai 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) de rejeter la demande de Mme D... présentée devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
Il soutient que :
- par l'arrêté du 5 octobre 2018, il a refusé de délivrer à Mme D... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " au regard des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et non un certificat de résidence en qualité de " conjoint de retraité ", dont Mme D... n'avait pas sollicité la délivrance ; la décision est ainsi fondée sur les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et non, comme l'a jugé à tort le tribunal, sur les stipulations de l'article 7 ter du même accord.
- le refus de titre opposé à Mme D..., dont l'époux ne réside pas de manière permanente en France, ne saurait avoir des conséquences disproportionnées au regard de sa vie privée et familiale ;
- Mme D... n'a pas sollicité son admission au séjour au regard de son état de santé.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 octobre 2019, Mme D..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- il ressort des mentions de l'arrêté du 5 octobre 2018 que celui-ci était fondé sur l'article 7 ter de l'accord franco-algérien ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- son état de santé requiert une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
Par ordonnance du 30 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2019.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. François-Xavier Pin, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante algérienne née le 14 avril 1952, est entrée en France, en dernier lieu, le 19 janvier 2018 sous couvert d'un visa de court séjour à entrées multiples. Le 14 août 2018, elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par un jugement du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 5 octobre 2018 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite, le cas échéant, d'office. Le préfet de l'Allier relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le ressortissant algérien, qui après avoir résidé en France sous couvert d'un certificat de résidence valable dix ans, a établi ou établit sa résidence habituelle hors de France et qui est titulaire d'une pension contributive de vieillesse, de droit propre ou de droit dérivé, liquidées au titre d'un régime de base français de sécurité sociale, bénéficie, à sa demande, d'un certificat de résidence valable dix ans portant la mention "retraité". Ce certificat lui permet d'entrer à tout moment sur le territoire français pour y effectuer des séjours n'excédant pas un an. Il est renouvelé de plein droit. Il n'ouvre pas droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Le conjoint du titulaire d'un certificat de résidence portant la mention "retraité", ayant résidé régulièrement en France avec lui, bénéficie d'un certificat de résidence conférant les mêmes droits et portant la mention "conjoint de retraité". (...) ". Aux termes de l'article 6 du même accord : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
3. Pour faire droit à la demande de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Allier du 5 octobre 2018, les premiers juges ont retenu que l'autorité administrative avait commis une erreur de droit en subordonnant la délivrance à l'intéressée d'un certificat de résidence portant la mention " conjoint de retraité " à une condition relative à la continuité du droit au séjour du titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " retraité ".
4. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que Mme D... n'a pas sollicité la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de " conjoint de retraité " sur le fondement de l'article 7 ter précité de l'accord franco-algérien, mais au titre de sa " vie privée et familiale ", sur le fondement du 5) de l'article 6 du même accord. Il résulte des mentions de l'arrêté du 5 octobre 2018 que le préfet de l'Allier, après avoir relevé, d'une part, que le conjoint de Mme D... ne bénéficiait pas du droit de résider de manière continue et habituelle sur le territoire français et, d'autre part, que l'intéressée ne justifiait pas de liens personnels et familiaux en France suffisamment stables, anciens et intenses, a estimé que Mme D... ne satisfaisait pas aux conditions posées au 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Si l'arrêté litigieux vise l'article 7 ter de l'accord franco-algérien et relève à cet égard que le certificat de résidence délivré sur ce fondement à M. D... ne permet pas à celui-ci d'effectuer des séjours sur le territoire français excédant une durée d'un an, il ne ressort pas des mentions de cet arrêté que le préfet de l'Allier aurait entendu examiner d'office le droit au séjour de Mme D... en qualité de conjoint d'un titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " retraité ". En conséquence, c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté en litige du préfet de l'Allier au motif qu'il était entaché d'une erreur de droit dans l'application des stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et devant la cour.
Sur les moyens soulevés par Mme D... et dirigés contre la décision de refus de séjour :
6. En premier lieu, Mme D..., en soutenant qu'elle remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 317-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être regardée comme se référant aux stipulations de l'article 7 ter précité de l'accord franco-algérien, qui détermine les conditions dans lesquelles le conjoint d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " retraité " peut être admis au séjour en qualité de conjoint de retraité algérien. Toutefois, Mme D... ne saurait utilement soutenir qu'elle remplit les conditions de délivrance d'un certificat de résidence sur ce fondement, dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 4, que la demande sur laquelle le préfet s'est prononcé ne portait pas sur la délivrance d'un tel titre et qu'il n'apparaît pas que le préfet aurait examiné d'office le droit au séjour de Mme D... sur ce fondement.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Si Mme D... fait valoir que l'intégralité de sa famille réside sur le territoire français, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle est entrée en France en 2018, à l'âge de soixante-six ans. Elle ne justifie pas être dénuée de toute attache privée ou familiale dans son pays d'origine, alors que le certificat de résidence de dix ans délivré à son époux, en dernier lieu le 7 avril 2018, en application des stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien est notamment conditionné par le fait qu'il ait établi ou établisse sa résidence habituelle hors de France. Dans ces conditions, le refus de délivrer un certificat de résidence à Mme D... ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En troisième lieu, Mme D... fait valoir que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, et en tout état de cause, alors qu'elle n'a pas présenté de demande de titre de séjour au regard de son état de santé et que le préfet, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait eu connaissance des problèmes de santé dont elle se prévaut devant le juge, n'a pas examiné d'office si elle pouvait prétendre à un droit au séjour sur ce fondement, il n'est pas soutenu ni même allégué que Mme D... ne pourrait obtenir des soins appropriés à sa pathologie dans son pays d'origine.
10. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Allier est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé son arrêté du 5 octobre 2018.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1801955 du 28 mai 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : La demande de première instance présentée par Mme D... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... C... épouse D.... Copie en sera adressée au préfet de l'Allier et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 janvier 2020.
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N° 19LY02478